jeudi 16 juillet 2015

Brunei / Malaisie: Labu (Temburong) - Limbang (Sarawak) - Kuala Belait (Tutong) - Miri (Sarawak)



C'est l'histoire d'une jeune femme qui refuse de croire aveuglement à ce que racontent les guides touristiques: traverser Brunei serait un cauchemar, les multiples postes frontières (le pays est scindé en deux par une enclave malaisienne) provoqueraient des kilomètres de bouchons, des tampons qu'apposent les officiels sur les passeports, si nombreux qu'ils nécessiteraient plusieurs pages vierges sur les passeports. Bref, vous l'aurez compris, l'expérience est déconseillée. Mais moi j'ai envie de voir ce qu'il en est, pour de vrais. 


Il est interdit de fumer dans les lieux publiques dans le Sultanat de Brunei. Ne disposant d'aucun lieu privé, je m'octroie donc une pause avant de passer la douane et de me confronter à ce qui devrait être la première étape d'un calvaire. C'est une première occasion de me réjouir, car à la cantine de la douane, je suis accueille par des officiers en pause qui, grand sourire et attitude décontractée, ne tarissent pas d'admiration devant le périple sur lequel ils m'interrogent et iront même jusqu'à aborder sans complexe, des sujets épineux concernant les moeurs, les règles, les dysfonctionnements et les étrangetés politiques et économiques des deux pays voisins. C'est l'une des rares conversations qui "va un peu plus loin", que j'aurai l'occasion de vivre en Malaisie. Fait assez marquant pour que je le souligne ici. Ils m'interrogerons aussi sur mon pays d'origine et souhaiteront démêler les préjugés, et les racontars de la réalité et de ce qui s'y passe réellement. Ça fait du bien et c'est avec un bon plein d'énergie positive que je m'engage à Brunei. Les douaniers en poste se contenant de scanner mon passeport et de m'interroger sur ma destination, avant d'imposer un tampon à l'endroit que je leur mentionne pour économiser du papier. Premier poste franchis donc sans la moindre difficulté.


Si la Malaisie a joué la carte de l'huile de palme pour fonder son économie, Brunei quant à lui, compte sur ses ressources en or noir qu'il vent à prix modique sur son territoire, Considérée comme ressource nationale qui doit demeurer accessible à l'ensemble de ses citoyens. Ceux-ci semblerait aussi bénéficier également de plusieurs avantages sociaux (coût de la santé, pensions pour retraités, raccordement au réseau hydro-électrique, gratuité de la scolarité, accessibilité des biens de consommation...). Ainsi, le pays a préservé en grande partie des étendues de foret primaire sur son territoire. J'en ai un aperçu dès que je pénètre ses frontières, puisque la jungle est omniprésente. De haut arbres s'élèvent des deux cotés de la route et forment une conopée dense qui protège une végétation compacte en dessous d'elle. La foret crépite du bruits des insectes: des chants de cigales crissant semblables à ceux de Provence, les scies électriques moins fortes mais continues, et des sirènes assourdissantes similaires à celles entendues en Chine, se mélangent, et renforcent l'impression de traverser, bel et bien, un territoire sauvage. On me dit: "la jungle à Brunei, ça va. Il n'y a pas de tigre ou d'éléphant, juste des crocodiles et des serpents". Si je n'ai pas l'occasion de rencontrer les premier, j'en croiserais beaucoup des seconds. Des verts, des rouges, des noirs, des bleus... dont un qui se promènera à quelques centimètres de ma tente. Par chance des enfants s'emploieront à le tuer à coup de bâton, ce qui est cruel. Toutefois, je n'aurais pour ma part, pas su comment gérer cette situation. Les macaques sont foison, jusque sur les bas cotés de l'autoroute que j'emprunte sur quelques 25 kilomètres entre Liang et Seria. Longue, droite, large, monotone... La piste d'arrêt d'urgence est cependant large et il n'y a aucun danger à rouler ici. De plus, cet axe ne semble pas interdit aux cycles. Il y aussi plein d'oiseaux, entre autre, des calaos, des faucons, des rouges à bec turquoise... Dans les étangs ou des pécheurs du dimanche ont lancé leurs fils, je repérerai aussi le fameux cormoran à coup de serpent et quelques impressionnants marabouts chevelus. En arrivant au bord de la mer, les terrifiantes Pteropus vampyrus (kalong de Malaisie), m'offrent un incroyable spectacle. C'est la plus grande espèce de chauve-souris au monde qui est heureusement frugivore. Les manoeuvres d'un hélicoptère de l'arme anglaise en exercice font s'envoler à tire d'ailes leur 1,7 m d'envergure pour environ 1 kg. C'est batman pour de vrais!



Je n'effectue que quelques kilomètres et plante le camps au parc naturel de Perdayan. J'y passerai deux nuits à savourer les violents orages qui s'abattent rageusement et dégoulinent sans merci, abreuvant la végétation ambiante et formant des torrents qui débordent bientôt en créant des inondations invraisemblables jusque sous le couvert duquel je me suis abritée. Bien au sec, en observations, j'apprécie la fraîcheur apportée par la pluie et me réjouis du fracas du tonner, les éclaires illuminent la nuit de flash aveuglants, c'est d'une puissance incroyable!



Brunei, parc naturel de Perdayan: nuits sous l'orage



Malaisie, Limbang: bords de la rivière Temburong


Me revoilà déjà à Sarawak. Limbang est un bourg commerçant sur les eaux boueuses de la large rivière Temburong parcourue sans cesse de barques à moteurs qui font la navette entre la ville et les diverses habitations qui s'étendent le long de la rive opposée. Je resterais plantée la quelques nuitées, dans un hôtel tenus par des chinois (en tant que groupe ethnique, car ils n'ont jamais vu la Chine de leur vie. Leur famille a immigré en Malaisie depuis des générations. Mais ici, on fait toujours la différence). Ils partagent avec leurs concitoyens d'origine, la caractéristique de ne pas être très liant, ce qui est pour moi une aubaine. On me laisse enfin un peu de Paix. En effet, depuis quelques temps déjà, je souffre fortement du manque d'Espace et de Temps. Ils sont que trop souvent empiétés par les malaisiens que je commence à vivre comme carrément importuns! Si je suis ici, c'est pour aller à la découverte du Monde, de ses contrées certes, mais aussi de ses populations, à la rencontre des gens dans un esprit d'ouverture amical. Aussi ces propos peuvent sembler étranges voire choquants. Alors, laissez-moi m'expliquer: 

Je ne le sais maintenant que trop bien, en Asie, il faut laisser un peu de coté son esprit cartésien. Il y règne, à des degrés spécifiques à chaque contrées bien entendu, une sorte de nonchalance qui peut être choquante, voire désarmante au premier abord, mais qu'il me semble  à présent avoir quelque peu apprivoisée... Pourtant en Malaise, j'ai jusqu'ici eu du mal à percevoir la sagesse dans ce détachement propre aux peuples des pays d'Asie du Sud Est que j'ai récemment visité. C'est différent de "l'acceptation de ce qui" est, et qui épargne ou soulage du poids du soucis. Je perçois plutôt quelques chose qui s'apparente à une attitude délétère, amorphe, voire même d'abandon (dans le sens fataliste, genre pilote automatique, sans réflexion, ni contentement). Le gens semblent stressés par leurs activités quotidiennes, leur travail. Et ils travaillent beaucoup, pour des salaires assez bas par rapport aux heures qui y sont consacrées. La classe moyenne est en plein essor et j'ai le sentiment qu'on est un peu à l'heure des générations sacrifiées. Leurs heures de libres, ils les passent à consommer (nourriture, biens matériels et divertissement), à se lobotomiser dans des activités peu enrichissantes. D'après mes observations, les hobbies ne sont que peu source d'amusement. Il est rare de voir des gens rire, discuter légèrement, siffloter ou chantonner, rêvoter en liant un bon bouquin dans un café, parler ou marcher gaiement, ou se détendre pleinement devant l'un des nombreux et copieux et super calorique repas pris dans les cantines et restaurants. Les mines semblent sérieuses, fermées, soucieuses... Pas de musique, pas de danse, pas de chants. 

Pourtant la place centrale de la ville est actuellement le théâtre du "carnaval". Divers activités sont proposées au public qui peut exposer ses talents sur scène, reprenant les tubes du moments, sa force en charriant un énorme pneu de tracteurs à travers la place, son agilité en s'inscrivant au lancer de fléchettes. Mais tout cela semble une sorte de parade, de show pour se monter, faire étalage de sa valeur, de ses compétences... comme si personne n'y prenait un véritable plaisir. Pas d'applaudissement à la fin des prestations, même le speaker semble las d'annoncer les concurrents et les titres des chansons interprétées, avec talant ceci dit! Les seuls qui ont l'air fières d'eux, c'est une bande de jeunes loubards qui participent au concours de tuning et qui bichonnent leur engin amoureusement. Pour la peine je les gratifie d'un large sourire et d'un pouce en l'air. Le reste,  je ne m'y attarde pas. D'autant plus qu'a plein mets-je le nez dehors que je suis déjà le centre d'intérêt de tous et cela commence à me coûter... vraiment, n'ont-ils rien de mieux à faire???!!! Attirer constamment l'intention sur soi est difficile à la longue. On est comme épié en permanence, mis sous la loupe tel un insecte en terrarium. Parfois, j'ai l'impression d'être un animal de laboratoire en train de subir une vivisection! Je note en souriant la similitude entre les mots "Orang-Utan"et "Orang-Pute". Si dans ce pays, les touristes se pressent dans les sanctuaires de réhabilitation afin de prendre des clichés à la sauvette des premiers, les locaux quand à eux, ne voient aucune objection à faire de même des seconds, quand ils en croisent un au hasard d'un marché aux poissons, du bureau de change, au niveau d'un stall de vente de pastèques ou de samossas, dans les couloirs de l'hôtel... bref, partout, tout le temps, toujours et tous!!! Mon empathie est grandissante envers les stars de télé-réalité ou tout autre "people" qui finissent parfois par adopter des comportements déviants ou des attitudes agressives envers les paparazzos qui les traquent. L'espace vital attaqué constamment génère passablement de tension et d'agacement, pouvant facilement conduire à une explosion si on relâche sa vigilance.


Aussi, les malaisiens semblent soucieux de bien faire, d'être bien vu par la communauté (qui est une valeur centrale) et par autrui en général. Je perçois quelques chose de similaire à ce qui a pu être observé en Iran. Ceci  se concrétise à mon égard, par une façon très particulière d'être serviable. Comme un devoir à accomplir pour s'élever et donc, non pas par bonté pure, mais pour servir son propre destin, sa propre image de soi, son propre égo. J'ai parfois l'impression d'être l'objet, l'outil nécessaire à leur accomplissement et cela me mets mal à l'aise. Dans le concret c'est un acte de don observable, mais j'ai l'impression qu'il s'agit en réalité d'une extorsion. Souvent les gestes de sympathie me créer plus d'embarras que ne facilitent le déroulement agréable du cours normal des choses. Laissez-moi donner quelques exemples concrets pour faciliter la compréhension de ce que je veux dire: Je demande de l'eau dans un restaurant. C'est simple, les autres clients se lèvent et vont se servir à un pichet qui se trouve non loin, il suffirait de me l'indiquer. Pour ce qui me concerne, il faut tergiverser 10 minutes et ameuter toute l'assemblée, pour savoir s'il conviendrait de m'apporter de l'eau en bouteille qui siérait mieux à un Orang-Pute. J'ai soif maintenant, pas dans deux heures! J'essaie de me renseigner sur le prix des pommes, comme la vendeuse ne parle pas un anglais parfais (mais pourtant tout à fait compréhensible!), il faut téléphoner à un ami qui arrive 5 minutes plus tard. Entre deux, coincée là, j'ai du répondre aux 500 questions de l'ensemble des villageois et il faut répéter toute l'histoire à l'ami en question avant de pouvoir finalement ne pas acheter de pommes et se tirer en vitesse (même topo pour toutes les questions pratiques (kilométrages, itinéraire, horaires...)). Une cycliste étrangère sur la route en montée dans la chaleur de midi, quelle merveille: je vais pouvoir raconter à mes amis ce que j'ai vu, et, pourquoi pas, poster la photos de ladite cyclise, prise à la sauvette, sur mon mur Face Book. Pas que je sois vraiment content de la voir maintenant, que cela me remplisse d'émotion positive et de joie de vivre cet instant... c'est juste que, je vais pouvoir me valoriser grâce  cette vision, oh combien inattendue. Freinons et restons juste derrière, à quelques centimètres de ses roues pour l'encourager, puis dépassons la, en accélérant dans un nuage de fumée noir de pot d'échappement (des fois que la montée ne serait pas assez pénible déjà), en klaxonnant allègrement afin qu'elle nous salue et nous remercie de notre gentillesse. Non mais ils rêvent! Il faut qu'une vendeuse me suivent partout dans les magasins au cas où j'aurais une question, et me crie "yes?" dans les oreilles à chaque fois que je m'arrête pour observer un produit. Il faut s'empresser de venir me dire que la pluie menasse et que je ferais mieux de dormir à l'intérieur de la maison, mais ce toujours une fois que la tente est montée (et on insiste encore!)... Non, à la longue, c'est pénible! Comment réagir négativement face à  ces actes qui paraissent si bienveillants. C'est moi encore qui passerais pour l'ingrate, celle qui met de la négativité dans l'histoire... Je n'ai pas envie de porter cette responsabilité, je m'en sentirais ensuite coupable. Je suis prise au piège, manipulée. Je vais mettre un sacré temps à démêler tout ça et à chercher des solutions pour stopper ce processus désagréable!


Et puis, il y a le fait que souvent, on me parle juste pour pouvoir m'adresser la parole. Il n'y a strictement aucun intérêt véritable derrière ces ébauches de conversation qui sont en réalité qu'une récitation de questions toutes faites en anglais, pour le plaisir de s'y exercer. Je n'aurais peut-être rien contre si toutefois on se donnait du moins la peine d'écouter les réponses. Mais non, le "small talk" est juste bon à monter ses compétences linguistique, impressionner la galerie ou obtenir la, oh combien précieuse, attention de la blanche de service pendant quelques secondes. Ils n'ont strictement aucune idée de quoi je parle, mais ils s'en fichent. Comme c'est fatiguant, vide de sens, puéril et déshumanisant à la fin. Parfois j'en vient à me dire que rien n'intéresse vraiment ces gens. Il ne font preuve d'aucune curiosité, vivacité d'esprit, me montrent aucune envie de développer leurs connaissances. C'est désespérant et absurde: comment peut-on gaspiller son temps et son énergie à ce point et surtout, n'avoir aucun scrupule à voler à autrui ses biens les plus précieux, c'est à dire son Temps et son Espace??!! Et tout ça pour si peu! C'est d'autant plus frustrant, qu'ils parlent tous anglais et que des échanges très enrichissant pour les deux parties pourraient facilement s'installer. On me demande en boucle d'où je viens et où je vais (puis on répète "Switzerland", sans avoir la moindre idée d'où cela peut bien se situer sur la carte du monde et "oh ma pauvre c'est loin", avec un regard de pitié, ceci que je disent que je fais le tour du monde ou que j'explique que je me rends au prochain village, c'est la même rengaine). Ensuite, on ne demande si je voyage seule et puis POURQUOI? C'est incisif: Pourquoi ton maris n'est pas avec toi? Pourquoi il est en Suisse? Pourquoi tu m'a pas d'enfants?  Pourquoi tu fais ça (dans le sens qu'est ce que tu y gagnes?) Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Mes "pourquoi pas?" plein d'humour n'ont pas plus d'impact que des réponses construites et étayées de propos profonds sur la marche actuelle du monde et des nos sociétés contemporaines... Mes retours de question à l'expéditeur ne créer pas plus d'émois que mes sourires patients et sympathiques. Une bulle de colère et de frustration commence vraiment à prendre forme. Je m'enjoins de rester calme, de me connecter à ma sérénité intérieure, à me détacher de tous ce cirque, à accepter les choses objectivement, sans jugement. Mais c'est beaucoup, beaucoup pour une seule personne, et la chambre d'hôtel devient vite un petit îlot sur lequel je me réfugie recroquevillant mes jambes en évitant soigneusement de laisser dépasser quoi que ce soit de peur d'être happée au passage par l'un de ces requins. Quel gâchis, je me sens triste et peu fière de moi, ces comportements de replis ne sont que des réflexes teintés de crainte et de colère. Je me mets en position de protection permanente. Sentiment d'échec, d'avoir subitement rebroussé tout le chemin que je me félicitais d'avoir parcouru en terme de développement personnel au cours de mes pérégrinations cyclophiles! Merde!



Ensuite, il y a le rapport particulier (d'après mes critères) à la relation entre genre. C'est d'autant plus choquant que dans les autres pays du Sud-Est Asiatique, les choses ne sont jamais ambiguës, presque asexuées. Ici, c'est bien différent. En tant que femme seule, j'ai l'impression parfois d'être vue comme une proie facile, vulnérable. Je souligne toutefois que jamais je ne me suis sentie en réel danger, c'est plus sous forme de jeu de prises de pouvoir et d'intimidations psychologiques. Ça s'illustre par le fait que, comme je l'ai déjà mentionné dans un message précédant, certaines personnes s'autorisent des comportements déplacés, parce qu'ils pensent se trouver face à une personne "sens défense". C'est vrais parce que je suis une femme, mais c'est aussi vrais parce que je suis seule (on est rarement seule en terrain inconnu dans cette culture), c'est aussi vrais parce que je suis étrangère et donc, qu'ils ont l'impression qu'ils n'ont pas à respecter les normes en vigueur entre eux normalement. Je considère cela foncièrement injuste et ressens une grande révolte à ce propos. Ici, je tiens à donner juste un exemple, banal, tiré de mon quotidien (je pèse mes mots: mon quotidien... oui, ça veut dire tous les jours!) car peut-être, ai-je besoin de n'épancher, de déverser ça quelque part, de crier haut et fort mon mécontentement. SOS empathie! Peut-être qu'après, ça ira mieux? Aussi, vaudrait-il mieux éloigner les enfants de l'écran, là je me lâche:  Dans un café, je termine ma consommation et m'approche du bar pour payer l'addition. Geste banal qui prends en principe moins de 15 secondes. Les serveuses trouvent le moyens de me présenter le patron en me précisant à moult reprises qu'il est célibataire, elles insistent et ricanent. Tout ce passe très vite, dans ma tête c'est l'explosion: "MAIS JE SUIS QU'UNE CLIENTE, PUTAIN!!! QUE EST CE QUE J'EN AI A FOUTRE QUE TON PATRON SOIT CÉLIBATAIRE OU NON, BORDEL DE MERDE! JE VEUX BOIRE UN COUP ET PUIS ME BARRER SANS AVOIR A CONNAÎTRE QUOI QUE CE SOIT DE LA VIE PRIVÉE DES GENS QUI SONT ICI POUR ME SERVIR!!!! PUTAIN, S'ILS ONT BESOIN DE PARLER QU'ILS AILLENT VOIR UN PYS. JE SUIS PAS NI UNE BORNE D'INFORMATIONS ("where are you from?" et j'en passe...), NI UN COMPTOIR DE DIVERTISSEMENT MOBILE ("where are you from?" et j'en passe), NI UNE PROSTITUÉE ("hello miss, where are you from? Are you still single?" et j'en passe), NI UN PSYCHIATRE EN VACANCE ("I am still single"). PUTAIN, LAISSEZ MOI VIVRE NON DE DIEUX!!! Voilà ce que j'en pense mais, quoi, je respire, je ne leur crie pas ça à la geule et je joue le jeu du mieux que je peux pour éviter le sandale, pour être en accord avec mes valeurs, pour correspondre à l'image de moi que je souhaite donner et avoir de moi-même. C'est à dire: je prends de grand yeux étonnés. Demande au type si vraiment c'est vrais. Lui demande POURQUOI??? il n'est pas mariés (pointe d'agacement quand même). J'hésite à lui demande s'il est pauvre ou méchant (ou trop moche ou simplement trop stupide), mais me ravise... de justesse. Et puis, j'affirme (les yeux navrés, plein de pitié) que je suis tellement désolée pour lui, que ça doit pas être drôle de ne pas être marié, ça doit être sacrement difficile. Pour ma part, je suis mariée depuis longtemps (montre mon alliance pour garder contenance) et que ma vie serait bien vide et terne si je ne l'étais pas (fin du premier acte). Je sors du café, et là, je suis non seulement en colère contre ces gens, mais aussi profondément déçue de  moi-même. Je me dis: MAIS PUTAIN LEO, POURQUOI TU N'ARRIVES PAS TOUT SIMPLEMENT A DIRE (sur un ton neutre et en regardant ces gens dans les yeux): "Je vous arrête, votre votre statut social, monsieur, ne me regarde absolument pas. Maintenant, je paie mes consommations et m'en vais". NON, IL FAUT QUE TU T'ÉNERVES. POURQUOI TE LAISSES-TU TOUJOURS ABUSER PAS LES ÉMOTIONS ET POURQUOI EST CE QUE TU T'ÉVERTUE A JOUER UN RÔLE, A DONNER UNE FAUSSE IMAGE DE TOI-MEME? POURQUOI ES-TU AUTANT SUR LA DÉFENSIVE?. Vous trouvez que je manque d'humour? ... moi aussi. Que je manque de distance?... moi de même. C'est que l'accumulation fait perdre un peu les pédales: des regards lubriques à chaque coin de rue, aux mots grossiers en anglais prononcés sur mon passage sans les rayons d'un magasin, jusqu'à ce type qui se masturbe en plein milieu de la route à mon passage, je commence à en avoir ma dose... sans mauvais jeu de mot! (fin du deuxième acte). Une fois l'émotion retombée, je réfléchis: Je dois absolument apprendre à être plus ferme avec les gens, mais je ne sais pas le faire sans être rejetante ou "malveillante". Je ne sais pas dire "non" ou "stop" sur un ton neutre. Souvent la colère, la frustration ou la lassitude teintent mes propos, du coup je ne m'y autorise pas car je n'aime pas ça, de plus j'ai le sentiment que s'ils percevaient mon émotivité, les gens pourraient penser qu'ils ont de l'ascendance sur moi (ce qui est le cas, mais je n'ai pas envie qu'ils s'en aperçoivent). J'aimerais apprendre à faire mieux. Y'a encore du boulot! PUTAIN! (fin du troisième acte). Ah, ça fait du bien de vous avoir livré ça sans détour... Ça soulage! Là, c'est vous les psys de service, merci!



Finalement (et après je m'arrête, promis), la question: "But you are not aiffraid?" est posée à longueur de journée. C'est toujours dangereux, toujours trop dure, trop loin, trop chaud, trop long, trop difficile, trop sauvage, trop fatiguant, impossible, inaccessible, risqués, épuisant... Bref, c'est pas très léger, attrayant, enthousiaste. Parfois, ces mises en garde répétées me submergent et je me laisse gagner par ce négativisme de fond (très contradictoire avec les situations concrètes ou de surface. Car dans les faits, on pourrait penser que les gens sont plein d'enthousiasme et de bienveillance). Ce syndrome de la peur me fatigue, de quoi devrais-je avoir peur? Je rencontre tous les jours des gens forts aidants qui m'offrent leur toit, leur protection, leur eau, leur nourriture.... et tous les jours la même question: N'as-tu pas peur? Mais peur de quoi? Que doit-on craindre en Malaise? A force, j'ai l'impression qu'on est entrain de me demande d'avoir peur justement... peut-être pour me mettre en situation de dépendance ("Oui, j'ai peur! S'il te plaît protège moi") et ainsi se valoriser personnellement. Et on déguise ce besoin d'être mis en valeur sous le couvert de l'engouement, l'admiration, voire du respect pour "mon projet". Ça m'écoeure un peu... La peur, peu d'entrain, de joie de vivre, de motivation, de passion, d'insouciance... manque de "good spirit"... Ah, que les Balkanis me manquent avec leur folie et leur engouement pour toutes choses!



Je repars donc de Limbang sous la pluie, pas beaucoup plus apaisée qu'à mon arrivée, mais c'est tellement la catastrophe dans les faits et dans ma tête qu'il faut que je me tire de là. C'est presque une délivrance, un soulagement, quand j'atteins dans l'après-midi le poste de frontière qui m'ouvre les portes de la province de Tutong du Sultana de Brunei. Passeport scanné, tampon apposé à l'endroit souhaité, accueil conforme à ce à quoi on pourrait s'attendre d'un douanier en fonction (c'est à dire pas excessif, ni dragueur, ni plein de questions déplacées). D'un coup de baguette magique, je retrouve le sourire, me détend enfin. Et, il y a de quoi, car ici l'attitude des hommes à mon égard change radicalement. Même les jeunes hommes, ceux dont j'évite à tous prix de croiser le regard en Malaisie, me gratifient ici d'un sourire amical, franc et respectueux. Ils m'encouragent d'un signe de la main ou d'un pouce en l'air, sans plus. Personne ne me hèle au passage et, oh comble du bonheur, personne ne me klaxonne bruyamment! Ouf, ça va mieux!!! 



Brunei: maison luxueuse peu après le poste frontière



La foret  à nouveau s'étoffe, préservée. Les constructions qui longent la route deviennent pour certaines ostensiblement plus luxueuses. Parfois, les propriétés sont entourées d'un jardin soigneusement tondus. Les "drive-ways impeccables où sont garé un nombre impressionnant de voitures, mènent à des villas modernes en béton fraîchement peintes de couleur vives. Brunei semble sans aucun doute être un pays plus riche que son voisin. Dans les agglomérations que je traverse, les parcs publics agrémentés de jeux pour enfants, d'engins de fitness, d'allées de promenade ombragées et plantées de lampadaires, et même d'un parcours didactique pour les apprentis conducteurs, sont foison. Le tout est tenu dans un état de fonctionnement et de propreté qui contraste avec ce qui a pu être observé en Malaisie. 



Brunei: le long de la piste entre Longmaya et Bukit Sawat


J'observe les intéressants uniformes des jeunes enfants, à la sortie de certaines écoles. Si les fille portent bien évidement un long voile blanc les couvrant jusqu'à mi-torse, ainsi qu'une longue blouse sur une longue jupe de la même couleur, les garçons, quant a eux, sont affublés d'un couvre chef vert en velours ainsi que d'une "jupe" de même couleur, portée jusqu'à mi-cuisses, par dessus des pantalons blancs. Certaines fillettes se dévoilent dès la sortie du périmètre scolaire, geste qu'il m'a été donné de voir souvent aussi, dans le pays voisin. Sur les deux territoires, les voiles peuvent prendre plusieurs formes. Parfois, il s'agit d'un foulard replié afin d'obtenir une forme triangulaire. Il est ensuite fixé autour du visage soit par une broche sous le menton ou par quelques épingles sur le coté, près de l'oreille. Ceci permettant de les maintenir fermement fermés, ce sont aussi des éléments décoratifs qui dans le second cas, permettent une plissure particulière qui offre une grâce supplémentaire, un effet de voilure charmant. D'autre fois, il s'agit d'une simple pièce de tissus, souvent plus ou moins élastique, cousu en forme de cagoule et qui s'enfile comme telle. Dans ce cas, la parure est moins sophistiquée, le tissu est unis , parfois garnis de quelques petits strass. Il suffit d'ajuster le trou sur la forme du visage, le tissus vient se plaquer de lui même pour ne rien laisser paraître de la chevelure. Ceci semble être la norme, contrairement à ce qui a pu être observé dans les villes iraniennes par exemple. Aussi il n'est pas rare que des femmes portent en dessous du voile, un serre-tête, bande de tissus qui plaque le devant de la chevelure ou alors prennent grand soin de replier de façon savante les cotés du tissus du foulard, au niveau des tempes, afin de former un angle adéquat. En tant que non-musulmane, je n'ai a me conformer à aucune règle vestimentaire. La loi me laisse libre de me vêtir à ma guise, mais les coutumes et les bonnes moeurs enjoignent d'arborer des habits modestes, couvrant les épaules, le décolleté et les cuisses. 



" Fashion Hidjab"


Des pipeline bleu. sillonnent des rizières vertes. Des bornes indiquent avec une régularité pointilleuse, l'emplacement le long des routes, du passage des conduites de gaz. Des panneaux rappellent tout aussi régulièrement qu'il est interdit de fumer dans ces alentours. Sur la portion de cote que je suivrai en fin d'itinéraire dans le Sultanat de Brunei, l'espace est couvert de raffineries d'or noir. Les autres cheminées couronnées de leur flamme inextinguible en témoigne. C'est Shell qui est la compagnie la plus active dans le pays. La compagnie emploie un grand nombre des habitants des villes de Seria ou de Kuala Belait, vivant dans les lotissements de villas toutes semblables, neuves et passablement confortables, entourées d'espace vert confiés à  un jardinier attitré et sous la surveillance d'un gardien vigilant. 



Brunei: Oil pipe dans les rizières



Pour rallier Seria, j'emprunte un itinéraire secondaire qui s'enfonce peu à peu dans une jungle de plus en plus dense, sur une route de plus en plus étroite, pour finir par un chemin caillouteux. Une petite tranche d'aventure, loin des grands axes, dans un paisible silence rompus seulement par le bruissement du vent dans les arbres, des cris des oiseaux et autres animaux et des chants des insectes. Quelle paix! C'est dans ce cadre que j'effectuerai le service du vélo,. Ici personne pour m'importuner, me submerger de questions ou m'observer béatement. 



Brunei: buffles d'eau entre Lamunin and Merimbun


Demain, c'est le premier jour du Ramadan, je me demande bien comment se concrétisent les pratiques au cours de ce mois de spiritualité et d'austérité ordonné par les autorités de l'Islam et qui se termine avec la Fête de L'Aïd el-Fitr ou Hari Raya . On associe bien souvent le Ramadan avec le jeun. Cependant, cela ne constitue d'une petite partie des pratiques. En effet, ces restrictions alimentaires devraient etre accompagnées des Wajibs, des Sadaqahet des Sunnahs. Il s'agit d'acte de bienveillance envers autrui et sois-même, et de dévotion envers dieu. L'idée principale étant de chasser le pécher de son quotidien, de se connecter à la bonté, de ressentir pleinement les envies, les pulsions et les attentes monter en soi, de les regarder en face pour ce qu'elles sont, puis éviter de se laisser contrôler par elles. C'est une occasion de revenir à la sérénité intérieure, à  la pleine conscience de ses actes, paroles et pensées.

Bien entendu, tous les musulman de Brunei ne pratiquent pas le Ramadan, c'est le cas de la famille qui m'offre l'hospitalité aux alentours de Merimbun. Elle célèbre ce soir par contre, l'anniversaire d'une petite fille et je suis bien entendu conviée à partager le gâteau et le repas de fête.



Brunei, Long Maya: anniversaire chez mes hotes de la nuit



En route, les diverses rencontres me permettent d'en apprendre un peu plus sur ce nouveau pays. Le Sultanat de Brunei est un pays musulman, même si une partie de la population est aussi de confession bouddhique, chrétienne et animiste. Les lois islamique doivent être pourtant scrupuleusement respectées par la majorité musulmane. Ainsi, on m'explique que l'acquisition, la possession et la consommation d'alcool est prohibée à ceux appartement à cette religion, le port du voile est obligatoire pour les femmes musulmanes. Pendant le Ramadan, il est interdit à tout le monde de manger, de boire ou de fumer dans tous les lieux publiques, ceci du levé au coucher du soleil. L'horaire exacte change quotidiennement et il faut donc se renseigner chaque jour. Les restaurant usent alors d'un stratagème un peu flou qui consiste à servir de la nourriture uniquement à l'emporter, mais qu'il n'est pas permis de consommer dans sa voiture, il faut attendre d'être chez soi. Un retraité rencontré au hasard d'une balade près du parc " Oil and Gas Disovery" à Seria, me confie que pour les travailleurs de l'usine, c'est tout une histoire. A son époque, la cantine servait des repas, qui pouvaient être consommés derrière un grand paravent opaque dans un petit recoin du réfectoire. Maintenant, ils pense que toute nourriture est tout bonnement prohibée. Il dit: "pour ceux qui travaillent c'est difficile. Et pour ceux qui sont en déplacement aussi!". Pour ma part, j'évite de me nourrir en milieu de journée (juste un snack vite engouffré) et bois discrètement accroupie derrière le vélo au bord de la route à l'abri des regards. On m'explique qu'en tant qu'occidentale, je ne risque pas grand chose, mais je crois qu'il est bon d'essayer de respecter les efforts des pratiquants et d'éviter de les narguer en avalant de grosse goulées d'eau sous leur nez. J'ai du mal à saisir, mais il semblerait que la (les) loi(s) s'appliquent de façon différente en fonction de la confession du contrevenant. Les musulmans pris en flagrant délit nutritionnel risquent de se voir infliger des peines plus lourdes.



Brunei: Mosquée dans les environs de Kuala Belait



Les vendredis, contrairement aux samedis sont jours de congé. Toute activité commerciale doit cesser ce jour là entre 12h00 et 14h00, par respect pour le déroulement le la Grande Prière. C'est particulièrement vrais pendant le Ramadan, sous peine d'amendes substantielles. Au retentissement de chaque appelle en provenance des Mosquées, toute musique (d'ambiance ou de divertissement) doit cesser, ce qui donne aux grandes surfaces une drôle d'atmosphère, d'autant plus qu'elles se vident alors d'une grande partie de leur clientèle à ces heures précises du jour. Les enseignes de grandes chaînes de fast food sont tout bonnement fermées pendant un mois. Dans les magasins non tenus par des musulmans (la plupart du temps Chinois), la vente de viande de porc est apparemment tolérée, mais les produits non-hallal sont placés sur des étagères en retrais, un peu à l'écart. 



A Seria, je passerais aussi deux nuits, dans un petit appartement que le Pasteur Andy mettra à ma disposition dans l'enceinte de l'Église Protestante. La politique officielle du pays prône l'entente cordiale entre les différentes obédiences pratiquées sur son territoire. Dans la pratique les choses ne sont pas si simples et des tensions subsistent. Les minorités se sentent parfois peu reconnues, voire laissées pour compte, leurs pratiques religieuse doivent se faire discrètes (c'est un peu l'histoire des minarets en Suisse). Le pasteur plaisante que l'un des plus gros problème concerne les places du parking que se partagent à la fois la Mosquée et l'Église, à l'occasion du Vendredi Saint! Il se veut optimiste et préfère ne pas s'étendre sur le sujet


Il est déjà temps de quitter Brunei que je n'ai eu qu'a peine le temps de saluer. Nouvelle formalités douanières vite expédiées et me revoilà en Malaisie pour traverser tout l'état de Sarawak afin de rallier Kuching ou je prendrais un vol en direction du vieux continent en milieu de mois prochain. La traversée de Brunei a été facile en réalité, j'ai bien fait de ne pas m'arrêter aux racontars des guides touristiques sur le sujet. Un parcours intéressant quoi que cours, riche en découvertes et puis, avouons-le, une parenthèse bienvenue dans cette folle aventure malaisienne. 


Je suis obligée de rire quand, 800 mètres après la douane, ayant franchi le payage d'un immense pont suspendu (axe principql d'accès entre les deux pays) jeté sur la Baram, un panneau géant indique: "Empruntez le pont à vos risques et périls. La compagnie décline toutes responsabilité en cas de mort, d'accident, de perte ou d'endommagement" : SÉRIEUX!
Rien d'intéressant jusqu'a Miri. Une longue route droite, à quatre voies, séparées entre elles par une large bande de gazon. Sur les cotés la foret a été rasée, mais la végétation à déjà tout réenvahi, ne manquent que les haut arbres. Pas un village sur plus de 30 kilomètres, une usine de brique, une usine de bois et puis tout à coup une immense place de marché couvert, des habitations au bord de la route et des lotissement de villas en construction donnent l'impression que je vais arriver en ville, mais me voilà déjà à l'aéroport. J'ai dépassé Miri sans m'en rendre compte, empruntant sans doute le "by pass".