jeudi 1 novembre 2012

Macedoine: Peshkopi-Bitola

Nous passons trois jours à Peshkopi, ici les regards nous semblent moins noir que dans les autres villes d'Albanie que nous avons traversées, ou peut être cette sédentarisation temporaire nous a-t-elle permis de nous y habituer? Pourtant les rues sont ici tout autant pleines d'hommes qui semblent toujours aller quelque part à grands pas décidés, et à la fois, tourner en rond dans un manque d'objectif quotidien. Les rues sont enchevêtrées de véhicules parfois à la remorque chargée de moutons, on croise aussi des carrioles tirées par des chevaux. Quelques unes sont éclairées par de faibles lampadaires à la nuit tombée et quasiment toutes comptent des nids de poule impressionnants. Les petits immeubles en piteux état sont reliés aux poteaux électriques par un enchevêtrement indescriptible de fils et des tas de bois démesurés trônent devant les entrées. Pas de chauffage central, les hommes comme les femmes sont à la hache. Nous profitons de notre halte pour nous régaler tantôt de pizzas, tantôt de plats locaux: pâtisseries gorgées de miel, pain délicieux, patates frites incontournables, viande grillée (pour Jean-Da) un classique, salade de choux, poivrons piquant et sauce yogourt épaisse qui prépare nos papilles pour la Grèce. Le jour de notre départ, c'est Bayram, on célèbre la naissance du Prophète Mohamed. Notre logeur nous offre de délicieux Batlava (feuilleté fourrés aux noisettes et noix concassées et arrosé de miel) et du riz au lait, un régal! Un régal aussi de tomber sur une personne aussi sympathique.

Depuis le pont sur la rivière qui traverse la ville. Elle sert de dépotoir géant et c'est avec difficulté que nous laissons nos déchets dans la poubelle de l'hôtel. Ils pourraient bien finir ici...



Bien que peshkopi soit une grande ville comptant une université, pas de centre commerciaux. Ici, une échoppe typique, au fond d'un garage donnant sur la rue.

Nous longeons une chaîne de montagne aux sommets pelés tout au long de la route qui nous mène à la frontière de la Macédoine. Les douaniers au regard vide, schtamplent nos passeports sans enthousiasme derrière la vitre de leur aquarium. RAS! Moi aussi je suis taciturne, cette traversée de l'Albanie a été nerveusement éprouvante, je me sens fatiguée, comme vidée d'une part de mon énergie vitale. Moi (Leo) qui partait pleine d'assurance, j'ai le sentiment qu'une graine de méfiance a été plantée dans le terrain fertile de notre vulnérabilité d'itinérants. Pourtant, je refuse de me laisser guider par la peur, elle ne favorise ni la découverte, ni la rencontre, elle est mauvaise conseillère. Dans quelque temps, je pense que je pourrais considérer cette expérimentation de ma vulnérabilité comme une exploration constructive de mon pouvoir personnel, de mes limites et de mes points d'appuis. Cela m'offre aussi des points de repère quant à ma façon de me positionner face a l'inconnu, d'apprendre la vigilance, la balance entre la méfiance et l'accueil, l'affirmation de soi, l'assurance, la confiance en sa propre assurance en fait! Tout un programme de tergiversation intérieure... (j'ai plus les copains pour couper les cheveux en quatre, alors je m'y emploie en solitaire, on s'refait pas!).
Moment de rigolade quand un homme en veston sort subitement de sa poche une liasse de biffetons sous cellophane, on se croirait dans un mauvais remake du parrain. Voulait-il nous faire du change?
On nous avait mis en garde contre les chauffards albanais. A présent, nous pouvons attester du grand respect qu'on nous a témoigné sur les routes peu fréquentées que nous avons empruntées, un coup de klaxon sympathique et un large écart a rythmé chaque dépassement. Les préjugés ne sont pas toujours vérifiés!

Depuis Debar, nous longeons le lac par sa rive Ouest, toujours en suivant la chaîne des montagnes, chaque sommet pelé en cache un autre, les rochers des pics viennent griffer le ciel, de petits villages aux minarets pointus se cachent dans les pentes, le tout se reflète dans les eaux du lac. Un paysage grandiose. Lors de notre première pause de midi en Macédoine, une bande de vauriens, de sales gosses, nous cailloutent. Mon sang ne fait qu'un tour, si j'en attrape un, je l'amoche. Non mais, faut pas pousser, mon quota de résignation est atteint! Je suis prête à en découdre, ils déguerpissent aux cris sonores et viriles (c'est lui qui veut que je précise, comme si c'était nécessaire...) de Jean-Da.

Lac Debarsko, peu après Debar.
Nous dormirons à la hauteur du village de Lukovo sur un terrain de foot aux coté de la rivière que nous avons du traverser à gué. Pieds congelés pour le souper. Le matin, un épais brouillard enveloppe la gorge que nous suivrons toute la matinée. La brume s’évapore peu à peu, vision mystique sur les pans rocailleux des montagnes. Nous filons droit sur Struga. Des constructions s'étendent sur toute la longueur de la route qui nous mène au lac d'Ohrid . Nous sommes ébahis par l'envergure des maisons, le crépit et la peinture de leur façade, les colonnes qui soutiennent leur balcon, les jardins d'ornement qui les entourent. C'est comme passer du Moyen-Age aux Temps Modernes sans passer par la Renaissance. Les rues pavées de marbre de Struga, ses enseignes lumineuses, ses vitrines de sous-vêtements et par-dessus tout son enseigne Burger King finissent de m'offrir mon cadeau d'anniversaire. Nous sommes le 26 octobre, nous sommes partis depuis 5 mois. Habillés à la mode occidentale, de vêtements plus ou moins griffés, des jeunes gens se baladent avec désinvolture dans la rue, la tête pleine des préoccupations de leur âge. On nous lance des regards curieux, voire admiratifs. Personne ne nous alpague, ne nous siffle, ou ne nous importune pas. Quel plaisir de ne pas se sentir sur la sellette en pénétrant en ville, quel répit pour l'esprit, un soulagement qui, je ne sais pourquoi, se cristallise pour moi (Leo), autour de l'enseigne de Burger King. Je n'aurais jamais cru que la vue de ce symbole consumériste, me donne le sourire à ce point!

Bien que moins présents qu'en Albanie, les déchets en Macédoine parsèment aussi les cours d'eau et les bords des routes. Une décharge à ciel ouvert, fumante, nous a accueilli à la frontière, c'est mieux que rien, mais...

Le soir, nous atteignons Ohrid et y passons deux jours à flanner dans ses ruelles marchandes, à observer les maisons moyenâgeuses de son centre, à contempler les étales de fruits et légumes du marché/bazar, à visiter son impressionnant château, à roder autour de ses remparts, à se promener sur ses quais et à regarder la télé en grignotant des cochonneries. Personnellement (Leo), je commence à m’apaiser et à retrouver un peu de mon calme intérieur.

Toile d'araignee de fils électrique, la règle en Albanie, comme en Macédoine (ici dans la ville d'Ohrid).

Les quais d'Ohrid, terrasses, écran géant, la civilisation sonnante et trébuchante...


Murailles du château d'Ohrid. Nous avons été heureux de voir l'application et le soin mis à la restauration, toujours en cours.

La pluie nous a fait rester à Ohrid, nous arpentons ses ruelles.

Chapelle Orthodoxe, Ohrid sur fond de ciel d'orage.

Ohrid sous un brin de soleil pour fêter notre départ.


C'est lors d'une accalmie à travers les averses que nous quittons Ohrid en direction de la Réserve Naturelle de Galicica que le Mont du même nom surplombe à plus de 2000 mètres d'altitude. Ce ne sont pas moins de 850 mètres de dénivelé que nous avons parcourus aujourd'hui, sur 33 kilomètres, sous une pluie battante. Il fait presque nuit lorsque nous établissons le camp, il fait froid mais la pluie a cessé et nous laisse souper en paix. Le lendemain, nous découvrons que la limite de la neige se situe à quelques 100 mètres au-dessus de notre toit de toile. Un brouillard chargé d’humidité nous accompagnera jusqu'au col à 1650 mètres d'altitude entre le Mont Galicica et le Mont Zoli, réserve absolue. Les feuilles des arbres, étonnamment vertes autour du lac, sont maintenant roussies et tranchent magnifiquement sur le sol enneigé. La redescente promet d’être froide, un vent s'est levé.

Parc Naturel de Calicica


Première neige au matin du 30 octobre. Des places de camping sont aménagées cloisonnées dans un espace grillagé, nous décidons de nous y enfermer pour la nuit. Le lendemain nous croisons une pancarte expliquant que la réserve absolue est l'habitat des Ours, entre autre bête de la forêt. Nous avons eu bon nez d’être prudents.

Gorille dans la brume avant d’atteindre le col, ça monte, mais on a le sourir!

La montée toujours... on transperce les nuages, un paysage qui récompense instantanément toute nos transpirées, et fait oublier le froid dans les doigts.

Au col, on tient à preciser que cette photo ne rend pas justice à la réalité du panorama.


C'est avec decile que l'on découvre le lac Prespanke dans son écrin de montagne. Elles s 'élèvent depuis leur base orangée vers leur sommet blanc. Les percées du Soleil dans les nuages éclairant tantôt l'eau, tantôt un versant, tantôt un sommet. Nous descendons sur plusieurs kilomètres sans donner un coup de pédale. Le café du coin sera notre refuge, pour nous réchauffer pieds et mains avant d’installer notre camp sous le auvent de l'Eglise Orthodoxe de Surtensi, depuis lequel nous avons une vue magnifique sur le lac. Le lendemain, un ciel bleu accueille notre réveille. Nous traversons la plaine avant d'escalader une nouvelle chaine de montagne par une route fréquentée. Nous passons un col a 1200 mètres depuis lequel on peut voir  dans son ensemble le massif duquel nous venons et ses monts enneigés. De l'autre côté de la montagne, la végétation a changé, on ne rencontre presque plus que des sapins. Une descente sans fin nous fait entrer dans la ville de Bitola, ou nous restons deux jour pour nous mettre à l’abri de la pluie qui a repris.

Demain, si le temps le permet, nous passerons en Grèce. Route vers le Sud-Est, le mauvais temps dans le dos!

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