samedi 29 août 2015

Roumanie: Bucharest - Naidas


Article publié par Léo:

La carton du cycle apparaît sur le tapis roulant dans un état de délabrement avance. C'est la première fois du voyage qu'on aura fouillé mes bagages! Je charge le tout sur un chariot et me dirige vers la sortie, au dessus de la foule, un panneau "LEO" émerge, en dessous le visage de mon père. Ses yeux d'abord, clairs, nets, pesants. Il s'assure en une fraction de seconde que je vais bien. Je lui souris, lui adresse un salut, avance tout droit suivant les autres passagers qui s'évaporent par enchantement, il n'y a plus qu'une fée au bout de ce tunnel: ma mère. Je vais bien, bon voyage, oui le carton est dans un sale état, laissons ça sur le coté et buvons un pot à nos retrouvailles. Je raconte, je raconte, deux jours de trajet, y'a de quoi. Eux aussi vont bien, ils sont déjà installés dans un hôtel que nous rejoignons en bus. Gare du Nord et transport à pied de ce carton volumineux sur plus d'un kilomètre. Ma mère n'a rien perdu de sa volonté de fer et de sa force. Mon père est prudent, il préserve son dos qui l'a fait énormément souffrir dernièrement. Il ne le lâchera pas de tout le séjour, ça valait la peine de faire attention. L'hôtel est hallucinant, mes parents ont vu grand... très. Ils voulaient me faire plaisir et c'est réussi. 140m2 dans un appartement luxueux au sommet d'une tour, une baie vitrée couvre tout le salon. Elle offre ses vues sur la ville qui m'ont rien à envier aux bureaux d'hommes d'affaire fortunés de Manathan. Deux chambres, deux salles de bain, deux balcons, une cuisine agencée, un espace détente avec canapé et écran plat, un espace repas pour nos soupers en famille, une machine à laver le linge, une baignoire à bulles (oui, une baignoire à bulles!!!). Et ce n'est pas tout, le buffet "breakfast" est impossible à décrire tant il est copieux, bien présenté et succulent: viandes froides et chaudes, oeufs sous toutes leurs formes, pains et confitures divers, viennoiseries multiples, fruits, légumes, céréales, graines, olives, yogourts, cafés, cacaos, thés, jus de fruit, lait... Tous les matins, je me goinfre, me régale, souhaite avoir quatre estomacs, c'est bon, c'est beau. c'est génial! On s'installe sur la terrasse avec vue directe sur le Palais du Parlement, les dames de services sont aux petits soins. Quel luxe et ça continue!!! Au sous sol, un espace wellness, une piscine, une salle de sport. Je resterais bien ici un mois entier à profiter de cette abondance, de ce service, de cette bulle de bien être... On en a peu le temps en réalité car celui qui nous est donné de passer ensemble, nous l'occupons a visiter, fêter, profiter de nos présences réciproques. Et il passe vite!


BONJOUR!!!



BONJOUR!!!

Bucharest est une ville charmante, son centre historique m'inspire, ça fait un bail que je n'ai pas foulé du pied les pavés d'une capitale européenne. Un air de Dolce Vitra plane dans les rues, les touristes se mêlent aux habitant sur les terrasse des innombrables cafés et restaurants, on boit une mousse, puis deux, de la musique, des rires, des discussions, des attitudes relaxes, du soleil qui brûle pas, des voitures qui ne klaxonnent pas en permanence, un air respirable, des passants qui prennent des photos, observent les monuments historique qui foisonnent partout et les maisons typiques des grandes villes de notre bon vieux continent. Je suis aux anges, détendue, dans mon élément, personne n'empiète mon Espace-Temps, que c'est agréable! On achète des cartes postales qu'on rédige en buvant du vin rouge, on s'offre un tour en bus touristique et en bateau, on mange des bretzels dans les parcs des églises orthodoxes qu'on trouve à chaque coin de rue, on admire les paons du parc... On joue les parfaits touristes. On se raconte des histoires, on s'écoute, on rit beaucoup, c'est les vacances!


Roumanie, Bucharest: Veille ville

Le Palais du Peuple a été construit à l'initiative de Ceaușescu qui validait chaque projet architectural, rien n'était entrepris sans son accord, tout devais correspondre  à ses attentes. Pourtant, il n'exercera jamais en ces lieux, car à sa chute le bâtiment n'est point encore achevé! Ceausescu choisit aussi l'emplacement de la construction titanesque de style  néo-classique. Il jette son dévolu sur une colline au coeur de la veille ville, cette place devant être la moins vulnérable aux tremblements de terre. Il en fait donc raser plusieurs quartiers. Les travaux débutent en 1984, C'est l'un des bâtiments les plus grand au monde et aussi l'un des plus lourd. Sa superficie de 350 000 m2 (surface habitable!) est entretenue tant bien que mal par quelques 200 membres du personnel. Son fonctionnement coûte un bras et si c'est le siège du Parlement Roumain, il abrite aussi des studios de télévision. Beaucoup de salles ne sont cependant pas régulièrement utilisées et il est possible de les louer pour les congres, des conférences, des foires, des concerts, des expositions et des réceptions. Avis aux amateurs, la plus grande a 16m sous plafond, qu'il vaudrait  mieux ne pas faire trembler car y est attaché un lustre d'une envergure phénoménale en cristal roumain, comme c'est le cas de la plupart des matériaux utilisés dans ce bâtiment. Le chef de l'état communiste entendait  démontrer la puissance et les capacités de production et d'autonomie de son pays au travers de ce building, tout autant que les prouesses architecturales, et technique de ses ingénieurs et bâtisseurs nationaux. Tout est splendide, démesuré, surprenant, sophistiqué: tapis, marbrures, brisures, sculptures d'ornement, marqueterie, rideaux, peintures, système central de chauffage et d'aération... Le palais est un hymne au savoir-faire roumain. Contrairement à cette époque là, ce tour de force n'est plus une priorité aujourd'hui. Le bâtiment n'est toujours pas achevé après près de 30 ans de travaux. Il a même faillit être détruit à la chute du régime, mais cela aurait coûté plus cher que les millions consacrés sa construction. Aujourd'hui encore, l'une de ses aile est en travaux



Roumanie, Buchurest: Parlement, "La Maison du Peuple".


13 juillet, mon père fête son anniversaire. 60 prétextes de célébrer, on s'en prive pas. On s'installe sur la terrasse d'un restaurant soit-disant français et dégustons un cru blanc en apéritif. Je mitraille mes parents, voulant retenir ces instants, leur sourire, leurs yeux qui pétillent. Toutes leur attitude treillissent la joie, on se retrouve, on est enveloppé dans une sorte de bulle de bonheur léger, la communications passe 5 sur 5. Ils acceptent d'écouter encore en encore mes jérémiades concernant les difficultés bornéaises, ils me racontent sans se lasser leur quotidiens, leurs projets, leurs regrets, leurs points de vue. On se met mutuellement à nu, on en a le courage, on se sent assez en confiance pour cela. Les jugements de valeurs n'ont plus cours, l'écoute et le respect planent entre nous. Sur l'un des places des rues piétonnes, un concert de musique classique, je les immortalise à la sauvette en gros plans. Mes parents me paraissent sereins et beaux. Mon père choisi une gargote bavaroise, tous les deux commandent la spécialité de la maison, un plat de viande gigantesques. Le serveur s'assure à plusieurs reprises que c'est bien ce que nous désirons. On lui répond par l'affirmative, il nous rend une moue déconfite et on s'esclaffe. Quand ils nous apporte un seau à garçons en forme de bassine géante avec un regard complice et un sourire malicieux, on hurle de rire. Ce soir, un spectacle de rue propose des mimes muets, il est intitulé "statues humaines", un thème qui alimentera les discussion tardives autour d'un dernier verre dans notre appartement de luxe. Dans nos sociétés dites modernes, le jeu de rôle est un devoir, on met un masque, on donne le change, on active sans cesse des mécanismes, on est pus tout à fait humain.,.. Nous sommes tous "de belles images". Sauf qu'aujourd'hui, Brigitte, Charly et moi avons refusé la partie, nos échanges se sont déroulés dans une profonde authenticité. Un moment hors des normes en vigueurs, un cadeau inestimable, un moment de vérité qui nous rapproche. 




Joyeux anniversaire Charly!


On part en excursion en Transylvanie, sur les traces du fameux Dracula. Premier arrêt  la Résidence d'été du Souverain Carol 1er. Le Palais est niché dans des vallons verdoyant, dans la foret, au milieu des arbres et des sapins, entres des sommets montagneux. L'architecture est typique, le cadre idyllique. Clic, un cliché de carte postale! Cet aristocrate, commandant militaire parvient à unir différentes Principautés de ce coin d'Europe et  forme le premier royaume de Roumanie qui est composé en premier lieux de la Valachie et Moldavie, puis de la Transylvanie. Carole sera couronné en 1882, son règne durera jusqu'en 1914, année à laquelle il décède laissant le trône à ses descendants dont son fils adoptif Ferdianan 1er. La château n'a subit aucune modification depuis lors. Il a pourtant été utilisé comme lieu de villégiature pour les puissants pendant la période communiste avant d'être transformé en musée et ouvert au public par les descendants du Roi Carol habitants aujourd'hui un Palais au centre de la Capitale. 


Roumanie: Château du Roi Carol 1er


Seconde étape, la Château de Bran, celui dont parle la légende du célèbre vampire.  Situé sur un col, ce fut de tout temps un point de passage obligé. Cette forteresse permettait donc le contrôle des vallées adjacentes, ainsi que le prélèvement de droit de douane. En réalité le Compte Dracula, de son vrais nom Vlad III, n'aurait jamais utilisé ses canines acérées, mais dans son combat sans merci contre l'envahisseur Ottoman, il remet au goût du jour, le supplice de la mort par Empalement. Ce qui lui vaut d'être une figure pour le moins effrayante! Le surnom Dracula lui viendrait en réalité de son père qui aurait reçu du Roi d'Austro-Hongerie, la Médaille du Dragon (Dracula).


Roumanie, Château de Bran: "Château de Dracula"


Finalement nous rejoignons Bracov pour admirer l'Egise Noire, une cathédrale gothique datant de la fin du 14eme siècle. Au moment de la Reforme, elle fut utilisée par les luthériens. Il l'appelle l'Église Noire car en 1689, un incendie la détruit partiellement et marque à long terme ses murs de la suie noire dégagée par le feu.
Une longue journée de découverte dont nous rentons épuisés et ravis. Notre guide a été une perle, intarissable d'explication, d'anecdotes, s'exprimant sans craintes à propos des réalités politiques, économiques et sociales actuelles de son pays.  Je suis ravie que mes parents aient visité la campagne roumaine, ce décore qui sera mon univers au cours du mois à venir. J'ai le sentiment que l'on partage quelques chose de plus, maintenant qu'ils se représentent un peu mieux le cadre de mon quotidien cyclique.


Roumanie, Bracov: l'Église Noire (Negra Ckrva)


Le carton n'aurait pas été fouillé comme je le croyais en premier lieu. On l'aurait simplement laissé tomber et traîné négligemment ce qui a causé quelques dommages. Une journée et demi de démarches seront nécessaires à la réparation d'une potence fissurée et d'un câble de vitesse arraché. Il faut trouver des pièces de rechange, contacter un mécanicien... C'est décevant d'utiliser le temps de notre rencontre pour résoudre les problèmes techniques. Je me sens un peu dépassée par les évènements, triste et frustrée. Mon père a les mots pour me réancrer dans le réel: "la ou il n'y a rien, il n'y a pas de vie"


Le 17 juillet, fin des vacances, fin de l'idylle... La route s'ouvre à nouveau devant mes roues. Dernier verre sur une terrasse et des au revoirs troublants, intenses, touchants. A nouveau, on se quitte. Une autre séparation, le coeur est joyeux et les souvenirs sont bons. En route, à moi la Roumanie. C'est sans crainte que je démarre dans le trafic intense de la cité. Je m'extirpe de Bucharest aisément, guidée par l'instinct et la gentillesse de quelques passants. Pédale, pédale, vers l'Ouest, toujours cap Ouest. Dan un premier temps, la circulation est plutôt débridée, et puis elle se fait moins compacte, plus lente, Les veilles Dacia et les charrettes tirées par des chevaux fiers, robustes et bien portants remplacent les bolides pressés. Campagne: la plaine est striée des rivières, c'est au bord de l'une d'elles que je planterai le camps pour cette première nuit sauvage en terre  roumaine. Des jeunes se baignent non loin. les oies nagent négligemment. Je m'étends sur la berge, il n'y a aucun bruit, aucune distraction, juste le ciel et le silence. Un avion passe, je lui adresse un signe, mes yeux se brouillent, une larme coule. La joie et la peine: "Chiao vous deux, bon vent, joie et sérénité dans votre coeur. Merci, vous êtes deux Êtres d'une exceptionnelle générosité. L'image que je reflète dans vos yeux est plus belle que la réalité. C'est un miroir qui gomme toutes les imperfections, les doutes profonds, les vices, un verre tinté aux couleurs de l'amour.  Merci mes parents, merci de m'avoir faite si forte, si vulnérable, si dure et si tendre, si sensible et si sure de moi. Merci.".


Roumanie: En route!


Premier matin, j'ai presque envie de pleurer de joie. pas un bruit. Les poules ont rejoints les oies à la baignade, le vacher puis le berger passent avec les grelots de leur troupeau respectif. Un signe de tête, rien de plus: la paix, le respect mutuel, quel bonheur. Le vol fou des hirondelles qui rejoignent leur nid creusés dans le talus de terre de l'autre coté de la rive. Des ânes retardataires. Un veille homme vient se baigner, longtemps, se savonne, s'asperge, savoure la fraîcheur de l'eau, sans empressement. Le ton est donné, le rythme est lancé. Bienvenu en Europe de l'Est. Je respire, je m'ouvre, craquelle l'armure dans la quelle je m'étais enfermée, jette un oeil à l'extérieur, puis me redresse totalement. Je reprends possession de moi-même, mon corps m'appartient à nouveau, mes membres répondent à mes commandes, mes poumons de gorgent d'air à chaque goulées. Je me sens complète, entière, légère, fière, solide, un grand bonheur m'envahit. Il n'y a que le chant des oiseaux et moi, moi dans le Temps et l'Espace, libre, fluide, vivante ... au rythme de la respiration tranquille de la Nature.


Roumanie: maison campagnarde dans la plaine Sud


A travers champs, je m'évade, tournesols au kilomètre. De loi en loin, les villages, paysans, plein de clochers d'églises qu'on fréquente assidûment. On s'y rend en charrette de bois, le cheval ayant troqué son chargement de foin hebdomadaire contre une famille endimanchée. Les têtes féminines se couvrent d'un châle avant de pénétrer le lieu saint d'où s'échappe des chants adressés à tous les saints orthodoxes tapis derrière leur paravent ouvragé de fines gravures sur bois et des fumées des encensoirs. Les cloches sonnes. Certains hommes ont préféré le café aux prières, ils boivent une bières fraîche au terrasse ombragées de parasols publicitaires en attendant la fin de l'office. Les montures se reposent sous un arbre, les chars portent des plaques minéralogiques. La route est bordée d'un fossé, puis c'est une ligne d'arbres fruitiers dont chaque matin on récolte les fruits. Ensuite ce sont les bancs adossés le long des clôtures de bois des maisons qui n'ont rien à envier à celles que nous avions observées, mes parents et moi, au Musée-Village de Bucharest. Ces bancs sont occupés par les vieux, des femmes tricotent, trillent des fruits, écossent les haricots. Même les plus anciens me saluent au passage, d'un signe de main. Dans leur yeux, aucune crainte. Il a y un court éclaire de surprise mais aucun engouement irrationnel, aucun empressement curieux. Ici, je suis un humain parmi les humains. On m'accorde le droit d'être un Homme, je retrouve ma dignité, ma personnalité. Je prends de bon coeur la place qu'on me fait, merci Roumanie! Les veilles passent le Temps en regardant passer le Monde, un fichu de tissus noué autour de la tête, jupe sombre et tablier, gilet de laine. Édentées, les mains abîmées par des années de labeur, la face vermoulue de rides et creusée par le soleil, la sécheresse du vent, la rigueur de l'hiver. Une beauté rugueuse, profonde, un esthétisme aux antipodes du papier glacés des magasines et qui fascine pourtant. Des poitrines informes, gigantesque et flasques, tombant sur des ventres bombés, tendus. C'est vrais, c'est harmonieux, c'est beau!!!


Roumanie, Didesti: Travail quotidien aux champs


Roumanie, région Naida: Église Orthodoxe


Pas le temps d'arriver que je me heurte déjà à la générosité caractéristique des pays de l'Est. Silvia et son ami m'invitent pour un jus d'oranges, Lilia m'offre une douche, des habits et des victuailles lors d'un repas devant son échoppe à Dobroslovenia. Un vieux fou décide de m'escorter jusqu'à Cezieni  il prétend habiter. Une minute me suffit pour comprendre que cet homme n'est pas fréquentable. Je le congédie et m'en vais, mais il me suit, il insiste. Je demande aux habitants du bourg de m'autoriser à dormir cette nuit à l'abri de leur jardin, on m'oriente vers la police. J'explique la situation à l'agent au moment même  l'individu repasse en sens inverse. Ne me voyant pas sortir du village, il est revenu pour me débusquer. Pas de chance pour lui, l'officier l'interpelle, l'amène au poste et l'enjoint finalement de quitter la ville. Les hommes du café d'en face m'ont pris sous leur aile en attendant, le plus aviné d'entre-eux est prêt à faire la peau au trouble fête. les autres le calme en riant. On appelle Annicka, elle vit ici depuis plus de 10 ans, elle est d'origine hollandaise. Elle m'accueille au sein de sa famille. S'en suivent deux jours à la ferme, saveur de pain maison (elle tiens le fournil du village), de fromage de brebis qu'il faut traire matin et soir, légumes du jardin et bonne humeur familiale. Son maris ne parle malheureusement pas anglais, mais pour me souhaiter la bienvenue, il part au magasin de Craiova, la ville toute proche, pour acheter à mon intention, vin rouge, Emethal, Feta et Bleu d'Auvergne!!! Un festin qui se partage sur la terrasse après avoir pris soin des animaux. La discussion se poursuit tard dans la nuit: être soi, poursuivre ses rêves, les rancoeurs, les coups dures, la guerre et la folie des homme, la paix, l'amour. la vérité, la légèreté de vivre. Les photos du mariage et des naissances s'étalent entre les miettes du repas et celles de ma famille, Une rencontre pure, vrais. Je suis plongée instantanément dans l'authenticité de ce monde agricole, campagnard. 



Roumanie, Cezierni: dans la cuisine de Annika


Tataya, la grand-mère, ouvre toutes ses armoires, elle tient à me montrer sa collection de chemises brodées main, qu'elle confectionne depuis des années. Mélange de fierté et de modestie, le travail est minutieux, superbe. Elle s'installe dans sa chambre et me raconte le communisme. Après le travail à la coopérative et l'entretien du jardin familial, la queue interminable au magasin, il y a le repas frugal composé des vivres alloués par la carte de rationnement, puis les deux heures de télé-propagande et le couvre feu et souvent la pénurie d'électricité. Elle brode à la lueur d'une bougie. Elle n'a eu qu'un seul enfant, un garçon. Tant de ses amies ont eu des problèmes suite à des avortements clandestins. Une bouche de plus à nourrir n'était pas envisageable, et puis pourquoi amener un enfant dans un tel monde? Sa robe de mariée, elle l'a démantelée, il n'y avait personne pour la porter, mais aujourd'hui, il y a Ella, une petite-fille vive, douée, intelligente, charmante qui héritera des broderies qu'elle congestionne aujourd'hui encore. Tataya y tient!!!



Broderies roumaines

Costume traditionnel roumain (région sud)

Il y a aussi Camille, la marraine, elle cultive son potager 3 à 8 heurs par jour. Elle récolte fruits et légumes qu'elle réduit en sirop, en confiture, en conserve pour l'hiver. Sa cave en est pleine à craquer, ainsi que des bouteilles de vin maison, fort apprécié par Tito, son maris fraîchement revenu de 9 années de travail en Italie. Poule et cochons habitent la cours, chez Annicka, on trouve aussi les poney, âne, les moutons, et les fameuses chèvres à fromage! Merci à Annicks et famille, une rencontre qui a donné de l'eau au moulin de la réflexion quand à mes projets futurs. La vie est belle sous le soleil roumain et les dures années de communisme et le dictât du néo-capitalisme n'y change rien. Les Hommes sont ici profondément humain. 

Certain villages sont Gipsies, des camps pauvres sur devanture de maison onéreuses. Quand elles en ont les moyens, les familles donnent dans le luxe apparent. Ici les gitans ne sont pas nomades. Sédentaires, parfois nécessiteux, et toujours très fiers. Des palaces en construction jalonnent le route, murs en briques isolantes, légères comme de la plume, aucun tremblement de terre n'y résisterait, mais c'est peu coûteux, vite montré et au final, ça a belle allure. On récolte de la ferraille, se transporte tirés par des chevaux faméliques, les pouls pouilleuses donnent des oeuf, des chiens galeux et maigres zonent dans les parages... Les silhouettes sont minces, les courbes sont envoûtantes, les femmes portent des jupes longues colorées, les cheveux détachés et tomant sur les reins. Les voix rauques, éraillées appellent le chaland. Les enfants vont presque nus, le dos des hommes est musculeux. Les regards sont embrumés, hagards d'alcool, hébété de bêtise, de labeur, de chaleur, absents, provocateurs. 

Les Gipsies sont mauvaise réputation au sein de la population. Je n'en ai pas rencontré moi-même, ceux que j'ai croisé ne m'ont en effet pas inspiré beaucoup de sympathie. Ils semblerait qu'ils collectent l'argent nécessaire à leur vie "au mieux" en mendiant (ce qui parait être interdit) "au pire" en volant (ce qui l'est tout autant). Les Roumain disent: "ce n'est pas qu'on est racistes, mais on ne peut pas les employer. Un jour ils viennent et le lendemain personne. S'il y a assez d'argent pour aujourd'hui, le tzigan ne travaille pas. L'argent qu'il a, il l'investit dans l'alcool, ou une voiture onéreuse, des maisons à plusieurs étages pour étaler sa richesse, mais vit ensuite dans une cabane pouilleuse dans la cours de leur building. Les Gipsies ne nourrissent ni leur cheveux, ni leur enfants. Ils ne les envoient pas à l'école, comment veux-tu qu'ils s'intègrent ou qu'ils se cultivent? C'est impossible! Et les autorités ne font rien, elles laissent faire!  Il y a en qui habitent ce village, on a pas de problème avec eux. Mais ils vivent en marge et on se méfient toujours un peu des vols". Je ne sais pas quoi penser de tout cela. Je trouve assez séduisant l'idée de refuser d'intégrer un système normatif, qui conditionne le mode de vie, gomme les spécificités culturelles, etc... D'un autre coté, généralement parlant, je doute qu'il n'y ait ne serait-ce qu'une once de réflexion derrière la démarche (?). Les Gipsies que j'ai croisé ont très vite ternis l'image romantique qu'on se fait de cette communauté d'artistes, dansant jusqu'au matin dans une joyeuse folie, ivres de vie... Non, ce que j'ai vu avait l'air plutôt pas drôle, sale, des cris, des regards de défit, des cartons comme abris contre le soleil, une quête perpétuelle de 3 petites pièces de monnaie... Quoi qu'il en soit, les relations entre Roumains et Gipsies n'ont pas l'air tendres et les conditions de vie de ces derniers peu enviables.



Mes nuits sont sereines, perturbées seulement au petit matin par le passage d'un troupeau de moutons poussé par un berger discret. Aux pompes et aux puits des village, je puisse de l'eau, toujours potable. La vie m'apparaît comme un rayon de soleil, toujours brillant, veillant en permanence sur l'humanité. La nature est généreuse, je m'arrête pour cueillir des mures, des prunes, ramasser des pruneaux, des pommes et poires tombées. Mes sacoches déjà pleines des cadeaux reçu au passage: formage de chèvre, légumes, pain maison compacte et nourrissant, sirop, confiture... Les terrasses des bistros de campagne sont si accueillantes que je recommence à y passer du temps. Un luxe oublié, sacrifié, depuis si longtemps! Je savoure une pastèque ou une bière en compagnie des vieux, seuls résidents des zones rurale, les jeunes sont partis à la ville ou à l'étranger, où l'on gagne mieux sa vie qu'ici. Ceci n'est  pas sans poser un certain nombre de problèmes. Le salaire minimal dans le pays tourne autour de 280 Euro mensuel, et si les prix sont bas (semblables à ceux pratiqués Malaisie en ce qui concerne l'achat de denrées alimentaires), cette somme est insuffisante pour se loger, se vêtir, se chauffer, se nourrir... Les revenus complémentaires sont nécessaires: petits boulot, jardinage et pêche, échange de services, débrouille, récupération et attente des envois d'argents via Wester Union. Presque chacun rapporte un frère, un oncle, une cousine une fille ou un ami proche travaillant ailleurs: Europe de l'Ouest, USA, Canada, Nouvelle-Zélande, Australie... Aussi les familles éclatent, se dissolvent, les traditions se perdent, les savoirs-faire s'oublient. Les vieux doivent se débrouiller seuls à la ferme malgré l'âge qui avance. Les jeunes qui restent sont souvent ceux qui n'ont pas les capacités d'étudier et/ou de travailler autre chose que la terre. L'artisanat ne se transmet plus, les techniques ne s'apprennent plus, les histoires du passé ne se content plus. La vie des villages se meurt, cependant pour l'instant, en plus de quelques églises, chaque bourgade compte encore une école primaire, un bureau de poste, une épicerie, un café, un parc publique, une mairie et, ironie du sort, un commerce de prise en charge funéraire, le seul à prospérer. Les citadins rapportent de leur visites à la ferme familiale, des cageots plein de tomates juteuses, poivrons, aubergines, pommes de terre et oeufs. On compte dessus pour finir le mois en ville  les prix du logement peut engouffrer plus de la moitié du revenus. A plusieurs reprises, on me confie :"En Roumanie, on ne meurt pas de faim, mais c'est frustrant de se contenter en permanence du nécessaire, de ne pas pouvoir s'autoriser à rêver à des vacances à l'étranger, à une nouvelle voiture. C'est fatiguant de devoir toujours être attentif à la dépense. Et puis, c'est injuste, on travaille dure et 250 Euro, c'est sous payé!"


Roumanie, Tismana: ouvrières agricole


A Tismana, je souhaite visiter le Monastère. Camping dans une pépinière. Après les travaux d'arrosage les ouvrières au teint bronzé, au corps solide, souple, musclé et sensuel, à la langue bien pendue, apportent de la bière, c'est la fête. Fou rire quand les jets automatiques finalement se mettent en marche envoyant en tout sens des filets d'eau désordonnés sur fond de musique classique émanant de la radio. Cette soirée valait le détour contrairement au Monastère. Les bonnes-soeurs en noir portent un chapeau d'hôtesses de l'air, sous un voile épais qui descend jusque sur leur buste et couvant une soutane. Seul leur visage apparaît, austère, grave, blanc comme du linge. Il y en a de tous les âges qui suivent la messe à genoux ou sur de grand sièges en bois massif. On se signe, on médite, on adore, on se resigne, on écoute une lecture, on chante, une cloche retentit, on adore, on se resigne, on prie en silence, le prêtre passe avec l'encensoir, on se resigne, on allume une bougie, on rechante, on écoute une nouvelle lecture tirée d'un autre livre, on tape sur des bois un rythme fou (un grand moment de trivialité dans tout ce cirque très tatillon sur les protocoles), on se resigne, on médite, entonne un autre chants, une cloche sonne... je me tire! Je crois que j'ai eu ma dose de religion pour un moment, dorénavant j'éviterais les lieux de cultes. ces rituels si obtus, réducteurs, monotones, commencent à me donner de l'urticaire. J'abdique pour l'instant, je ne vois que peu de sens dans les pratiques religieuses ritualisées.




Roumanie, Réserve Naturelle de Domogleti

Montagnes des Carpates: les maisons deviennent plus épaisses, robustes, imposantes. Elles gardent au chaud en hiver. ici, je voudrais saluer bien bas le cartésianisme occidental. C'est certain, un ingénieur chevronné s'est inquiété du trac de la route, a pensé aux questions de pente et à la topographie. Aussi les montées s'effectuent à une allure de croisière et laisse du souffle pour regarder le paysage, qui est à le couper. Champs de paille ras, meules de foin or, superpositions de rangées de monts qui se noient dans la brume matinale. Le soir, campement au col de la Réserve Naturelle de Domogleti au pied d'une haute falaise grise. Un rapace chasse, quelques randonneurs bavardent au passage, un vacher rentrer ses bêtes. Nous sommes extraordinairement bien la Nature et moi, on passe une soirée délicieuse à la lueur du feu, à s'écouter parler et s'admirer en silence.


Roumanie, Réserve Naturelle de Domogleti: campement au col (1050m)


Roumanie, région Herculean: longue descente de gorge campagnarde

Je chante de tout mon coeur sur la descente vers Heculean. La gorge parfois resserre ses parois autour de l'eau, vendeuses paysannes de fromage et de fruits de bois au bord de la route, plus loin les gorges accueille des campeurs du dimanche venus se mettre au vert en famille. Au programme, baignade, pêche et bon repas. A la hauteur de la bourgade, il y a foule. Les sources thermales attirent les touristes, les camping sont archi-bondés. Je préfère passer mon tour. J'atteins le Danube à Orsova. Une large bande d'eau coulant vers l'Ouest, c'est aussi la ligne de démarcation entre la Roumanie et la Serbie. Je remonte le courant durant trois jours, un parcours jalonné de rencontres improbables.



Rounaie, Berzasca: Réserve Naturelle de Portile de Fier le long du Danube




Campement du soir Orsova. Nicoleas, le vacher du monastère du village m'interpelle en français. Il a travaillé en France, en Allemagne, en Italie, Hollande, Belgique, USA... Des les premiers années de Ceaușescu, pffft, il s'est barré! 34 ans qu'il n'a pas remis les pieds en ici et puis il est venu dire au revoir à sa vielle mère. Elle est morte à présent, il aimerait remettre bientôt les voiles. Ce qu'il aime Nicoleas, c'est faire des bêtises et rigoler un bon coup. Alors il me raconte des anecdotes à propos des soeurs pas toujours très catholiques, sur ses veilles copines bergères dans les montagnes, sur les chiens de la ferme d'à coté qu'il amadoue avec la nourriture de ses pic-nics. Je suis pliée en deux, n'allons pas répéter ça à la Mère Supérieur!!! Ce soir, il est penaud, il a perdu une vache, il devrait partir à sa recherche, mais il se mets à pleuvoir. On se serre l'un contre l'autre sous un arbre et on regarde la nuit tomber, comme deux coquins en école buissonnière. Nicoleas est l'une des rare personne qui ne me parle ni de danger, ni de risque, de peur, de méfiance, de mesure à prendre pour s'en prémunir... Dans sa bouche tout est merveilleux, intéressant, à découvrir... "Ohh oui!!! Il faut que tu ailles là, c'est tellement beau, c'est grand, c'est plus beaux et plus grand que plus beau!!!". Ses yeux sintillent! Merci Nicoleas, je suis profondément connectée à toi, nous sommes sur la même longueur d'onde! Un monde à dévoré, une vie à savourer langoureusement, comme une glace au chocolat,,, et si c'est les poires fraîchement cueillies de l'arbre que tu m'a rapporté du pâturage, ça va aussi! Merci Nicoleas!!!

A Dubova, j'aimerais me connecter à internet. Les pensions au bord du fleuve sont des établissements 4 étoiles, je ne peux décemment pas les fréquenter. Une conversation en anglais au bord de la route attire mon intention, peut-être cette maison en forme de bateau est-elle un café local dépourvu d'enseigne. Je me renseigne, non, c'est la maison de vacance d'un centre pour jeunes en dificulté. On m'invite à utiliser le wifi sans restriction et on me propose de rester partager le repas du soir. La chef de cuisine aujourd'hui, c'est Lilia. Elle est originaire du Royaume de Siam, elle est en visite ici. Menu Thailandais en Roumanie, au bord du Danube! A la tombée de la nuit, on embarque pour une vrais expédition fluviale: exploration du rocher gravé du visage de Décébal, le premier Empereur de la région après le retrais de l'Empire Romain. On goutte le froid d'une grotte qui  abritait au 16 ème siècle, plus de 700 soldats roumains défendant la Province contre les envahisseurs Ottomans. Une manoeuvre entre les rochers d'une caverne immergée et on rentre à la maison sous les étoiles d'un fraîche nuit. Ma chambre a une vue imprenable sur la crique, c'est inespéré, inattendu et ma fois fort agréable. Encore une fois, félicitations les jeunes. Vous travaillez très dure pour vous construire une vie paisible, pour faire face, debout, dignement et humblement, aux croche-pieds tendus par la vie. Merci à vous tous pour l'accueil, la bonne humeur et l'esprit optimiste que vous m'avez insufflé.


Roumanie, Dubova: Empreur Decebal


Puis se sera Luka, un cyclo Tchèque qui vient en sens inverse. Il est presse, a traîné dans quelques villages frontaliers, il a le temps pour un verre que je lui offre avec insistance. Ce sera deux, puis trois, puis un repas de fête dans un café-restaurant villageois. C'est la première fois que je m'offre un tel festin en terre Européenne. C'est bon et simple. On utilise que des ingrédients locaux, c'est servis avec générosité, gourmandise et bonhomie. Voila qui change des aliments industriels malaisien et les chiches portions de Thailande. On se raconte anecdotes sur anecdotes, échangeons conseils et bons plans. Une voisine nous propose d'aller nous baigner, on pousse la chance jusqu'à demander de camper. Ce sera oui, on monte le camps et on plonge à la flotte, s'aspergeant goulûment. La fraîcheur fait du bien! La voisine revient pour  nous offrir un plateau de fruits et de la liqueur de banane. Puis c'est Luka qui me surprend en sortant de ses sacs tout un assortiment de Raki (eau de vie locale) qu'il a reçu en chemin. Une soirée de dégustation donc... une soirée qui raisonne des souvenirs de voyage, la Norvege et ses fjords, les courses de chevaux et les yaks des hauts plateau tibétophones, la joie de vivre Serbe et Croate, la faune sauvage de l'Asie du Sud Est.


Roumanie, Svinita: Rencontre avec Luka, cyclo Tchèque


Finalement se sera Saurin, un être qui me touche des le premier regard sur le parking d'un magasin de Moldava Noua, les question habituelles, la tendresse protectrice d'un père en plus. Il m'invite pour le café et un repas dans la cours de sa maison. Il veut être certain que je ne manque de rien, c'est un blagueur. Il raconte à merveille, des mots vrais, simples, sans pudeur. sa femme lui manque, quatre ans de séparation pour l'argent, il va la trouver tous les trois mois pour quelques jours en Italie ou elle est aide soignante. la bas, il se sent chez lui, son coeur s'ouvre, le calme dans la tête: " mon corps se sent bien, je n'ai même plus besoin de fumer" dit-il. Ici, il s'ennuie, presque aucun client à la petite échoppe qu'il tient. Il ne peut parler a personne: "les gens du village ressassent toujours les mêmes histoires, ils sont obtus". Surin a un parcours cathodique, une enfance brisée par l'alcool de son père et la violence de son beau-père, le travail à 9-10 ans pour aider sa mère et survivre. Par son entremise, il a la nationalité serbe, pendant le communisme, ceci lui donnait un droit le passage sur la frontière, une belle opportunité, un petit commerce de produits introuvable: jeans, baskets, chocolats. Ensuite, c'est l'embargo imposé à la Yougoslavie qui a fait son affaire. Avec un bateau, il passait illégalement de l'essence en Serbie. C' était dangereux, il fallait payer l'arme, certains de ses amis se sont fait tuer par balle en jouant a ce jeu la. Puis une escale de 9 mois aux USA avec un salaire de 4000 USD mensuel, de quoi mettre de coté pour assurer les études de ses enfants. La famille c'est sacré, sa priorité, son bonheur... décidément sa femme lui manque. Alors pour compenser, il aide, il aide et fait le bien autour de lui. Il dit qu'ainsi il sent la reconnaissance et la joie des gens, ça lui procure du bonheur: "tout tourne, tu reçois ce que tu donnes". Surin, profondément émouvant: simplement être une bonne personne.


Roumanie<Socol: Campement dans les champs de mails



Ce matin, je passerais la frontière, à la hauteur de Naidas, j'ai toutefois le temps de boire un café qu'un homme assis au soleil sur le banc devant sa maison, m'offre, La Roumanie aura été comme ce café, chaude et sucrée, pleine d'arômes. Et comme cette offrande, elle aura été généreuse, spontanée, pleine, entière et vraie, pure, belle, tranquille. C'est en chantant que je parcours les dernières kilomètres entre les champs de blé fauchés et la rivière qui s'écoule lentement, les vallonnement jaunes plantés ça et la d'arbres verts profonds, le bleu du ciel sans nuage. Accompagnée par le sifflement joyeux des oiseaux et les éternuements des troupeaux de moutons guidés pas un berger qui rappelle son chien qui aboit, les clochettes des chèvres qui grimpent aux arbustes pour les dévorer.. Merci Roumanie, j'ai été heureuse de te rencontrer, c'est presque certain, on se reverra. Il y a encore tant de recoins à découvrir et tant de lieux connus ou revenir se rappeler de beaux souvenir!


Roumanie, Moldova Noua: vieux berger

mardi 11 août 2015

Malaisie; Miri - Kuching (Sarawak / Borneo)



Article publié par Léo:

"Prends la veille route, l'autre itinéraire est dangereux. Il n'y a que peu de véhicules qui la parcours et puis les ouvriers indonésiens et  srilankais qui travaillent dans les plantations, on ne les connais pas. Il faut t'en méfier, ils ont déjà volé des voyageurs pendants la nuit. Même nous, on ne roule pas en voiture la nuit là bas. Ils font semblant d'être blessés sur le bord de la route et si tu t'arrêtes, ils t'attaquent...", chaque fois que je parle de ma destination, on me répète le même conseil. La Nouvelle route est une ligne droite au bord de la mer, alors que l'ancienne sillonne les collines plus à l'intérieur du pays. C'est aussi un axe principal, plein de circulation mais pourtant assez étroit, une combinaison plutôt dangereuse à mon goût aussi! J'opte donc pour le danger maximum car moins de voiture constitue pour moi un avantage en réalité, De plus, je n'ai que trop de fois pu vérifié au cours du périple, que la peur de l'étranger, de l'inconnue, est la plupart du temps totalement infondée et injustifiée: Nouvelle Route donc!

Voir la mer me procure beaucoup de joie. Pourquoi? Je me sais pas, rouler au fil de l'eau est agréable. Il y a un peu d'air et la chaleur est moins assommante qu'ailleurs. Je quitte donc la banlieue "chic" de Miri et ses pavillons résidentiels et m'enfonce peu à peu au creux de la jungle. C'est là que, pour la première fois, je verrais des Chats marbrés (Pardofelis marmorata), ainsi nommés car leur robe tachetée rappelle l'aspect du marbre. Malgré son aspect (taille, forme...) similaire au chat domestique, c'est un félin solitaire peu connu, car l'espèce est discrète et évolue dans un environnement d'accès ardu. Ceux que j'observerais ont été malheureusement victimes d'accidents de la route et gisant sur le bas-coté. En plus de la déforestation, le trafic semble être aussi un facteur qui a mené à classifier cette espèce comme "vulnérable" par l'Union internationale pour la conservation de la nature. 




Malaisie, Bornéo, Sarawak: Les activités humaines sont la principale menasse pour le chat marbré 




Après quelques bosselures qui offrent de beaux points de vue sur l'étendue d'eau, j'atteins les grottes de Niah sans m'y arrêter car je pense que le temps pour une visite me manque. Je dois dire aussi que me retrouver seule (les visites ne sont pas guidées et la grotte n'est pas équipée d'éclairage) dans l'une des plus grandes cavités du monde ne m'enchante pas plus que ça. Elles contiendraient les plus anciens restes humains d’Asie du Sud, datant de 40.000 ans!
Ensuite le paysage change radicalement et je pénètre dans une étendue à l'infini de plantations de palmiers à huile. Sur la route, seuls quelques camions chargés de fruits et de citernes d'huile, ainsi qu'un grand nombre de mobylettes conduites par les travailleurs des champs transportant leur machette, ainsi que des tiges de lourd métal (comme des pieds de biches) servant à piquer les grappes de fruits pour les charger dans les véhicules. ll n'est pas rare que les récoltent soient transportées jusqu'au bord de la route à dos d'homme, un travail arasant. Le soir je camperais sous l'abri de bois d'un stall de bord de route, ayant tout d'abord indiqué ma présence aux riverains de l'exploitation voisine. Je me demande s'il s'agit d'un jour particulier ou si le bal permanent des voitures et autres mobylettes s'engageant sur le sentier qui mène à la propriété est le quotidien nocturne de cette maison. Combien de personne logent-elles ici? Au matin, l'une des femmes responsable de l'exploitation arrête son 4x4 chargé de ses ouvriers près du campement et prend de mes nouvelles. C'est la seule interaction qui aura perturbé ma solitude. Pour ce qui est du danger permanent planant sur la région... on repassera!



Malaisie, Bornéo, Sarawak: lever du soleil sur la route déserte


Après quelques kilomètres, j'atteins le parc industriel de Bintulu. Il est en plein développement et les abords de la route ne sont qu'un immense chantier. Partout des pelleteuses, des bulldozers, des niveleuses, des ouvriers s'afférant de toute part. J'ai l'impression de me retrouver dans la version moderne d'Angkor, du Machu Picchu ou des Pyramide de Khéops! Un roi fou, décide d'établir des cités démesurées sur un bout de terre inhospitalier et usent de toutes ses ressources pour y parvenir, au delà du bon sens, de l'adversité et des conditions climatiques. Par ordre du capitalisme, la jungle s'industrialise. Il faut dire qu'ici gisent des réserves de pétrole qui intéressent grandement les investisseurs. Déjà quelques flammes brûlent au sommet des cheminées des raffineries. Le soir même, alors que j'admire une magnifique coucher de soleil sur les plages du parc national de Similajau, j'aurais la surprises de les voir briller dans l'obscurité qui s'intensifie, tout au bout de la langue de sable. Bintulu est entourée d'industries, la ville portuaire est en plein expansion, le soir des embouteillages de camions et véhicules en tous genres se forment sur les voies d'accès...



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu


Quelques nuits passées au parc de Similajau me permettent un bon ressourcement. Il me le fallait car j'ai un peu les nerfs à vif suite à l'accumulation des récentes expériences négatives, incompréhensions et autres frustrations relationnelles. Là toute de suite, j'en suis un peu au même point que Nicole Kidman dans la scène finale de Dogville: https://www.youtube.com/watch?v=04bf_tQz3xI. Un film fort intéressant, qu'il y a plus de 15 ans, m'avait fait découvrir mon meilleur ami: qu'est ce que la bonté, la loyauté, l'égoïsme, la dépendance, l'amour, la folie, la solidarité, la peur, l'abus, l'appartenance, la vengeance?



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu, fais chaud!


Ici, c'est calme, très bon marché et plutôt joli, ce qui est surprenant quand on sait que la réserve est entourée d'industries. Malgré tout, les tortues marines se font actuellement rares, à cause de l'important trafic maritime, de la pollution et des filets de pêche plantés au large et dans lesquels elles s'emmêlent. Je n'aurais pas plus la chance d'observer les crocodiles qui sont supposés vivre dans la rivière qui se jette ici dans la mer Sud de Chine. Le ressac des vagues me berce alors que je m'endors. Au matin des promenades à travers la foret humide guident vers les plages de sables blanc très fin, ou plus grossier et jaune (Golden Beach). Le taux d'humidité doit battre des records et après moins de 500 mètres de sentier de jungle, je dégouline déjà de façon improbable. Je m'observerais ici que peu d'animaux. J'entends toutefois les singes jouer dans les branches, rencontre des papillons plus gros que la paume d'une main. Des plate-formes de roches, prolongent les plages, c'est le terrain de jeu des Bernards l'ermite, je saute à pied joint dans leur partie de cache-cache. Batu Anchau est une trouée nue, rectiligne au milieu de la végétation folle. Une dalle de pierre brut sur laquelle coule un ruisseau, une curiosité géologique plutôt intriguante!



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu, terrier de crabe



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu, salut Bernard!


L'après-midi, je me réfugie sous le ventilateur, met à profit mon temps pour réfléchir aux manières les plus appropriées de vivre ce qui me reste de temps à passer en Malaise de la façon la plus serein possible: " Si quelqu'un s'interpose brutalement sur notre chemin, nous le repoussons, tout simplement, parce que son intrusion était frivole... Marcher sur le sentier ne  signifie pas nécessairement seulement essayer d'être bon et de n'offenser personne... si l'on ne détruit pas lorsque c'est nécessaire, on brise le voeu de compassion qui nous engage à détruire réellement la frivolité" (Chogyam Trungpa : Le mythe de la liberté et la voie de la méditation / Merci Kevin). Que ces paroles me font du bien, je me sens à présent le droit de ne pas être uniquement gentille. Si certaines limites sont franchies, la violence devient une option. Au cours des semaines à venir, j'expérimenterai que combattre sa propre frivolité est la partie la plus difficile. L'ego est comme un toxicomane, toujours à la recherche du plaisir immédiat, un puits sans fond demandant à être rempli en permanence. Il faut faire preuve de beaucoup d'amour envers soi-même pour être capable de repousser et détruire les envies compulsives qu'il génère sans cesse! Faire preuve de clémence envers autrui pour correspondre à l'image idéale qu'on a de soi et qu'on aimerait donner, voilà bien une manipulation égoïste... mais quoi, c'est à travers l'ego que la majorité d'entre nous avons toujours appris à exister! C'est sur une tromperie qu'on fonde notre propre valeur! Nous sommes tous en quête d'Amour, avec un grand A, d'Amour grandiose, généreux, inconditionnel... et pourtant la plupart d'entre nous sommes bien incapables de se l'offrir à nous-mêmes! Ce n'est pas le genre de choses que l'on apprend sur les bancs de nos écoles (même dans les écoles supérieures en éducation/travail social!). Peut être un jour, l'une des branches au programme sera intitulée "savoir être et amour de soi", mais pour l'instant, c'est à tâtons que je poursuis ma route.



Replis v.s. curiosité




Plus de nouvelle route, jusqu'à Tatau, il n'y a que l'ancienne. Elle suit la cambrure des collines au travers de la foret. C'est un paysage encore une fois, indescriptible: des dizaines et des dizaines de textures, des dizaines et des dizaines de tons de vert, un fouillis anarchique de lianes, de fougères, d'arbres, de buissons, de plantes, d'herbes... Au cours des dernières semaines, mentalement, j'ai fais et défais mes bagages une bonne centaine de fois, cherché des solutions pour pouvoir les peser, inventé des stratégies pour dénicher un carton au volume de mon cycle, j'ai inventorié les caractéristiques de la Guest House où il faudra que je réside à Kuching, car un espace pour faire de la mécanique m'est nécessaire, j'ai réfléchi à comment changer de l'argent en des devises correspondant aux escales (nombreuses), je me suis demandées s'il y aura du wifi, j'ai décide, puis oublié, puis rectifié la liste de ce qu'il fallait que j'emporte dans l'avion, j'ai planifié quelle nourriture acheter pour le voyage, j'ai imaginer les retrouvailles avec mes parents à l'aéroport Internaţional Henri Coandă Bucureşti, Roumanie, j'ai choisi quels cadeaux leur apporter à cette occasion, j'ai même été jusqu'à envisager quelle tenue je devrais porter et si, oui ou non, je devrais me maquiller (vous pouvez rire, c'est risible!). Bon, en bref, j'ai badé autour du thème "vol vers l'Europe"... et ça consomme beaucoup, beaucoup d'énergie, beaucoup, beaucoup de temps. Mon corps est là, sur les routes malaisiennes, mon esprit est loin déjà dans les nuages, à 4000 pieds au dessus du sol, parcourant en quelques dizaines d'heures, un chemin de 2 ans et demi à la force des mollets. Des grandes claques d'émotions qui me perturbent passablement et dont les symptômes les plus flagrants sont une fatigue extrême et une fâcheuse lassitude. Le compte à rebours a bel et bien commencé, le temps est devenu un facteur central de l'équation. Le glas de l'Asie va sonner sous peu et je n'ai plus envie de découverte. Ce qui a du être expérimenté l'a été, et il ne reste pas assez de temps pour réellement vivre de profondes nouvelles aventures. Dans l'absolu, je n'en suis pas mécontente d'être dans cet état d'esprit. C'est plutôt une bonne chose car cela me permettra de quitter ce continent sereinement, sans regrets. Pourtant, dans le quotidien, cela peut devenir problématique car la motivation n'y est plus vraiment. En période de deuil, l'activité intérieure prend le pas sur l'extérieur. 

C'est ainsi que j'échoue à Tatau en début d'après-midi, avec zéro envie de poursuivre plus loin. Je m'achète des graines et des fruits à grignoter et m'assois à l'ombre des stands du marché attendant je ne sais quoi... que le jour passe. C'est alors que Sam et Fred croisent ma route. Deux citoyens de Macao qui traversent eux aussi la Malaisie à vélo. Leur cycle ont l'allure de jeux d'enfants, des roues de 12 pouces et un cadre pliable. C'est la première fois depuis la Thailande (5 mois) que je rencontre des "cyclos". Pour fêter ça, ce soir, on s'offrira un apèro!



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Cette veille route ne m'inspire vraiment pas. D'après mes sources, un chemin de travers permettrait de rejoindre Belingian, puis Mukah au bord de la mer, en traversant une quelconque concession de plantation. Des travailleurs des champs, m'indiquent le passage, une route caillouteuses avec des pentes bien raides sous un soleil de plomb. Je m'encourage en me disant qu'ensuite, c'est le bord de mer, le plat sidéral, et ça ne manque pas. Les routes dorénavant seront longues et droites, aplaties au niveau. Il fait chaud, rien de nouveau, bon, mais le taux d'humidité est tout à fait improbable. En milieu d'après-midi, je me rue dans la première échoppe que je croise et dévalise le frigo à boissons fraîches. Faisant fi de tout principe écologique, je reste de longue minutes la tête enfouie dedans, faisant semblant de chercher un soda, puis achète plusieurs canette en alu sans même trop de remords. On m'offre des glaçons (une offense de plus à Pacha Mama: énergie grise énorme!), ce qui est le plus beau cadeaux qu'il est possible de faire dans ces conditions et je fais durer le plaisir en restant affalée sur une chaise en plastique à l'ombre de la boutique, suçant cette eau solide à m'en saouler. L'une des fille de la maisonnée arrive. Lolita a mon âge et c'est une personne qui rayonne d'Amour et de bonté. Sans hésiter elle m'invite à passer la nuit chez elle. A son contact, je me sens régénérée, profondément calme et heureuse. Toute lassitude et ennuis m'abandonne! Le sourire de Lolita irradie tout le village qui vit en communauté serrée dans des "long house". On embarque les enfants et allons nous promener à la plage, c'est venté et frais, c'est léger et l'espace est large, ouvert, on se sent libre! Ce n'est peut être pas un hasard si une fois l'an, on fête ici les esprits en leur apportant des offrandes à l'occasion du nouvel an Melanau (une ethnie locale).  



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Promenade à la plage, alentours de Belingian



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Village sur la mer, alentours de Mukah



En arrivant à Mukah, je me dirige droit vers l'hôtel de ville. Norwahia et moi avons rendez-vous. J'ai rencontré cette femme hier, lors de la pause pic-nic. Elle m'a convié à visiter les bureaux dans lesquels elle travaille. C'est une expérience très intéressante. Comme je l'ai déjà mentionné, les malaisiens travaillent beaucoup et leur salaires reste relativement bas. Une situation générant pas mal de stress et qui délaie un peu la joie de vivre. Cependant ici, j'ai l'occasion d'observer une autre facette de ce qu'est le travail dans ce pays. Les locaux sont super-modernes (ascenseurs en inox, couloirs décorés de marbres, éclairage agréable, persiennes orientalisantes...), parfaitement entretenus, propres (des femmes de ménages arpentent sans cesse tout le bâtiment). Dans les bureau, il règne un atmosphère calme, tout est rangé et organisé méthodiquement, le mobilier est pratique, l'espace agencé de façon rationnelle, partout des ordinateurs ronronnent... Et je ne suis pas au bout de mes surprises... Personne ne semble réellement travailler. C'est à dire qu'ils travaillent tous, mais de façon et à un rythme si différents de ceux qu'on pourraient observer dans un organisme officiel en Europe que ça en est déroutant (surtout parce que ça ne colle pas avec le cadre). On fait le tous des locaux, saluant tout le monde au passage, je serre des mains. Une étrangère (je ne parle  même pas de nationalité, je veux dire: une visiteuse quelconque) pénètre le bâtiment sans donner aucune explication, sans même devoir prouver son identité, elle est introduites sans aucune méfiance dans les espaces de travail, on me laisse sans surveillance près des dossiers ne craignant pas l'indiscrétion... En Europe, essayez de vous présenter à l'office des impôts, et de demander un visite guidée à l'improviste!! Tout le monde a le temps de bavarder, chacun semble se balader ou discuter gaiement avec ses collègues, pianoter ou converser sur son téléphone portable... des enfants font la sieste ou leurs devoirs sous le bureau de leur mère... Norwahia décide que ma présence est une excuse suffisante pour s'éclipser. Elle en informe son chef et m'invite à aller visiter un petit musée qui se situe dans une maison traditionnelle Melanau dans un petit Kompong (village) accolé à la ville. Bien, c'est déroutant! 



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Guest House de Lada Datu, maison traditionnelle de l'ethnie Melanau


Malaisie, Bornéo, Sarawak: Village Melanau, Mukah



La tenancière du musée est aussi la cousine de Norwahia. A l'étage de la maison, quelques chambres. Ma nouvelle amie négociera l'une d'elles pour me loger. Je passe deux jours très intéressants à Lamin Dana. C'est un village flottant que l'association des habitants entend préserver afin de faire vivre la culture Melanau. La danse, le champs, la musique traditionnels sont enseignés aux plus jeunes. L'artisanat et la cuisine locale mises en valeur. On y pratique toujours la péche et la  cueillette des produits de la jungle, la culture de jardin plus ou moins flottants. On s' y déplace en barque, certaines ne mesurant pas plus que la largeur d'un bassin (hanches). Je me promène sur les pontons de bois entre les maisonnettes, admire les  Kelidiengs, piliers mortuaires dans lesquels on conservaient autrefois les ossement des maîtres en y sacrifiant aussi des esclaves afin qu'ils puissent servir ce dernier dans l'au-delà. Aujourd'hui, c'est plus sympathique, on ne fait goûter des produits régionaux et m'invite à participer à la confection du sagou, nourriture traditionnelle qui accompagne usuellement le poisson quotidien. Ce n'est pas une mince affaire, ils faut du muscle, de la patience et de l'endurance. D'abord, il faut récolter le bois pour le feu, puis il faut faire de la farine à partir du végétal qu'on a été cueillir je ne sais où dans la foret. On mélange ensuite cette farine avec des gousses de grain de riz broyées, de la noix de coco et un peu d'eau. Cette pâte est ensuite malaxée sur des nattes en palme tressées, puis passée au tamis afin de former des boulettes. Ce sont des opérations délicates qui demandent du savoir faire. Pour ma part, je suis incapable d'imprimer le geste de tamisage, c'est une catastrophe. Heureusement, les veilles femmes qui y ont déjà passé la nuit, ne m'en tiennent pas rigueur et ne se lassent pas de me monter comment procéder. On laisse sécher les boulettes à l'air libre quelques instants, puis on les passent au four. C'est un grand plateau en terre glaise (récoltée à la plage, j'en sais quelque chose, j'ai pataugé dedans hier!) sous lequel brûle les bois récoltés aux alentours. On retourne les boulette à l'aide d'une balayette de palme. Toute l'opération prends des heures, c'est harassant. Je plaisante et disant que chez moi, des femmes paient des abonnements au fitness pour effectuer les même gestes (tamisage) et ainsi garder la forme... les veilles rétorquent avec beaucoup d'humour que elles, en plus du fitness, elles ont aussi le sauna incorporé. C'est vrais qu'avec le feu et le taux d'humidité ambiants, c'est plutôt le bain turque là dedans! C'est agréable de passer quelques jours auprès de personnes fières de leur culture, ayant envie de la faire connaître. des gens qui ne se ruent pas sur la modernité et qui ont choisi d'utiliser leurs traditions pour en faire leur gagne pain.



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Lamin Dana, Confféction de Sagu 



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Kelidieng, pieu mortuaire de l'ethnie Melanau




Malaisie, Bornéo, Sarawak: Village Melanau, Mukah



Direction Daro, étape finale du périple asiatique, c'est un petit bourg à l'embouchure de la rivière Muara Lassa. J'ouvre les yeux le plus possible, tachant de m'imprégner des paysages de jungle, de me remplir de vert, de saluer l'Asie à chaque tours de pédale. Par chance, j'ai l'occasion de dire au revoir aux singes et aux calaos, aux martins pécheurs, hérons blancs et hirondelles dont ces contrées semblent être le royaume, aux varans, aux serpents, aux balbuzards pêcheurs (rapaces). L'eau devient omniprésente, partout des hommes affublés de typiques chapeaux de paille coniques, pêchent dans les étangs, les ruisseaux. Les villages sont sur pilotis au dessus de marre stagnantes. A la hauteur de Igan, il me faut passer un premier ferry pour traverser une très large rivière aux eaux couleur caramel. Il est trop tard quand j'atteins Daro, le dernier speed boat du jour s'en est déjà allé. C'est l'occasion de passer une soirée dans le bled et de goûter à tous les nourritures spécifiques offertes au marché du Ramadan. Ces marchés se tiennent chaque soir dans toutes les villes et villages, un peu avant l'heure de la rupture du jeune (18h43 ce jour là), et on peut y acheter quantité de beignes et autres cakes dégoulinant de graisse et de sucre. Malheureusement, malgré mon entrain initial, je ne passerai pas un moment très agréable. Tout le monde ici semble être sous drogue, ils sont tous euphoriques, survoltés... Et bien entendu, aborder une occidentale devient vite le must de la soirée, le jeu auquel chacun tient  à participer. Vite, un hôtel chinois, clim' et chaîne de télé en anglais pour oublier la lourdeur du dehors.  



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Speed Boat entre Daro et Sibu



5h00 du matin, il fait encore nuit quand je me dirige vers le ponton des speed boats. Hier chacun voulait me saluer, mais ce matin, quand il s'agit que me renseigner et de m'aider à charger tous mes bagages... y'a plus personne. GRRR! Peu importe, me voilà installée la tête en dehors du bateau pour observer une dernière fois la nature verte qui semble se déverser depuis les berges jusque dans les eaux de la rivière que nous remontons direction Sibu. Nous nous arrêtons à tous les villages côtiers qui sont reliés au monde par voie navigable uniquement. Les pécheurs chargent de grosses glacières pleines de poissons qu'ils espèrent vendre au marché de la grande ville. L'embarcation est plutôt très moderne, elle est équipée de wc (sommaires, mais wc quand même!), d'écrans de télé diffusant des clips vidéos de chansons  à la mode, et d'une climatisation réglée au maximum (il doit faire 15 degrés à l'intérieur). En milieu de matinée, nous atteignons déjà notre destination. 3 heures d'attente avant d'embarquer sur un autre speed bord plus volumineux pour Kuching. Je patiente dans un café donnant sur une rue peu passante, avec l'espoir de me faire discrète. Les tournant de la veille, l'accumulation de fatigue et l'organisation du voyage en bateau ne me rendent pas particulièrement joviale. Alors quand des passent inspectent mon vélo en le secouant dans trous les sens, je me fâche, les engueule passablement. Et quand pour la dixième fois, un client me demande "where are you from?", j'explose. Je me lève, et crie: "Please, everybody listen to me. I am from Switzerlkand. Now everybody know, ok? From Switzerland! I tell you now so you don't ask me again!". Incroyable mais vrais, ma prestation, loin de m'attirer de la réticence, me donne encore plus la cotte. Des clients s'empressent de payer mes consommations et l'une d'entre eux, va même jusqu'à me donner de l'argent! De bon coeur, "pour que tu visites Bornéo! Tu sais ici, à Sarawak, ont est des bonnes personnes (sous entendu: pas comme sur la péninsule)" !!!???!!! Je n'y comprends rien, comment faire si même manquer ostensiblement de sympathie, m'attire des amitiés??!!



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Marché de Sibu



Et c'est reparti pour 5 heure de bateau. Tant que l'on navigue sur les canaux, ça va. Mais une fois en "haute mer", c'est moins drôle. Le bien nomme "mal de mer" me prend. Moi qui étais tellement excitée à l'idée de prendre le bateau avec mon vélo, je me dis que finalement je suis contente de ne pas avoir tenté l'expérience plus souvent. Heureusement, grâce à la fatigue accumulée, je passe le plus claire de la traversée à dormir affalée sur les banquettes extrêmement confortables dans une atmosphère climatisée, un régal! 



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Pagode et Temple de  Tua Pek Kong, Sibu


Débarquement à Kuching. Je ne suis pas au bout de mes peines! Contrairement à  ce que je croyais, le débarcadère se situe en dehors de la ville et il me fait pédaler une dizaine de kilomètres avant de charger une fois de plus, vélo et bagages, sur une barque minuscule pour traverser la rivière Sarawak. Après plus de 12heures de voyage, groggie par la chaleur et ma sieste, me retrouver sur une coquille de noix peinturlurée de rouge et blanc et poussée à la rame par un vieux monsieur à chapeau de paille, c'est assez comique... Un peu surréaliste même, quand on regarde de l'autre coté des eaux et qu'on aperçoit des hauts buildings modernes, abritant des établissements comme le Hilton par exemple. C'est comme débarquer à Manathan sur un rafiot préhistorique!



Malaisie, Bornéo, Sarawak Kuching


Kuching signifie "chat"en Malais, pourtant je n'aurait pas l'occasion d'en croiser beaucoup au cours de mon séjour ici. Ceux-ci ont une queue très courte, comme si elle avait été tranchée. C'est le cas de tous les chats que j'ai rencontré en Malaisie. Personne ne leur inflige de service pourtant, ils naissent ainsi, avec une queue racornie. La cité, a été nommée ainsi à l'époque coloniale par Charles Brook qui fut l'un des raja blanc de la région. Le centre est un mélange d'architecture coloniale (reliques de la période britannique), de Temples Toaistes (quartier chinois), de bazars qui sentent l'orient (quartier musulman). Mais je dois avouer que je me mettrais pas à profit le temps passé dans cette ville, ni pour faire du tourisme, ni pour m'imprégner de la culture locale. Ma priorité, ce sont mes bagages et surtout, surtout, beaucoup de farniente (je devrais dire glande!). Pas dans un sens relaxant ceci dit. Non c'est service minimal, ce qui me permet de garder un semblant de contenance face à toute les émotions qui s'enchaînent et s'emploient à me tracasser en permanence. Il n'y en a pas que des négatives, c'est juste qu'elles sont plutôt intenses, y faire face seule est un challenge énorme (merci à mes parents et à François pour les coups de pouces, sans oublier les grandes chaînes de fast food et les industriels de la mal-bouffe sous plastique, faisons preuve d'humour!). J'y parviens, mais à un pris plutôt élevé et pas vraiment de façon que je considérais comme adéquate... Chaque instant est un espace d'apprentissage!




Malaisie, Bornào, Sarawak: Monument Charles Brooke, Kuching



Malaisie, Bornào, Sarawak: Temple de Persatuan Hainan, Kuching 


8 juillet 2015, je me réveille plutôt contente, pleine d'énergie. Hier, en milieu d'après-midi, sans que je ne comprenne comment cela c'est produit, un déclic. Comme si d'un seul coup, une chape de plomb avait cesser d'opprimer mes épaules, de serrer mes entrailles. Mon esprit, s'éclaircit, d'une seconde à l'autre, ma vision n'est plus trouble. Je vois, je vois tout et tout me parait beau, joyeux. Je sors, je regarde le carrefour devant la Guest House  je séjourne depuis 5 jours. Et le vois pour la première fois. Je vais même jusqu'à interpeller de ma propre initiative les passants, les saluent le sourire aux lèvres. Bonjour, bonjour, je m'en vais, je pars pour l'Europe.

Midi, le tenancier de l'établissement m'aide à embarquer mes bagages empaquetés dans sa jeep et nous partons en direction de l'aéroport de Kuching. Mes yeux accrochent les palmiers, bientôt ce seront les boulots, les hêtres, les chênes et les mélèzes.

Attendre, va être mon activité principale, par les deux prochains jours. Je transite par Kuala Lumpur, Bangkok, Mascou, avant d'atteindre Bucharest. Pour l'instant, je me sens clame. Le check-in ne pose aucune difficulté, l'hôtesse me confirme que les bagages suivront automatiquement jusqu'en Thailande. Voilà qui simplifie les choses! Un mauvais bouquin en attendant l'embarquement, un fou rire quand les stewards présentent les mesures de sécurité à respecter en cas d'amerrissage. Avant de s'élancer calmement sur les toboggans, il faut tirer sur les ficelles latérales du gilet de sauvetage, puis insuffler dans une petite paille afin de compléter son gonflage. Au même instant, un asiatique s'époumone dans son oreiller-appuie tête. Personne n'écoute, avidement chacun envoie un dernier poste par l'intermédiaire de son téléphone portable: " les appareils électriques doivent être éteints des la fermeture des portes de l'appareil". Si on devait amerrir, peut-être le monde entier serait-il au courant sur la toile avant qu'on touche la flotte, et ce serait peut-être même pour cette raison qu'on devrait amerrir... on décolle. Des palmiers, la mer, moins d'une heure plus tard, la mer, des palmiers, on atterrit. Transite à Kuala Lumpur, une clope, un passeport tamponné, un café, un paquet de chips de tapiocca, en 6 heures , c'est faisable.

Bangkok, l'un des plus grand aéroport au monde. Je charge les bagages sur un chariot et chercher un bureau information afin de me diriger vers le prochain point d'enregistrement. Il est onze heure. Pour Moscou, ce n'est pas là, il faut prendre une navette pour un autre aéroport, celui qui est l'un des plus grand au monde... Une heure et demi d'autoroute suspendue au dessus de toute la cité, entre néons lumineux et obscurité. On n'en voit jamais le bout, une ville dans fin, on dirait qu'elle a pris possession de la nature autour, ne lui laissant aucune place. "Sabatikkaha", les mains jointes, une révérence.  Flash back: Les temples dores et leurs toitures folles qui dépassent des bouquets de buildings tachetés de l'éclairage aléatoire des fenêtres, les bonzes oranges partout, crane rasé. Le temps de trouver l'embarquement, de me restaurer et de repérer un banc, il est 3h30 du matin quand enfin je m'accorde un peu de sommeil. Le terminal est calme et silencieux, bien dormi. Je change mes dernières Baths en Euro, pas de Roubles disponibles, et attends l'avion affrété par Aeroflot en compagnies de familles russes assez sélects. Léger pincement au coeur tout de même quand on quitte le tarmac. Salut l'Asie, cette fois ça y est. Je quitte tes contrées sans regrets, mais on ne laisse jamais tout à fait indiffèrent un terre qui vous a accueilli si longtemps. Les Dardanelles c'était il y a 2 ans et 7 mois! Un vol 4 étoiles après l'exiguïté des avions d'Air Asia. La thaïlandaise assise à mes cotés refuse d'ingurgiter de la nourriture indienne, j'ai donc droit à deux repas ce midi. L'estomac calé, je m'endors, pour ne reprendre conscience qu'alors que nous survolons l'Afganistan. On est à plus de 8000 m d'altitude et on frôle des sommets enneigés. Les Pamirs! Je me contorsionne le coup pour agripper les paysages, mystiques, géants, rudes, enchanteurs, qui depuis longtemps nourrissent mes rêves les plus fous, peuplent mes songes, excitent ma curiosité. Émerveillée, je déguste, je sais que peut-être ne reverrais-je plus jamais ce décors surnaturel, aride, puissant. Et puis, plus optimiste, je me dis pourquoi pas. Dans les années 60, le Pakistan était une destination à la mode pour les baroudeurs... un jour prochain, j'ai envoie d'y croire, la Paix planera sur ces terres, ses habitants auront l'esprit plus libre et disponible à l'accueil de l'étranger de passage qui se présentera enfin dépouillé d'arme... un jour prochain, c'est mon souhait.

Moscou, contraste. Mon sourire surprend, il laisse quoi, il attire même quelques réticences, on le suspecte. Les Russes sont d'une beauté envoûtante. Fines, élégantes, aux manières soignées. Leurs lèvres pulpeuses, que je soupçonne retravaillées, donnent à leur visage tout blanc, une moue sensuelle. Les yeux sont clairs, maquillés en couleur. Pour dire vrais, c'est la méticulosité et la rigueur qui me surprends d'abord. Ici, il n'y a pas d'aléatoire. On remplit sa fonction, effectue sa tache en silence, avec minutie, attention, fierté et automatisme. Et puis, il y a la rudesse, stricte, dure. L'agent de change est très fâchée et me hurle "Ruskie", quand je lui demande si elle parle anglais (ou français ou allemand ou espagnole, même itatien aurait fait l'affaire). Non, russe! Je ne le parle pas, achète une bière dans un duty free (pas besoin de commander, ça limite le potentiel conflictuel), m'assois sur un banc et observe. Beaucoup de voyageurs seuls, des Occidentaux, les Asiatiques en groupe compactes ont l'air perdus, ils déambulent le nez en l'air, tournent inopinément une fois à gauche, une fois à droite dans les allées et se font bousculer par "un homme presse", smoking, tirant son attache-caisse à roulette. Je me dis qu'ils doivent être terrorisés, choqués, sur quelle planète ont-ils atterris? Ça m'amuse. Dans un coin du terminal, j'installe mon sac de couchage et passe la nuit. je suis toujours calme, je dors bien.

Vers 4h00 du matin, l'anxiété commence à grignoter mes neurones. Le vol connectant Moscou à Bucharest est prévu pour 11h00, ça approche. J'arpente le terminal juste pour faire quelque chose, me lave aux WC, me change. Mes parents me réceptionnent en Roumanie et je n'aimerais pas sentir le bouc mal fagotée. 10h30, les haut-parleurs annoncent un retard de 2h00 sur ma connexion, une gentille hôtesse distribue des tickets de boissons gratuites pour patienter. Je n'ai presque rien mangé hier soir, vais dîner, ça passe le temps. J'ai fini le mauvais livre, il n'y a que le spectacle d'un grand-père s'occupant à merveille de sa petite-fille pour me distraire: on lit une histoire, on chante une chanson, on regarde les avions décoller, on ajuste son chapeau de paille, on explique longtemps quelques chose. Ça m'émeut, je pense à GP. Ma famille est juste à l'autre bout de ce satané vol. Mais que fait le pilote? 14 heures, ça y est, on décolle, j'arrive! On descend, premiers images de l'Europe: des champs quadrillent la terre. Le mot ORDONNÉ s'impose à moi. Même les routes semblent toutes mener quelque part, je peux repérer leur but, tirant des stries d'un village à l'autre. Tout est CLAIRE, LOGIQUE, je souris, les roues touchent le sol, mon coeur bat fort, dans quelques minutes, je reverrai mes parents que j'ai quitte pour la dernière fois il y a plus de 18 mois, dans un aéroport aussi, au pied de l'Himalaya. Je suis là!