jeudi 17 décembre 2015

Allemagne (Baviere - Bade Wurtemberg): Oberjoch - Bitz - Stein an Rhein


Encore une frontière franchie sans douanier. Le col de Oberjoch-Pass (1178m) est sous la neige, le soleil éclaire parcimonieusement le paysage blanc, montagneux, splendide. A Oberjoch-Village, des chapeaux de feutre et des pantalons de cuire à bretelles m'accueillent à la station service. C'est le seul endroit du village qui n'est pas travesti par le tourisme, les locaux s'y rencontrent donc autour d'une mousse. Les nez sont marqués de couperose et des chaussettes remontées sur les mollets. En descendant les violets sur la Deutscher Alpestrasse, la réalité me prend à la gorge: L'Allemagne: dernier pays avant la Suisse. L'idée fait son chemin et m'emplit d'émotions mélancoliques. Le salut d'un aîné à vélo en sens inverse fait office d'antidote. Le futur s'aborde le sourire aux lèvres. Il fait froid et la plafond nuageux coupe les montagnes en deux, la vue est bouchée, dommage. La foret est rousse nappée de brouillard et dégoulinante d'humidité. En bas, la neige a fondu, contraste entre le vif festival rougeoyant arboricole et le terne des cimes et du ciel coquille d'oeuf.


Allemagne Bavière: Col de Oberjoch-Pass (1178m)


Je suis surprise par le nombre d'entreprises s'alignant le long de la route: scieries, ameublement, paysagisme, maçonnerie, sanitaire. L'Allemagne renvoie l'image d'un pays dynamique et créatif. Les demeures fermières des villages campagnards m'interrogent, elles sont immenses. Que font donc les habitants de tant de place? Le pic-nic de midi ressemble à un siège. J'ai colonisé un banc en rondins massifs sur les rives de la Iller. Mon sac de couchage sèche à l'air libre, mon réchaud fume, mes cartes s'étalent un peu partout. Si la nuit prochaine est aussi froide et humide qui la précédente, il vaut mieux se préparer à l'avance. Ce capharnaüm attire l'attention et les encouragements pleuvent. Me voilà même entrain de serrer quelques mains par l'intermédiaire d'une jeune expatriée en visite dans son pays natal. Je ne m'attendais pas à une telle cote de popularité sur cette terre voisine de la mienne et aux moeurs prétendument similaires.

A la gare du bourg de Simmerberg, pas d'eau potable. Bienvenue dans les pays modernes qui entendent monnayer l'accès à l'élément, à l'essence de la vie. Un curiste en séjour thérapeutique, m'offre de l'argent afin de m'en procurer. Refus, remerciement respectueux en joignant mes mains devant mon front. Je force la chance dans un café, histoire de vérifier que le bon sens emphatique n'a pas déserté les lieux commerciaux de ce village de carte postale. Il y a des choses qui ne s'achètent pas!

Nuit derrière la rambarde de fer d'une place de parc au bord de la route et réveil en sursaut par le chant d'enfants sur le chemin de l'école. Il pleut, la Deutscher Alpenstrasse ne me dévoilera décidément pas ses charmes. Parcours vallonné et absolument paysans jusqu'à Insy  une halte internet m'informe de la persistance du mauvais temps. Se mettre à l'abri devient urgent, ça fait trop de nuits passées dehors dans le froid et trop de jours dans l'humidité. J'avais compté avec une importante offre de "Zimmer Frei" sur la Oberschwabische Barokstrasse, mais il n'en est rien. De bosses cultivées en creux de rivières forestières, il n'y a que des bourgades aux rues pavées et des fermes isolées. Par sa vitre baissée Richard me tend une banane. Il  m'indique l'auberge de Wolfegg. Ses yeux pétillent, il a lui-même parcouru l'Asie à vélo une dizaine d'années avant moi. Le terrain de foot du bled suivant m'attire, lieux de camping potentiel. Burny m'interpelle alors que je passe devant une Gasthof fermée au public mais qui sert de salle communale. Que fais-je ici? Et bien je cherche un endroit pour dormir! C'est dit. En toute logique, on m'invite donc à coucher dans la chaleur de la salle du restaurant inoccupée. J'y passerai deux nuit, sans qu'une seule goutte de pluie ne daigne tomber du ciel. C'est malin! Burny et Michael sont d'anciens baroudeurs qui ont jeté leur ancre ici depuis dix ans. Ils ont mis sur pied un service traiteur et organisent aussi des événements. Michael est amoureux de ses casseroles, il me montre comment confectionner des pralinés avec tendresse, rouler des crêpes harmonieusement. C'est un régal de l'observer à l'oeuvre. Burny m'embauche dans l'élaboration d'un délicieux Dahl indien. Séquence souvenirs. L'ouverture et le naturel de l'accueil que m'ont réservé ces deux amis est déconcertant. Quand je les interrogent, ils me confient leur passé voyageur. Eux aussi connaissent les besoins de celui qui est sur la route. "Tu seras toujours la bienvenue. Si nous ne sommes pas là, tu n'a qu'à ouvrir la porte. Tu es ici chez toi". Les mots raisonnent dans ma tête et embrassent mon coeur. Merci à vous deux. je vous souhaite beaucoup de succès, puissiez-vous éprouver toujours autant de plaisir à exercer votre passion et avoir toujours autant de bienveillance à offrir.


Micha à l'ouvrage

Encore un jour froid mais quasiment sans pluie. Le ciel reste chargé et les couleurs vives des forets automnales en sont tristement ternies. Elle me fascine toutefois, je réalise que plus de deux ans et demi se sont écoulés sans que je ne rencontre cette saison. C'est beau l'automne, le rouge, le jaune, l'orange et toutes leurs déclinaisons. Seule les sapins restent verts et forment des taches sombres au milieu de ce feu d'artifice. Tout à coup, au bord de la route, Richard. Incroyable mais vrais!!! Il n'invite pour un café-croissant dans la première boulangerie de Bad Waldsee. Nous y resterons plus de deux heures au chaud à échanger sur le thème du voyage, de l'itinérance géographique et intérieure que cette merveilleuse expérience fait vivre. "Tu verras, au bout d'un mois de retour chez toi, tu penseras que tu t'es réadaptée, que tu auras réintégrer les normes de ta culture d'origine, puis d'autres mois passeront et au bout de six mois, tu te diras que là, vraiment tu as réappris ce mode de vie... Les années s'écouleront. Au bout d'un an, tu réaliseras que certaines choses t'avaient échappées jusque là... Et puis cinq ans plus tard, un détail te heurtera... on n'en revient jamais vraiment du voyage!". Merci Richard. Merci pour tes témoignages sincères et tendres, pour ton écoute et tes conseils, pour avoir partagé avec moi tes constatations et tes inspirations. Le monde est beau à travers tes yeux et dans ta bouche. Un déjeuner d'une saveur inhabituelle duquel je ressors émerisée, paisible, heureuse.


La basilique de style rococo de Steinhaussen est incroyablement haute en comparaison du tout petit village. On m'en avait venté les médites, les visiteurs s'y massent. Ayant fait le détour, je suis déçue. A quoi m'attendais-je? Cependant, elle offre un pôle d'attraction à la bourgade ce qui permet d'y faire vivre un peu d'activité. Ce n'est pas le cas pour bien d'autres villages du Schabische Land: aucune échoppe, pas d'école, rarement un café, un bureau de poste; parfois au carrefour, un distributeur de cigarettes en plein air. C'est tristoune. Que font ces paysans une fois la journée de récolte des pommes de terre terminée? Aucun lieu de socialisation ne leur est accessible. Il faut aller faire les courses à la ville, puis rentrer chacun chez soi, devant le petit écran. Jean Ferrat dirait "savoir ce que l'on aime et renter dans son HLM manger du poulet aux hormones" (chanson "Que la montagne est belle" à laquelle je suis très attachée et qui me reviens souvent à l'esprit). Les terrasses de bistros roumains réapparaissent dans mes souvenirs... je suis nostalgique. Et puis, c'était en juillet, il y avait du soleil et il faisait chaud!


Allemagne: Plafond de la Basilique baroque de Steinhaussen

Il fait déjà presque nuit lorsque je m'installe dans un petite parc peu après Redlingen. Je suis émue... très émue. J'enclenche la caméra vidéo, immortalise le moment. C'est la dernière nuit du périple que je passerai en solitaire. Demain j'arriverai chez mon amie Régina  Jean-Da viendra me retrouver pour cheminer avec moi jusqu'en Suisse. La fin d'une expérience merveilleuse, l'une des plus significative de ma vie. Une expérience de découvertes intenses, inattendues, grandioses, révolutionnaires. Une opportunité unique de rencontre avec moi-même, d'apprivoisement, d'apprentissages, de tâtonnements, de cheminement! Un sorte d'histoire d'Amour, l'ultime histoire d'Amour! Maintenant la direction est connue, la voie ouverte, ne reste plus qu'à poursuivre le chemin dans un contexte  les éléments de distraction et de distorsion seront plus nombreux. Ce défit me terrifie, suis-je prête? J'ai l'impression de me poser les mêmes questions que l'an dernier en sens inverse. Cette solitude qui me faisait si peur et devenue mon alliée. Une île paisible, une cime solide. Saurai-je me tenir aussi droite, me sentir aussi connectée et tranquille lorsque les eaux et les vents se déchaîneront aux alentours? Certains parlent de la "fin du voyage". Je n'y comprends rien! Une page se tourne certes, un chapitre se clos peut-être... mais le voyage continue, il continuera bien après mon retour en terre helvétique, bien après la fin de l'itinérance... jusqu'au dernier jour de mon existence sans doute! Chaque instant est une chance, une occasion d'observation, de réflexion ,de connexion, de sensations, d'avancer un pas de plus sur le chemin qu'on a choisi de suivre. Je m'endore dans le brouillard, savourant le froid, l'humidité et l'obscurité, remerciant l'instant présent, les erreurs du passé et les doutes du futur.


Allemagne: Champagne pour mon arivéà Bitz!! Santé!


Allemagne, Albstadt : Régina m'emmène explorer les bois alentours


Un cris de jet qui raisonne dans la foret, un jeune cerf au milieu de la chaussée. Bitz, sous le soleil enfin! Je mets à contribution les habitants du bourg pour trouver finalement la maison de mon amie Régina. Une accolade chaleureuse, une douce chaude et un lave-linge automatique. Un bouchon de mousseux explose et un flot de paroles emplit la cuisine. On se souvient de Chang Mai (Thailande), les jeunes backpackers de la Guest House  nous résidions, ses ambiances familiale, joyeuse. On s'échange les nouvelles, se raconte les aventures réciproques. On rit, on rêve, on plane et on se délecte de jus de fuit frais et de fromages régionaux. 


Allemagne, Bade Wurtemberg : Balade en foret avec mon amie Régina
Allemagne, Bade Wurtemberg: Château de Hohenzollern


Chaque jour passé chez Régina sera une fête ponctuée de visites à ses parents fascinés par le périple, et de balades dans les forets environnantes sur un tapis de feuille orangées, sous l'oeil vigilant des rapaces qui voltigent en nombres entre les arbres. Un point de vue sur le château de Hohenzollern, le sommet d'une tour-antenne, l'enclos des sangliers ou les terriers de blaireaux de son enfance constitueront nos buts de promenades. Régina est ouverte à aborder des thèmes personnels et profonds. Nos soirées seront philosophiques sur fond de musique rock retransmises par un chaîne de radio locale, octobre est le mois du fameux "Hit Parade". Quel plaisir de partager son temps avec cette merveilleuse et charmante femme. Tout est simple et fluide, paisible et agréable. Merci Régina pour ce séjour reposant et berçant. A tes cotés je ne sens protégée, respectée, comprise, c'est un cadeau précieux que je reçois avec déférence. Merci!



Allemagne, Bitz: Salut Régina, merci pour tout!!!


Jean-Da arrive un après-midi comme les autres après huit jours d'itinérance. Il a fait bonne route sous un ciel couvert. Il se dit heureux d'avoir retrouvé son vélo, sa tente, son rythme de voyageur libre. Les retrouvailles se passent naturellement, sans empressement.  Elles sont cordiales et sans accroc. C'est magnifique car comment prévoir les réactions de l'inconscient et des émotions qui pourraient s'accrocher au passé? Un autre bouchon de mousseux pète. On célèbre dignement avant de reprendre la route le lendemain matin.



Allemagne: Jean-Da m'a rejoint!


On roule côte à côte, on parle tout en pédalant. Le soleil brille, il faut presque chaud. Nos multiples pauses café sont autant d'occasion de se raconter. Des trajectoires différentes, des expériences disparates, des projets incertains... une même voie. Une voie alternative à la grande autoroute mondiale, un chemin tortueux que chaque découverte amassée en route a orienté un peu plus vers la nature, le partage, l'ouverture d'esprit, le temps libre, l'espace non-balisé, la créativité, la spiritualité, le décloisonnage, la non-violence, l'audace, la rêverie, l'utopie, l'écoute, le contacte au présent, à sois-même et à autrui, la mise en question des acquis, des habitudes, l'auto-observation. Un sentier à la découverte de soi qui se dirige vers la Paix intérieure, l'Amour. Échanger avec mon ancien compagnon de route et un réel cadeau. Je me sens libre, libre d'être ce que je suis, libre de dire sans être taxée de farfelue, d'irrationnelle, d'irréfléchie... Je me sens comprise, je retrouve un frère, un frère de coeur dont les vibrations s'harmonisent aux miennes.



Allemagne: compement forestier dans les environs de Simaringen

On dépasse de château-église de Simaringen perché sur un roc au milieu de la ville. Jean-Da connaît le tracé pour l'avoir emprunté pas plus tard que la veille. Il me guide le long des pistes cyclable au milieu de la foret couleur feu, à travers les champs verts, violets, brun terre ou jaune colza. La clarté est magnifique, le temps est avec nous, pas de pluie mais les soirées sont fraîches. Peu avant Stockach, je suis émue de rencontrer les premières balises rouges, les indicateurs des piste cyclables suisses. On y est presque. On roule dans une plaine plantées de vergers de pommiers, les vaches broutent dans les prés, l'herbe est fauchée, les paysans collectent un maximum de fourrage en prévision de l'hiver qui approche. J'observe les paysages avidement. Tout autour, des collines de foyards et de sapins, semblables à celles de mon Jura natal. Dans le fond, la cime d'un clocher blanc, encore une montée est nous atteindront le Boden See. C'est une tempête dans mon thorax, je la regarde grandir, la sens bourbillonner. Elle remonte dans ma gorge, fait battre la chamade à mon coeur. J'ai les idées brouillées, je grade le silence. État étrange, il n'est ni triste ni joyeux. Il est à la fois triste et joyeux mais pour moi, il n'a pas de qualificatif positif ou négatif. J'aime mieux le définir comme un tsunami énergétique, une vague aux vibrations intenses qui excite toutes les particules qui me composent. Ce mouvement génère du stress, perturbe l'équilibre, l'harmonie intérieure que je m'applique pourtant à cultiver. Nous sommes tous les deux euphorique en rejoignant Radotfzell. Jean-Da attire mon attention sur toutes les spécificités de ce monde, il est critique et plaisantin. On parle fort et éclatons de rire à longueur de temps. Au campement du soir, c'est l'extrême inverse. Je serre les dents, ne pipe pas mot, regarde le coucher du soleil qui découpe en ombres chinoises des parois de molasse et une église. Seule, je prends soin de moi, vis l'émotion, accepte les sensations qui n'habitent, respire et médite afin de ne pas me laisser envahir par les sentiments trop intenses qui finiraient par générer peur panique et déprime. Je les observe, essaie d'en tirer le meilleur. Fais de mon mieux pour apprécier à sa juste valeur cette étape du Voyage sans laisse le disconfort actuel de la situation se cacher derrière des craintes à propos du terrible inconnu que sera le futur. Un exercice de haute voltige, une chance de grandir un peu plus.



Allemagne, Radotfzell : un dimanche après-midi au Boden See


On longue le Lac de Constance sur un chemin de gravier, le centre des villages composés de veilles maisons en pierres ont des rues pavées. "De l'autre coté, c'est la Suisse", je souris et réponds "ouais" tout en rêvant de faire taire mon partenaire de route. Innocemment, il me propose une pause thé, prétextant une soif soudaine. "Maintenant, ici?". Il appuie sont vélo un hasard d'une clôture de fil barbelés, met pied à terre et se retourne, me regarde intensément. Je lève les yeux et je comprends. Une borne porte une croix blanche sur fond rouge, j'avance très lentement et la dépasse. "Bienvenue chez toi Léouze!", Jean-Da me donne l'accolade et me tend une tasse de thé chaud, nerveusement, je me roule une cigarette. Wouahh, j'ouvre grand les yeux et cherche les différence d'avec le pays d'avant. Un jeu des 7 erreurs grandeur nature, mais mis à part le drapeau suisse qui flotte fièrement sur la ferme voisine, je n'en trouve aucune. La stabilité des éléments extérieurs me rassure, contrebalance un peu la tornade des éléments intérieurs. Je remercie Jean-Da d'être là, à mes cotés en cet instant.



Passage de frontière: L'arrivée en Suisse c'est maintenant!!!




jeudi 3 décembre 2015

Allemagne (Baviere) - Autriche (Tyrol - Salzburg - Vorarlberg): Bad Reichenhall - Innsbruck - Bludenz - Oberjochpass

Messge publié par Léo



Sur la route secondaire aucun contrôle douanier n'a été rétabli. J'en suis surprise, je m'attendais à plusieurs heures d'attente, comme les journaux le mentionnent. Me voilà donc en Bavière, ça ne fait aucune différence. A Bad Reichenhall, Sophie m'attend avec un sourire splendide, un café fumant et beaucoup de bienveillance. Elle et sa colocatrice, Miriame ont été partenaires d'aventure six mois durant à travers l'Amérique Latine. Leur retour au pays date de février 2015, c'est une joie de découvrir grâce à elles cette étape du périple qui m'attend aussi très prochainement. J'avais prévu cet arrêt par l'intermédiaire de warmshowers (voir l'article à propos de cette organisation: http://www.jeandaetleo.blogspot.ch/search/label/Associations%20et%20H%C3%A9bergements) sachant qu'après la visite de GP, un temps de calme et de récupération émotionnel me serait indispensable. Je ne suis pas déçue! Mon séjour sera rassurant et apaisant.


Allemagne, Bad Reichenhall: chez Sophie et Miriame,

 La compagnie des deux jeunes filles est délicieuse, intense tout en étant reposante. Les échanges sont profonds, l'organisation détendue, l'écoute attentive, le partage authentique. Pour beaucoup d'entre nous, voyageurs au long-cours, le retour dans son milieu d'origine n'est pas une évidence. C'est une étape qui est partie intégrante du voyage, à ne pas négliger. C'est assez soudainement que la réalité de ma propre arrivée prochaine en Suisse me heurte. Elle devient tout à coup tangible lors d'un Skype avec ma famille qui me dis "à dans un mois". Le corps parle, tremblement, noeud à l'estomac, picotements à la racine des cheveux. Merde alors, j'arrive! Jusqu'à présent, les réjouissances, craintes, doutes, interrogations profondes et questionnements concrets quant à ce moment particulier de l'aventure avaient toujours été rapidement noyés dans la folie balkanique, trop souvent accompagnés d'un verre ou deux. J'en prends pleinement conscience en un instant! Il va falloir redresser la barre, donner la chance à ce moment d'exister, accepter les peurs liées à l'inconnu de l'après, les réticences aux changements entre le nomadisme et la sédentarité, les craintes des effets d'un quotidien plus routinier sur les perceptions du Monde, de soi, de la Vie... Ce coup de massue me donne aussi l'opportunité de réaliser ma chance d'être entourée d'une famille et de proches aimants, soutenants et dévoués. Je me dois d'apprécier ce cadeau à sa juste valeur, d'en profiter pleinement, intensément, de la manière la plus authentique possible. Quel électrochoc, un électrochoc salvateur! Il me reste à présent à plonger dans cette nouvelle aventure, la vivre consciemment et en tirer le meilleur. Les deux jeunes femmes me présenteront aussi Teresa avec qui l'entente est instantanée, le contacte magique. Celle-ci propose de m'accueillir à Innsbruck  elle étudie. Sophie, Miriame, merci! Je vous souhaite beaucoup de courage, de force et plein succès dans la poursuite des chemins que vous êtres entrain de vous tracer. 



Allemagne, Reit im Winkl: village touristique bavarois


Je suis la Deutscher Alpestrasse, la route est basse entre les monts élevés. Le décors et les villages sont similaires à ceux de l'Autriche qui se trouve d'ailleurs à quelques kilomètres de là. De loin en loin, de petits lacs enserrés dans ce paysage alpin: ils sont azure et verts, blancs et beige, grandiose! La zone est très touristique: hôtels, campings, remontées mécaniques, centre équestres, tennis, piscine, gasthof, golf 24 trous... Chic! Le vent est passablement frais, les promeneurs me saluent alors que je pic-nique sur un banc de Reit im Winkl avant les montées qui me ramènent dans le Tirol autrichien. Je peux apercevoir le tracé de la route de loin car un seul itinéraire est possible dans cette étroite vallée où viennent s'échouer, en quinconce, les bases de hauts monts. Tous les bleds portent un nom suivi de "im Tirol", ici l'on sait qui l'on est et d'où l'on vient! Les fermes massives sont surmontées d'une girouette décorée d'un coq, d'un cheval en fer forgé sous de petits toits côniques en tavillons qui abritent une cloche. Au sommet du faîte du toit, une croix chrétienne, architecture typique. Dans les pâtures, des chevaux Haplinger à crin blond et robe rouille, des vaches blanches tachées de beige, écornées, des moutons tondus et des lamas alpagas.


Autriche, Tirol: Kitzbuhel 

Aux alentours de Kitzbuhel, certains champs sont des cimetières à courges. Leur cadavre gonflés, rouge, orange, en putréfaction attendent le labour prochain pour se mélanger à la terre, redevenir poussière.  Ces parias gâtés, difformes, n'ont pas été jugés bon à la consommation. Dans un monde d'apparence, où l'on préfère l'esthétisme au naturel, les besoins de secondaires prennent le pas sur les besoins vitaux; de toute façon les ventres plats c'est à la mode. Les cannes de maïs sont fauchées à la moissonneuse, déchiquetées, puis des automates bruyants et terrifiants les compressent en botte qu'ils enroulent copieusement de plastique. Les animaux cet hiver auront droit, eux aussi, à leur nourriture sous vide! Où sont passés les charrettes roumaines et les "taf-taf" des tracteurs serbes? Ici, les machines agricoles sont des engins de course. Leurs roues hautes de 1,80m me dépassent à tout allure. Ça perd en charme et n'atténue peut-être pas beaucoup le labeur du paysan, maintenant seul à porter la responsabilité de la gestion de son exploitation. On m'informe que les cotas sur le lait ont été abolis. La surproduction fait chuter les prix sous la pression aussi des grand distributeurs. Comme en Suisse, il est ici impossible aux agriculteurs de vivre de leur métier (alors que rappelons-le, ce sont eux qui nourrissent les populations et que, pendant ce temps là, certaines entreprises du secteurs des services bouclent leur exercice comptable avec des bénéfices dont peu d'entre nous sont capables de comprendre la valeur: que signifie le terme "milliard"?). Tous comptent avec les subventions étatiques. Les consommateurs gagnent moins et veulent consommer plus. Bref, histoire connue, le revers du capitalisme. 


Autriche, Salzburg: Masif du Grossglockner (3798m) depuis la descente du col de Pass Thurn (1274m)

Montée du col de Thum (1274m). La haut c'est glacial et la vue merveilleuse, panoramique sur les glaciers du Grossglockner (3798m), du Muntanitz (3232m) et du Grossvenediger (3674m). Je me régale du spectacle emmitouflée comme un "Eskimo". Une vallée à fond plat, alpine me guide vers le col de Gerloss (1628m). Au hasard de la piste cyclable qui longe la Salzach retrouvée, Renart, explorateur du Sud-est asiatique depuis plus de 10 ans: je l'invite pour un café. C'est le jour d'ouverture de Tee-Room à Neukirchen am Grossvenediger, on nous offre canapés, mousseux et pâtisseries. La bonne affaire! Puis Renart me guide chez Christina et Wolfgang, deux baroudeurs qui ont pour habitude d'ouvrir leur maison aux voyageurs de passage. Quelle chance! Apéro sur le balcon de leur maison typique, en bois gravé, décoré de géraniums. Puis repas chaleureux et arrosé de Shyraz en compagnie de quatre professeurs de l'école du village. "L'hospitalité est un cercle vertueux. On se regarde dans les yeux, se serre la main, échange des politesses, des questions attendues, des point de vue. On franchir le pas de la porte, on se met à l'aise, on se livre, on se révèle, on donne du temps, le meilleur de soi-même. On nous rend la pareille, échange de bons procédés. On salue l'initiative, moi aussi, j'aurais toujours voulu, on se livre, on se révèle, on prends du bon temps,  le meilleur qui soit. Ainsi, de toit en toit, d'être humain en être humain. Et qu'importe s'il n'en reste rien au bout du compte. De toute manière, il n en restera rien. Poussière. [...on] joui[t] dans le présent. [On] n'y fait que passer" (Blaise Hoffman, L'Assoiffée). On finit tard et le pédalage du lendemain se trouvera ralentis par tant de générosité. Je ne m'attendais pas à vivre un tel accueil en Autriche! expérience magique!




Autriche, Salzburg: Christine et Wolfgang m'invitent chez eux le plus naturellement du monde.


Peu apres le col que j'atteins tout de même, je découvre le lac de Duriassboper surmonté des glaciers du Reichenspitze (3303m). Le soleil perse les nuages compactes et tache le bleu, le vert, le gris, puis le blanc par endroit. Une toile de maître de plusieurs kilomètres d'envergure. Longue descente jusqu'à Zeil am Ziller entre foret orangée, lumineuse, pâturages verts éclatants et bourgades conservant jalousement leur aspect traditionnel pour attirer les amateurs de randonnées et de sport d'hiver. Ici aussi, tout est orienté vers le tourisme. La vallée de Zillertal est large et agricole, je me retourne sur les glaces des Mlertaler Alpen qui forment une frontière naturelle avec l'Italie. Les eaux de l'Inn, chargées d'alluvions sont bleues-grises, le débit rapide, la rivière large. Sur les pistes cyclables à l'approche d'Innsbruck, on m'encourage, me congratule. La ville olympique a gardé ses traditions sportives. Les quais ne sont que parcs et jardins où l'on se promène, cours, joue. Partout des terrain de sport dans lesquels l'importante populations estudiantine s'adonne à toute sortes d'activités. Innsbruck , une ville qui bouge et où "activité outdoor" est le mot d'ordre!


Autriche, Salzburg: Montee du col de Gerlospass (1628m)



Autriche, Salzburg: Reichenspitze  (3303m), depuis la descente du col de Gerlospass (1628m)





Autriche, Salzburg: Vallee du Gerlostal


Theresa est absente quand j'arrive chez elle, un jeu de piste me conduit à dénicher une clé cachée, en suivant des petites notes qui me sont adressées. Dans la soirée, elle rentre d'une expédition grimpe avec des amis. C'est comme retrouver une veille connaissance, à nouveau la magie opère. L'une près de l'autre on se sent apaisées, émerisées et harmonieuses. L'ambiance est à la décontraction permanente, le stress, l'anxiété sont bannis de cette maison. Les amis passent et repassent à l'improviste et organisent des soupers et autre activités toutes plus fun les une que les autres. Quand on m'interroge sur les raisons de mon escapade, j'expose mon intérêt pour la découverte culturelle, mon attraction pour la rencontre de chacun dans son individualité, l'exploration des différences et des similitudes... Ni une ni deux, les jeunes dénichent un 33 tours, l'installent sur un tourne-disques ringard, déposent délicatement l'aiguille sur le vinyle. "Ça c'est de la particularité culturel, de la tradition" scandent-ils en s'esclaffant et en buvant leur tasse de thé de la façon la plus maniérée possible. Nous écoutons une sorte de "Schlagermusick" accompagnée de chants tyroliens en riant de bon coeur. Teresa se met à peindre les murs de sa chambre et un étrange chaleur m'envahis. Que je suis bien ici, dans ce cocon d'énergie vitale, fluide, simple. Merci mon amie pour le séjour que tu m'a offert, merci de ta confiance, de l'amour que tu as partage avec moi. Continue de voler de la sorte car ton chemin a, je crois, quitté terre. Si jeune, et dé un ange dans le ciel.


Autriche, Tirol: ambiance joyeuse chez Teresa

Autriche, Tirol: entre Innsruck et Saint-Anton


Pourquoi pas un détour? J'oblique au Nord, quitte l'Inn et escalade le col de Holzleitner Sattel (1128m). Le village de Obsteig semble suspendu dans le temps, une église entourée d'un cimetière dans lequel une fontaine coule, un restaurant, une veille auberge décorée de motifs floraux. J'ai le temps d'atteindre le sommet avant que la pluie ne se mette à tomber, une pluie fine s'extirpant des bancs de nuages bas et noirs qui cachent un panorama superbe de versants de forets rouillées et de sapins verts, la neige est plus au Sud, accrochée aux cimes des hauts monts. Providence, une cabane en rondins dans un pâturage sous d'immenses pins d'où pleut sans cesse des aiguilles orangées formant un moelleux tapis. J'y panserai deux jours en compagnie d'un couple de jument Haflinger que j'apprivoise à coup de caresses et de trognons de pommes. Un beau moment en solitaire la haut sur la montagne. 

Autriche, Tirol:Campement pluvieux au col de Holzleitner Sattel (1126m)


Une très jolie descente pour rallier un plaine encastrée entre deux parois de roches qui semblent sans issue et dans lesquels sont accrochés quelques forts médiévaux. Les villages sont étrangement calmes, presque déserts, seuls quelques enfants sur le chemin de l'école. Peut-être est-ce parce qu'il fait froid et que le ciel est encore couvert. Ce n'est qu'à Landeck que je trouve un supermarché. Un requérant d'asile participant à un programme d'occupation vend des journaux à la sortie, je lui offre quelques fruits et pic-nique installée sur un caillou au bord de la Bigerbach. La montée vers Pian est raide, j'arrive à présent vers un lieu qui m'attire depuis des mois, depuis que j'ai entre les mains la carte routière autrichienne. Souvent déjà, il en fut ainsi: les cartes me parlent. Je m'assois des heures durant les yeux fixés sur le papier plié en accordéon, imagine des tracés divers, réfléchis à des itinéraires. D'abord j'ai envie d'aller partout et puis, peu à peu le regarde se fige, une étrange sensation signale que là, c'est l'endroit où aller. Alors la tête démarre avant les jambes, l'idée se cristallise, inexplicablement je sais que c'est là que je dois être. Il en fut ainsi du col de Hohesrad (2036m). Deux jours seront nécessaires à son ascension. D'abord, ça monte doucement le long de la Trisanna, ce qui me permets d'atteindre 1350 mètres d'altitude dans la journée. Je crains de m'élever d'avantage car les nuits deviennent glaciale. Les bourg sont à l'abandon, des stations de sport d'hiver bloquées dans une entre-saison mortelle et défigurées par les constructions hôtelières. Des points sur la carte qui n'existent que pour les touristes. Un "disney land" de chalets typiques, figés dans le temps, illusoires, d'une fausseté déprimante. Toutes les maisons postent un signe "zimmer frei". A cet instant elles sont aussi accueillantes que des glacières oubliées, quel gâchis. J'installe le camps sous l'oeil des chevaux désoeuvrés attendant eux aussi l'arrivée des visiteurs. Cet hivers, ils tirerons des traîneaux de vacanciers qui s'emmitoufleront dans les couvertures à carreaux et jouant les romantiques. Un hélicoptère se pose à quelques centaines de mètres, des joggeuses courent, un vieux cycliste passe pour me montrer une coupure de presse relatant son périple en vélo électrique au Vatican, le fermier et son chien m'interpellent pour me prévenir de me pas m'approcher de la maison pendant la nuit. "Ne vous inquiétez pas, la nuit, je dors". Je souris intérieurement en repensant aux paysans d'ailleurs qui offrent spontanément le gîte et le couvert. Peu importe car je suis bien seule face à la nature, regardant le jour baisser en savourant une soupe de riz. 


Autriche, Voralrberg: La foret automnale sur la monte du col de Hohesrad (2036m)


Des bancs de nuages bas cachent toujours le panorama. Le brouillard forme des strates le long des flancs de montagnes, seule la partie inférieur de la vallée est dégagée. La nature lutte contre la grisaille avec sa robe étincelante, c'est un festival de couleur chaudes qui encourage l'ascension devenue plus ardue. A ma droite des cascades. A force de prendre de l'altitude, la végétation se fait plus vivace, les arbres ont disparu, ne restent que de petits buissons brunis et au sol, l'herbe pelée poussant courageusement dans une terres rocailleuse. Quelques souvenirs Himalayens me reviennent en mémoire. Un lacet, puis deux, j'atteins bientôt la limite du brouillard, c'est ici que je pic-niquerai afin de me préserver du froid. Au milieu d'une morce de sandwich, je lève les yeux. Un trou bleu dans les nuages a visé le sommets glacé d'une montagne environnante. Wouahh! Je me retourne, un autre trous, puis encore un autre. Mon coeur s'emballe, je me commence à chanter, à invoquer le soleil pour qu'il se mette à briller, à m'exclamer sur chaque nouvelles apparition, à répéter un millier de foi "monstre beau!". Le repas prend fin alors que le ciel s'est totalement ouvert, dévoilant la crique glacière au delà du barrage sommital. Le Piz Buin (3312m), le Gr. Litzner (3109m), le Tirolerkopf (3095m), le Fluchthorn (3399m) enserrent le col de Hohesrad (2036m). Par delà ces montagnes, la Suisse, Davos. Il n'y  a plus qu'un bloc de pierre qui nous séparent. Elle devient soudain réel, tangible, accessible, trop proche pour moi, il n'est pas encore temps.  Je suis émue, c'est juste une visite de courtoisie madame, un toisement à distance, un observation recueillie qui dure des heures depuis la terrasse d'un bistro en mangeant une coupe de glace. Être là est un cadeau merveilleux, atteindre ce lieu avec l'éclaircie tient du mystique. Je me sens guidée, protégée, et bénie par une Bonne Étoile qui a été tant de fois présente au cours du voyage qu'elle est devenue un personnage à par entière de l'aventure. 

Autriche, Vorarlberg: Fluchthorn (3399m), depuis le col de Hohesrad (2036m)

Autriche, Vorarlberg: Piz Buin (3244m), depuis le col de Hohesrad (2036m)


L'après-midi décline. Pour redescendre de ce perchoir, il s'agit de zigzaguer à toute vitesse dans 30 virages en épingles d'une raideur vertigineuse. Un must pur les motards. C'est grisant et froid. Un cycliste croisé là m'indique un magasin de vélo compétant et sympathique à Schruns. J'y arriverais le jour suivant. Sur la vitrine est affichée l'annonce d'une présentation donnée au village par deux aventuriers cyclonautes, Dorothee et Kurt, un coupe germano-helvétique qui s'est installé ici après 160'000 kilomètres sur 10 ans autour du Monde. Tout en bichonnant Diogène près d'un banc au milieu du bourg, j'interroge les passants. Savent-ils où logent les deux aventuriers? Beaucoup de dames s'arrêtent, elles m'offrent un café, s'enquièrent de moi, tout en essayant de me renseigner au mieux. Bientôt tout le village est au courant et on fini par me montrer de visu la maison où je souhaite me rendre. Mais Helga ne me laissera pas filer avant de m'avoir offert les quarte-heures dans son bel appartement. Ancienne professeure, elle parle couramment le français et l'anglais. Avec ces deux petites filles et son maris, elle a vécu longtemps en Afrique. Aujourd'hui, elle offre des cours de soutien aux migrants qui souhaitent apprendre la langue autrichienne, elle traduits aussi des ouvrages littéraires. Elle est intarissable en questions et en histoires, on ne voit pas le temps passer. "Je dois aller au théâtre ce soir, mais tiens, je te laisse les clés. Va voir tes amis cyclistes et rentre dormir ici quand tu le souhaites". Oui, aujourd'hui, dans ce Monde, sur cette terre, en Europe de l'Ouest, il existe des gens qui refuse le dictât de la méfiance et de la peur. Des gens qui connectés à eux-mêmes et au Monde savent percevoir ce qui est juste et saint, des gens profondément humain. Rencontrer Helga rassure, donne confiance, repousse les doutes,  donne le sourire, diffuse la joie, rend fier d'être humain. Merci Helga pour ton accueil, ta gentillesse, ta franchise.

Autriche, Vorarlberg: Les 31 contours de la descente du col de Hohesrad (2036m)



Autriche, Vorarlberg: Helga m'invite à passer la nuit chez elle à Schruns 

Dorothee et Kurt m'invitent spontanément à partager leur repas, me montre fièrement leurs bicyclettes. Exposent avec passion leur parcours qu'ils sont parvenus miraculeusement, à force de concessions, de renoncement, d'acceptations et d'abandons, à faire tenir dans un livre épais de 4 centimètres. C'est un choc et un émerveillement. 160'000 kilomètres en quelques centimètres, l'exploration de 5 continents sur une dizaine de photographies, 10 ans de Vie qui se résume sur quelques centaines de pages. J'observe le livre en allemand avec un mélange de respect et de désolation, admiration profonde et consternation. Cet objet, je le considère comme une relique précieuse, un livre saint, le Bhagavad-Gîtâ... Et c'est tout? Un si petit espace qui renferme une si grande aventure, et c'est tout? Comment peut-on confiner le Monde à ce point? Il a fallu en raboter des coins, pour y parvenir. Mon admiration est sans borne. En même temps, je ressens à la fois tristesse et envie pour ces deux baroudeurs du temps où les portables et internet n'existaient pas, du temps des traveler-checks et des services postaux, car je sais à quel point les mots sont réducteurs... et ils y sont parvenus! Leur espace d'expression a été si limité, suis-je capable de subir un tel choc? Une soirée belle, instructive, familiale, simple, une leçon de vie.



Autriche, Vorarlberg, Schruns: rencontre avec Dorothee et Kurt, 10 ans de voyage à vélo, 160'000km et 5 continents 



Marre de la montée aujourd'hui, pourtant il le faut. La plaine qui s'en va vers le Bodensee, la Suisse, n'est pas mon itinéraire. Elle est large et agricole, construite et courue, difficile d'y trouver un lieu de couchage. J'escalade donc ses pentes Nord au dessus de Thuringen où se déroule une fête villageoise pleine de produits régionaux. Le camps est planté en début d'après-midi déjà, au bord d'un étang poissonneux dans lequel les pécheurs lancent leurs hameçons. J'y reçois bon accueil. Après les émotions de la vielle, j'ai besoin de repos. Malgré le froid, le soleil brille.

Le lendemain, à mon grand désespoir, la route redescend en direction du fond une étroite vallée. Autour de moi, la foret est en feu, les vaches sont maintenant d'un brun crémeux, une race plus adaptée à l'altitude, elles portent cornes et cloches. Les maisons villageoises sont ornées de cranes de chevreuils et de bouquetins cornus, où qu'on soit sur terre, toujours les mêmes symboles! J'adore observer ces marques de similitude entre les diverse peuples du Monde. Nos ressemblances nous rapprochent-elles?

Me voilà au pied d'un mur de plus de 800m de haut. Il va falloir l'escalader pour atteindre le col de Faschinajoch (1486m). La route marque des virolets pentus, les derniers kilomètres seront pénibles, d'une raideur folle. Au sommet, on épand le purin sous les remontées mécaniques des pistes de ski. C'est par un tunnel ouvert sur le coté que je dégringole la pente vers la vallée de la Brengenz toute verte, alors que plus haut tout est d'un rouge flamboyant.  Pic-nic sur un banc de Au, sous une croix ornée de têtes de mort et portant un Jésus pendu. Un symbole macabre radoucis par un soleil radieux, les températures sont si douces que je m'offre une sieste. Délicieux moment d'abandon, de rêverie et de repos. 


Autriche, Vorarlberg: montée du col de Hochtannbergpass (1679m)

Il se fait tard, atteindre les 1676m du Hochtannberg n'est pas raisonnable. Aujourd'hui, j'aurais gravi plus de 1200m de dénivelé, c'est suffisant... Les pentes sont raides et le paysage de plus en plus typique et naturel. Je me sens privilégiée dans ce décors alpin, plein de sommets gris roches, de forets de sapin verts, de pâturages à vaches curieuses et de silence. Schrocken est le dernier village avant le sommet, un couple âgé remplit mes réservoirs d'eau, m'alerte du mauvais temps qui arrive et m'indique un parking un peu plus haut qui pourrait accueillir ma tente pour une nuit. Dès que le soleil se cache derrière les montagnes, le froid est mordant. Le tenancier du petit chalet-café sur le parking m'offre un bonnet d'aviateur fourré. Il montre un engouement sans borne pour le périple. Son fils est actuellement en voyage lui aussi, conducteur automobile, c'est un férus de route de montagnes. Dans ce pays, il doit être servis. La nuit tombe alors que seule, surplombant la foret, j'avale silencieusement une soupe chaude. Un couple de chevreuils sort du bois, et des étoiles s'illuminent... Je suis bien, tranquille, entière. Merci Mère Nature de m'offrir inlassablement le cadeau de ton merveilleux spectacle. 

Il pleut, et sur les sommets des glaciers qui se nichent entre des barres rocheuses, il neige. Je pédale en botte plastifiées, emmitouflée dans mes vêtements. Encore quelques lacets et c'est le col, je ne m'y attarde pas, il gèle. La descente n'aide pas à faire monter la température, elle est interminable et me lasse étrangement alors qu'elle aurait pu être une belle récompense à l'effort fournis. Le mauvais temps m'inquiète. Que faire, trouver un logement, rester sous tente un jour entier, pédaler vite pour atteindre une région plus épargnée J'avance à toute vitesse dans la vallée de Lech. Je me sens fatiguée et lasse de la grisaille, décide de couper vers la frontière à la hauteur de Weissenbach am Lech et quitter bientôt l'Autriche par le col de Oberjoch. Avant cela, il faut d'abord escalader quelques virages en épingle accrochés au flanc de la montagne et atteindre le col de Gaicht (1083m). L'ascension s'effectue rapidement et avec plaisir. Je suis maintenant dans un environnement de paysannerie alpine, la région regorge de spécialités campagnardes: fromages, saucisses, artisanat... Il ne pleut pas, mais de grosses barres de nuages vaporeux, foncés, type brouillard, ne laissent rien présager de bon. Elles avancent dans mon dos et ne vont pas tarder à me rattraper, il faut que je plante le camps. Je fais le plein d'eau à la fontaine de la chapelle du village de Haller et cherche un coin propice à proximité du lac de Halder. Malheureusement, les environs sont trop touristiques: auberges, chambres d'hôtes, campings, hôtels proposent des logements. Je poursuis ma route malgré la pluie qui commence à tomber. A la sortie du village, un terrain de foot en friche. Un de ses coins près de la foret fera très bien l'affaire, de toute façon, l'averse s'accentue, je n'ai pas le temps de tergiverser. 

Mes affaires sont mouillées, demain, on attend encore de la pluie. Il faut à tout prix que je sèche mes vêtements si je ne veux pas geler sur place le jour suivant. J'organise donc un système. D'abord me changer pour me pas me transformer en glaçon et m'enfiler prestement dans mon sac de couchage heureusement très bien adapté aux températures négatives. Puis, me frotter les pieds et les mains pour les rechauffer. Ensuite, j'enfile tour à tour les vêtements trempés afin de leur fournir la chaleur nécessaire à les sécher. L'air est humide et glacé, il faut donc les étendre à l'intérieur du sac de couchage et plus près possible du corps. Dehors il se met à neiger, c'est la première foi que je vis pareille situation en solitaire. Serais-je à la hauteur?

Au matin, tout est blanc, les nuages hauts laissent voir les montagnes environnantes. C'est très beau, comme un cadeau qui contrebalances l'inconfort de la nuit. De plus, je me sens fière. Camper sous la neige m'a toujours causer de l'inquiétude, cette nuit, j'ai réalisé cet exercice seule, calmement et sans trop de difficulté. Il fait si froid que je prends mon petit déjeuner en marchant autour de la tente. Les pistes cyclables n'emmènent vers la frontière allemande. Elles sont déjà dégagées car le soleil a maintenant percé, ce qui donne au paysage des airs de carte postales. Les arbres gouttent abondamment et certaines parcelles de pâture très exposées redeviennent vertes. Je m'élève dans la montée du Oberjoch (1180m), le désormais traditionnel panneau étoilé signale un nouvelle fois "Bundes-Republik-Deutschland".


Autriche, Tirol: Nuit sous la neige à l'approche du col de Oberjochpass (1180m)












lundi 16 novembre 2015

Autriche (Steiermark - Salzburg) : Lavamund - Wolfsberg - Graz - Salzburg


Il faut grimper d'un étage, quitter la Drava et suivre la Lavanttal pour atteindre une vallée à fond plat close par deux versants alpins. Les montagnes aussi ont pris de l'altitude. A l'Est, le sommet pelé et planté d'antennes de Gr. Speikkogel atteint 2140m, il me fascine. Cette fois ça y est, les Alpes sont atteintes, cette idée m'excite. J'ai un peu de temps devant moi avant que Isabelle et François n'arrivent à Graz pour me rendre visite. C'est décidé, je ferai un crochet par Judenburg et grimperai le col de Gaberl (1551m) afin de goûter un bout de rêve en avant-première. J'avance à travers champs, les tracteurs labourent, les sapins forment des forêts aux abords des pentes puis s'entêtent sur les versant jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu'à ce que seule l'herbe grillée, brune orangées ne résiste à l'altitude. En bas, les vaches laitières me regardent passer, ruminant dans leur pré vert, une herbe copieuse et grasse. Toute les fermes, massives, à la partie supérieure boisée, portent des géraniums et des pétunias aux fenêtres, les églises villageoises se dressent sur des collines au dessus des bourgs. Le complexe religieux de St-Paul in Lavanttal est plus imposant. Sans raison, j'oblique sur une petite route campagnarde en parallèle de la voie principale. Le destin me guide tout droit dans un immense magasin de cyles hight-tec en plein cambrousse. L'occasion est trop belle et le hasard impossible. J'effectue le service de Diogène avec l'assistance de professionnels passionnés. Coup de main offert!




Autriche, Fuschi: les fermes imposantes sont fleuries, les vaches paisibles dans leur champs



Si l'approche de la fin de journée me causait quotidiennement une certaine anxiété en terre asiatique, ce n'est plus le cas en Europe. Je sais qu'il va m'être facile de trouver un lieu de couchage et qu'on me laissera en paix, respectant mon temps de repos. J'apprends qu'en Autriche, le camping sauvage est autorisé. J'installe donc le camps au bord de la rivière face aux deux églises monumentales à double clocher de St-Andra. Dans ce pays, les cloches somment tous les quart d'heure et le nombre juste de coup aux heures pleines. 96 fois par jours donc, les muezzins ont encore du pain sur la planche! La tente attire quelques regards intrigués, suspicieux, voire désapprobateurs de la part des cyclistes, promeneurs de chien, joggers, roler bladers et autre nordic-wakers qui suent et respirent à plein poumons le long du chemin bordant la rivière. L'itinérance n'est plus une évidence, on se méfie de l'anormalité, le voyageur est regardé de travers. De mon côté, je m'amuse à observer tant de persévérance, d'application , de sérieux, de dévouement dans les pratiques sportives. Ça faisait longtemps que je n'avais plus vu ni toutous en laisse, ni marche forcée à la cadence de la musique d'un MP3 planté sur les oreilles. Ça m'intrigue, me fait réfléchir: pression sociale, besoin d'action, de détente, volonté de modeler son corps? Guidé par les normes, l'instinct, le plaisir conscient? Autant d'individus, autant de réponses.



Autriche, les groupes locaux de musique flok ont la cote

On annonce des concerts. Les affiches montrent des visages du terroir, les têtes portent des chapeaux de feutre, les corps sont affublés de costumes traditionnels. Les instruments représentés ne laissent pas place au doute: accordéons et contre-basses; il s'agit de musique folklorique. Si à St-Peter in Lavanttal, c'est une boutique spécialisée haute gamme qui propose des accordéons en tous genres, les habits traditionnels quant à eux, se trouvent partout, jusque dans les rayons du supermarché de Wolfsberg. Cette mode a été remise au goût du jour il y a quelques années, par les jeunes générations et il n'est pas insolite de croiser un short de cuire à bretelles, de longues chaussettes de laine tirées sur les mollets, un corsage sur un bustier décolleté ou une jupe longue sous un tablier dans les rues des grandes villes du pays. Si Isa et Franco en seront surpris  et que GP n'appréciera guerre, moi j'aime bien. Connaître sa culture et en être fier est, à mon sens, une riche plateforme pour l'échange entre les peuples. Je me réjouis donc de ce spectacle qui m'amuse également.



Autriche:les boutiques proposent l'habit traditionnel, remis au goût du jour par les jeunes générations



Au loin, des cimes enneigées. Malheureusement, le temps se gâte alors que je franchis de col de Obdacher Sattel (954m). dans la descente vers Weisskirchen, des tas de scieries industrielles dont il sort planches et papier. La montée du col de Gaberl me réchauffera, certain beccets sont raides et je regrette de ne pas jouir de la vue sur les Atubalpe. Au sommet, je gèle, enfile toutes les couches d'habits dont je dispose, avale une potée bien chaude et remercie qui de droit d'avoir trouvé hier, au bord de le route, une paire de gants en caoutchouc pour affronter une interminable descente vers Koflach, dont une pente à 21%!!! La route s'enlace jusqu'à la Salla puis elle s'affaisse un peu. Les maisons isolées dans l'humidité des bois sont superbement décorées, entourées de potagers, de quelques arbres fruitiers. Une veille scierie, un banc sur une air de repos pour promeneurs, un Jesus accroché à sa croix.



Autriche, Steiermark, Weissekirche: clocher a la hauteur des cimes blanche



Autriche, Steiermark: montée du col de Gaberi, 1551m


Un coup de sifflet, la police descend la vitre de son véhicule, déjà je m'avance pour demander mon chemin. J'ai pris l'habitude de la très serviable curiosité des forces de l'ordre. Je tombe de haut, on m'interpelle car je roule sur un trottoir, puis la voiture redémarre. J'éclate de rire, quel choc culturel! Bienvenue à toi le paumé voyageur étranger! Ayant finalement trouvé (toute seule donc!) un lieu où me connecter à internet, je prends contact avec Martin, warmshowers (voir article concernant ce sujet sur le lien suivant: ) à Graz. Il m'attend dès ce soir, il reste 40km à parcourir, on m'assure que c'est en descente. Oui, sauf qu'il s'agit de l'autoroute. La route secondaire compte 20km supplémentaires et escalade trois collines avant destination. Je fonce à travers la campagne, à toute allure, par les pistes cyclables qui suivent une voie ferrée entre eux rochers ou la platitude de champs verts, traversent des villages que je ne regarde plus. Il se fait tard, bientôt nuit.

Graz: feux rouge respectés, circulation ordonnée, passages piétons peints de frais, kebab à l'emporter, panneau "psychothérapie" et "attention chien méchant" (au singulier Blaise!), publicités aguicheuses sur les bus et sur les écrans géant rotatifs, immeubles vitrés, "magasin ouvert jusqu'à 21h00", sans uniques, "interdiction de stationner", poubelles à verres, poubelles à plastique, poubelle à papier, poubelle à composte... Si comme le prétend Monsieur Ibrahim ("Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", magnifique film à voir sur ce lien: https://www.youtube.com/watch?v=YvTVtzTGCp4 ), on mesure le niveau de vie de la population d'un lieu en fonction de ses poubelles, alors Graz, c'est Bizance! Ça fait beaucoup pour un seul Homme, l'attention est constamment soumise à pression, sans cesse tiraillée... Après plus de 100km de route et 800m de dénivelé, je me sens un peu submergée, comme étourdie par tant d'interpellations avides d'intérêt. Je m'avance vers le centre, tout droit jusqu'à ce que, sans le décider consciemment, je m'arrête et demande ma route munie d'un simple papier annoté de l'adresse de mon logeur. Gina, serveuse au "Hang Over", ouvert 24h/24 et sans doute plutôt coquinement fréquenté, m'invite pour un café. La rue que je cherche est celle d'à côté, ma Bonne Étoile donc, a décidé que j'y serais avant le crépuscule! Merci Gina!


Autriche, Steiermark, Graz: Herz Jesu Kirche



Martin m'accueille simplement, avec générosité et confiance. Ma chambre est prête, les draps sentent bons, la douche est chaude, le lave-linge autonome et le repas délicieux. Matrin est passionné de cyclisme longue distance, il me raconte ses périples alpins ou à la mer. Avec une bande de copains, il a mis sur pied un atelier de mécanique hebdomadaire gratuit à l'attention de ses concitoyens. Il est très enthousiaste et apprécie mes racontars asiatiques. Anke, sa colocatrice, est actrice. Un personnage passionnant, ouvert à l'échange profond, avec qui je referais le monde une nuit durant. Merci à tous les deux!


Ce petit séjour m'a permis de prendre du repos et de préparer l'arrivée de mes amis. je les accueille au matin du 12 septembre dans un appartement aux allures de squat anarchiste. Les photos sur internet ne laissaient pas présager qu'il se situait dans une cave et qu'il était aménagé uniquement garce à du matériel de récupération. Bref, Isabelle et François sont là, et ce n'est pas une chasse d'eau qui fuit qui va gâcher nos retrouvailles. 



Autriche, Steiermark, Graz: les copains sont là!



A peine arrivés, nous sortons donc, le ciel est bleu, il ne fait pas froid. La Herrengasse, rue principale du vieux bourg, est un musée à ciel ouvert, tous les bâtiments sont rénovés, pomponnés, plâtres parfaits et pavés ajustés. Je ressens comme un malaise. Je n'aurais jamais cru dire une chose pareille, mais le chaos asiatique me manque. Tout est trop net, trop propre, trop fignolé. Il manque du bruit, de l'action de la saleté, du désordre, de l'aléatoire... de la Vie en somme. Comme l'impression d'évoluer dans un monde artificiel, un décors lustré, une mise en scène où chacun connaît le rôle qu'il a à jouer. Incapable de saisir quelle est ma réplique dans ce triste spectacle et refusant l'évidence du rôle: touriste-lambda-issus-de-la-classe-moyenne-supérieure-plutôt-intello-en-visite-culturelle, je deviens spectatrice. Je m'éteins, me mets en veille et passe à côté de la beauté des monuments massifs classiques, modernes et religieux de la ville. Cependant, le parc autour de la Platz des Menschenrechte exempt de crotte de chien, est un lieu idéal pour s'affaler dans l'herbe et reprendre contacte avec mes amis. Chacun de nous trois a un tas de choses à raconter, de belles nouvelles, de beaux souvenirs, on se questionne, on s'interroge, on se retrouve, on se redécouvre, on se réapprend. Isabelle et François sont en pleine forme, la santé est bonne, les amours heureux, ils sont plein de projets et d'ambitions, très actifs. C'est une joie de les voir ainsi. D'une terrasse en plein air, on passe à l'ambiance sportive, bruyante et enfumée d'un pub irlandais. Sous l'égide d'un serveur passablement mignon (avis unanime), les tournées s'accélèrent, les discussions également. Les réflexions et observations accumulées en chemin viennent se confronter aux réalités d'un système rodé, huilé et tout puissant. Un système merveilleux qui offre sécurité et liberté individuelle à ses membres; un système démoniaque qui exploite les individus afin d'accroître indéfiniment l'étendue de son propre pouvoir. Ou quand le moyen devient une fin, LA FIN! Oui mes interprétations pérégrinatoires sont sans doute idéalisées, l'écart s'est creusé, je me sens chamboulées, joue sur la défensive, ce qui donne une impression d'attaque constante. L'humour de chacun et l'amitié qui nous uni gade l'eau et le gaz à distance respectueuse, mais au matin je me trouverai plutôt honteuse. Ce n'est pas comme ça que je voulais accueillir mes amis. Prôner le respect, l'écoute et l'Amour dans la solitude c'est facile, théorique. Et puis, dans la réalité, le besoin de reconnaissance par les êtres aimés prend le pas sur la bienveillance, l'acceptation et l'ouverture d'esprit. Je me déçois! 



Autriche, Steiermark, Graz: on a que 2 jours pour fêter nos retrouvailles, alors on s'active!



Au cours de ce séjour, nous ne nous refuserons rien. Notre déjeuner sera un brunch copieux, presque digne de l'hôtel 4 étoiles de Bucharest: Crêpes, confitures diverses, fruits, festival de petits pains, fromages, viandes, pâtes à tartiner, jus de fuit... Je m'empiffre, me régale, les copains sont plus raisonnables... eux! Nous  testerons aussi la cuisine locale dans une taverne authentique, décors boisé, napperons crochetés et coussins brodés: Spaghettis montagnards, viande aux pruneaux, sauce au poivre. Restaurants méditerranéen ou grecque, on choisit à toute heure en fonction des caprices de nos palais... par chance pour le mien, un peu partout, on sert la PIZZA! Nos apéros seront aussi variés: de l'Ile sur la Mur aux tabourets de bar à la mode, du cocktail caraïbes aux choppes autrichiennes! On ne se prive de rien et surtout pas de ces moments de bavardages agréables, légers et sincères. Je souhaite à chacun d'avoir une Isa et un Franco dans sa vie!



Autriche, Steiermark, Graz; L'île sur la Mur aux allures futuristes (Murinsel)


Visite du Schloßberg. la colline fut creusée de tunnels anti-aérien, refuge de la population, au cours de la dernière guerre mondiale. Aujourd'hui, on parcours des galeries en petit train. Les murs sont bariolés de couleurs fluo psychédéliques, des haut-parleurs racontent un conte de fées. On se prend au jeu. Montée au haut de la butte par un ascenseur vitré, c'est vertigineux. A travers les âges, la forteresse est restée en activité, elle a su se recycler. Les bâtiments anciens ont été modernisés au fur et à mesure en fonction des intêrrets de la population et autorités de la ville. Des arsenaux transformés en salle de concert, des places d'arme en jardins romantiques avec belvédère japonnais qui offre une vue plongeante sur les vieux quartiers de Graz: l'Hôtel de Ville, le Musée d'Art Contemporain, L’église du Sacré-Cœur-de-Jésus, la Mur qui coule le long d'enfilades de clochers ornés de croix... Le carillon de la Tour de l'Horloge tinte toujours à défaut d'alerter des incendies comme autrefois. Ce sera notre seule véritable sortie culturelle, il faut dire que le temps fille, mes amis doivent déjà s'envoler pour la Suisse. Il est difficile de leur dire au revoir. François se veut rassurant :" Dans un peu moins de deux mois, on se revoit!". Oui...mais... tout ça a été trop soudain, trop rapide pour mon rythme à présent si ralenti. J'ai l'impression que le temps s'est compressé, que tout c'est déroule dans un claquement de doigts. Une irrésistible envie de pleurer me prend, je me sens très seule soudain et épuisée, comme abandonnée et vide après l'intensité du contact. Mes amis prenez soin de vous mieux que je n'ai su moi-même le faire au cours de ce week-end. Merci de m'accompagner toujours et encore sur le chemin de la Vie. A vous côtés, j'apprends à devenir une meilleure personne, toujours un peu plus. 



Autriche, Steiermark, Graz: Grand-place et Hôtel de Ville, vues depuis la citadelle (Schlossberg)



C'est les sacoches chargées d'habits chauds (merci BB), de livres (merci DODO), de chocolat et pommes séchées que je prends congé de Graz pour remonter la Mur (Non Isa, pas le mur) en direction de Bruck puis Leoben. Blaise Hoffman (auteur lausannois de "L'Assoifée", 2009, dont je recommande vivement la lecture) dit que "en pédalant tout rentre dans l'ordre, un autre que celui d'avant. Mon pédalier poursuit ses douces révolution. Il en annonce de plus déterminantes".  Le processus prend deux jours entiers. Tête dans le guidon et yeux vives sur le goudron. Unique moment de gaieté, en découvrant fascinée les distributeurs à oeufs. La suite logique des distributeurs à lait slovènes je présume. On choisit la grosseur désirée, on introduit l'argent et voilà!!! Mais la porte opaque ne permet pas de savoir si la poule est aussi à l'intérieur... 



Autriche, Steiermark: la route entre Garz et Salzburg


Autriche, Steiermark, Eisenerz:depuis le col de Prabichl, 1227m




Autreiche, Steiermark, Eisenerz: Église fortifiée de Saint Oswald

L'Autriche est riche en pistes cyclables, elles s'aventurent tout bonnement dans toutes les direction. En atteignant Trofaiach, guidée par une soixantenaire à vélo, qui tient une forme olympique, l'odeur des Alpes me redonnent du moral. Le col de Prabichl (1227m) est posté entre le Polster (1919m) et le Eisenerzer Reichenstein (2165m). La montée ravis entre forets et villages typiques truchés de bâtiments historiques, j'y éprouve du plaisir. Sur chaque côté de la route, des installations de remontées mécaniques. Au sommet, un mémorial en souvenir des nombreuses victimes tombées ici lors de la "Marche de la Mort" au moment du repli Nazi. Au dessus d'Eisenerz, une carrière immense a réduit au quasi-néant l'entier d'une montagne. Un viaduc vertigineux descend au bourg. J'ai le vertige à vélo et me souviens l'un des derniers cols himalayen qui m'avait fait le même effet. Ce qui rend la magnifique église fortifiée sublime, c'est le décors de falaises et de sommets qui s'élèvent derrière elle. L'eau limpide, bleutée de l'Erzbach a creusé une gorge dans  roches calcaires blanches . C'est enchanteur et si facile sans pédaler! Des Hieflau, j'entre dans le Parc National de Gesäuse. Le vent se lève, il est contraire. Des pans de falaises monumentales en draperies infinies s'ouvrent au fur et à mesure de la progression. Des qu'on commence à apercevoir le bas d'une montagne, un autre sommet pointe en arrière plan. Lamischbachturm, Hochtor, Gr. Buchstein, Reichenstein, ils mesurent tous plus de 2000 mètres de haut! Quelques arbres jouent les avant-gardistes et ont adopté la mode automnale, ils sont minoritaires. Finalement, la vallée de l'Enns s'ouvre sur des pâturages, les villages campagnards réapparaissent. "Où puis-je camper?". La question intrigue, on ne sait pas, tous les champs ici sont privés m'indique-t-on. La réponse magistrale d'Anton en Italie me revient à l'esprit: "où tu veux, la Terre, elle est à tout le monde". Le contraste est saisissant, il fait sourire mes lèvres et piquer mes yeux. C'est à la gare de Frauenberg que j'établis le camps sous la protection des  guichetiers qui se relaient en 3/8. Pour deux trains par jours, c'est généreux!


Autriche, Région Leizen, Ennstaler Alpen


Au Nord-Ouest de Liezen, la Haute Autriche. Je m'enfonce à nouveau dans la montagne en contournant les 2351m de parois rocheuses du Grimming qui offrent un prodigieux spectacle à Mesdames les vaches parquées dans des prés étincelants et clôturées de fils électrifiés. J'assiste à une scène insolite. Onze génisses migrent d'une pâture à l'autre encadrées de huit jeunes gens dans la force de l'âge, munis de bâtons et trottant allègrement à leurs cotés afin de les guider au plus serré. Instantanément apparaît devant les yeux l'image de cette bergère, en charge d'un troupeau de plusieurs centaines de moutons dans les étendues infinies des haut plateaux tibétophones. Elle marmonnais sans cesse des prières et tournais son moulin, s'arrêtait pour se reposer puis avançait un peu, les bêtes  à sa suite. En Roumanie, lors des vacances scolaires, on laisse le soin des animaux aux adolescents. Des pâtres en herbe qui font la sieste au bord de la route pendant que les chèvres ruminent. La richesses des images peuplant mes souvenir est un trésor. Situations similaire et tant de façons de les appréhender. La multitude des point de vue est une richesse inégalable.

Bad Mitterdorf est une bourgade touristique: hôtels, restaurants, boutiques diverses, magasins de souvenir. Joli quoiqu'un peu artificiel. D'ici je contacte Florian qui m'accueillera à Salzburg dans quelques jours.


Autriche, Steiermark, Mittlerndorf: des monts de roche et des pâturages verdoyants



Autriche, Steiermark, Mittlerndorf: perfect spot!

Pour atteindre Bad Ischl, on me conseille un itinéraire bis qui évite le col de Potchenhohe (992m). Quelle aubaine, le paysage est grandiose. Un sentier pour mountain bikes et randonneurs longe une gorge très étroite qui sent le sous-bois et dans laquelle l'eau forme de petite chutes, elle s'ouvre ensuite sur des pâturages où de petites cabanes de bois offrent des collations, spécialités régionales et naturelles, le tout enserré de monts alpins. J'adore!


Autriche, Bad Ischl: descente interminable au fond d'une gorge


J'atteins le lac de St-Wolfgang puis celui de Fuschl. Grâce à une inclinaison très favorable du tracé, j'aurai effectué plus de 100km en un jour et atteindrai Salzburg bien avant l'heure convenue avec mon logeur. La réceptionniste de l'hôtel d'à côté m'enjoint très franchement de quitter les lieux quand je demande à utiliser la connexion internet afin de passer un coup de fil. Au restaurant d'en face, il n'en va pas de même. Le serveur est bosnien, il m'interroge sue le voyage, je lui compte mes découvertes balkaniques. Pour la peine, il m'offre une Slivovija! Le cuisinier incrédule devant mes lourds bagages arrive avec un plat de pâtes au pesto. Finalement, une autre cliente tient à m'offrir une bière en protestation au mauvais accueil de l'hôtel. C'est la fête au resto quand Florian arrive afin de me conduire chez lui. Quel incroyable accueil salzburien, la magie opère encore et toujours, souvent j'ai l'impression de vivre un rêve éveillée. 


Le dévouement de Florian est tel que ce soir il abrite trois cyclonautes, une bonne occasion d'en apprendre sur les Pays Scandinaves dont ils sont originaires. Notre hôte est un intellectuel pragmatique, un raisonnable émotionnel, un théoricien actif. C'est un plaisir de le côtoyer et d'échanger avec lui. De plus, une passion commune nous unit: le FORMAGE! Merci Florian pour ton accueil bienveillant et généreux. 

Premier jour de l'automne, je ne suis sereine qu'en apparence, mon coeur fait des bons dans ma poitrine. Mon grand-père arrive par le train en milieu d'après-midi. La gare de Salzburg est le  refuge de centaines de réfugiés syriens attendant la réouverture des frontières allemandes. Certains, las, partent à pied pour la rejoindre, le autres dorment dans une grande salle éclairée au néon sous les voies ferrées. Pas de lit, ni d'espace privé, mais il y fait chaud. Des tentes sanitaires, des cantines et des toilettes sont aménagées sur la place centrale. Partout, des volontaires en gilet fluo ou brassière à croix rouge s'affairent, orientent les malheureux, apportent de l'eau. La police et l'armée sont aussi présentes. Elles interdisent l'embarquement dans les convois ferroviaires, assurent l'ordre quand les migrants montent dans des bus spécialement affrétés, veillent à la sécurité des autres voyageurs en se postant par petits groupes au bas des quais. Sur les pylônes on a scotché des papiers affichant les photos des disparus. Les familles sont à la recherche d'un maris, d'un enfant, d'une tante ou d'un frère dont elles sont sans nouvelles. Pourtant, en gare, tout est calme. Est-ce à cause de la fatigue accumulée au cours du long voyage, la résignation, la honte de leur état, la position de survie qu'ont adopté les réfugiés? Peut-être parce que malgré la précarité de la situation, le confort relatif de ces lieux offre aussi un peu de répit? Être confrontée à cela atténue mes émotions égotiques bouillonnantes, met en perspectives ma propre situation. GP et moi, nous ne nous sommes pas vus depuis près de 3 années mais les causes en étaient si légères. Un coup de téléphone ou une lettre nous mettaient instantanément en contact et nos conditions de vie réciproques étaient si confortables et heureuses qu'il y avait peu de soucis à se faire. Que nous sommes chanceux, nous les épargnés! Si les enjeux mondiaux se jouent sur l'ensemble des territoires planétaires de façon plus ou moins ostentatoires, nous nous trouvons à mile lieues des réalités d'un conflit armé. Si bien que certains, ayant déjà oublié le passé pourtant récent, des colonnes de civils, tentant d'échapper aux bombardement des avions ennemis par les routes européennes, posent des conditions, érigent des murs de barbelés, avancent des cotas ou refusent simplement d'entrer en matière sur la question. Je crois comprendre les difficultés sanitaires, culturelles, sociales et économiques que provoquent le vertigineux flux migratoire actuel, toutefois, lorsqu'on regarde un autre Être Humain dans les yeux, il est impossible d'agir de la sorte. Pourquoi l'individu devrait-il porter la responsabilité d'un système fou et destructeur? Rappelons-nous qu'il y a 70 ans de cela, les fuyards, déserteurs, immigrés, réfugiés; les traqués à cause de leurs appartenances, leur idéaux, leur obédience; les vagabonds, sales, voleurs de nourriture, nécessiteux, en état de choc, dénués de tout... c'était nos grands-mères et grands-pères!


Et mon grand-père justement le voilà. Les mains chargées de ses lourdes valises, il descend les marches du quai juste en face de moi, je l'appelle, il me repère, on s'avance, il laisse ses sacs, s'approche, me prend dans ses bars en tremblant d'émotions. Il va bien, fait bon voyage, pas fatigué! Malgré tout, il a tant minci et rapetissé depuis la dernière fois que l'on s'est vu, que je ne peux m'empêcher envers lui un élan protecteur. Toutefois, tout au long du séjour GP et ses 85 balais me blufferont. Sans hésiter, d'un pas assuré et tirant vaillamment sa valise, GP saute à pied joint dans l'aventure à la recherche de l'appartement qu'il a loué pour nous deux. C'est avec plus d'une heure de retard que l'agent immobilier arrive enfin ce qui ne semble aucunement l'inquiéter. GP aux jambes et aux nerfs d'acier, et très bon plongeurs qui plus est! La soirée de retrouvailles est merveilleuse, on fête tant et plus, on parle ouvertement de celle qui nous est chère et qui nous manque, on savoure la rencontre. 



Autriche, Salzburg: GP est arrivé et il a apporte avec lui des saveurs helvètes!



Quand le temps n'est pas pluvieux et que nous devons rester à la maison dégustant quantité de mets aux fromages et autres agapes que GP a trimballé dans ses mâles, nous partons en excursions (avec un X!). On arpente la veille ville de long en large, Maison de naissance de Mozart, Musée du Panorama, Tour du Carillon, Église du Dôme, la blanche Kollegienkirche et les façades moyenâgeuses de la Blasiukirche, les Jardins du Palais de Mirabelle, le Marcher et ses bretzels appétissants, les cafés et ses chocolats typiques au massepain, une bière blanche dans un décors d'époque sur la rue piétonne Lizer, les Quais de la Salzach et les innombrables cadenas rivés à ses passerelles... rien ne nous échappe. Un funiculaire nous hisse jusqu'à la forteresse qui domine toute la ville, une vue magnifique. Les escaliers ne font pas peur à mon athlète de grand-père. Des Fondations à la Chambre du Roi en passant par le musée des marionnettes et une expo plutôt osée sur la plastique des danseurs, on s'adonne de concert à la découverte de la citadelle. 



Autriche, Salzburg: Forteresse, bâtiment du Dôme, tour de l'Hôtel de Ville, Kollegienkirche, Franziskankirche, 



Autriche, Salzburg: Vielle Ville autour du Dôme, le long de la Salzach



Autriche, Salzburg: Jardin du Palais Mirabell (actuelle Maison de Commune)


Autriche, Saint Gilgen: hôtel de la poste fleuri et décoré



Autriche, Saint Gilgen:Statue de Mozart sur la Place de l'Hôtel de Ville.



Notre curiosité nous entraîne jusqu'à St-Wolfgang See. Je suis heureuse de montrer à GP le parcours effectue à vélo, à travers la campagne, les églises au toit en tavillon, les fermes des balcons desquels dégringolent des cascades de fleurs, les vaches paisibles sans leur champs au pied du Zwolferhorn (1520m). Un bateau nous permet de rallier la rive opposée. GP se souvient de sa récente croisière en méditerranée dont il ne cesse de vanter les mérites. Il hésite sur sa prochaine destination: Les Caraïbes, c'est peut-être un peu loin dit-il. Je souris, avec son énergie, on ne sait jamais... Je l'encourage aussi, s'il y a un message que GM nous a laissé, c'est bien celui-ci :"PROFITEZ!". Je n'ai pas d'inquiétudes, GP est réaliste, raisonnable, pleinement conscient de ses capacités, il saura bien où poser les limites. 



Autriche, Saint Wolfgang: Eglise vue du lac



Autriche, Saint Wolfgang: Sortie en bateau entoure de montagnes


Le soir GP est fatigue et je dois avouer que moi aussi, c'est beaucoup d'activités et d'émotions toutes ces visites et ces échanges. Mais nous ne renoncerions jamais à notre apéritif quotidien en écoutant de la pop balkanique à la télévision. L'ouverture d'esprit de mon aïeul me déconcerte. Au restaurant qui m'a si bien reçue et où nous retournons manger, il n'hésite pas à commander un  met inconnu!


Autriche, Salzburg: Café Mozart dans le batiment du Musée du Panorama


On enchaîne les cafés au buffet de la gare, le train part dans deux heures. Le temps qui nous reste pour nous dire au revoir, se livrer un peu plus, se démontrer notre affection réciproque, s'assurer des projets de l'autre. Quand le convois se met en marche, ma gorge se serre, des larmes pointent. Quel cadeau ai-je reçu! Quelle chance! je me sens privilégiée et profondément reconnaissante. Merci GP, de tout coeur. ta présence fut un régal, une joie. Prends grand soin de toi, attends moi et bientôt nous réitérons l'expérience, abreuverons ensemble nos soifs de découvertes... et de whisky... aussi!


Lentement, avec précaution, comme une convalescente, je reprends mon vélo, me mets en selle et m'engage dans  le trafic de la ville, le guidon pointant toujours vers l'Ouest.