mardi 11 août 2015

Malaisie; Miri - Kuching (Sarawak / Borneo)



Article publié par Léo:

"Prends la veille route, l'autre itinéraire est dangereux. Il n'y a que peu de véhicules qui la parcours et puis les ouvriers indonésiens et  srilankais qui travaillent dans les plantations, on ne les connais pas. Il faut t'en méfier, ils ont déjà volé des voyageurs pendants la nuit. Même nous, on ne roule pas en voiture la nuit là bas. Ils font semblant d'être blessés sur le bord de la route et si tu t'arrêtes, ils t'attaquent...", chaque fois que je parle de ma destination, on me répète le même conseil. La Nouvelle route est une ligne droite au bord de la mer, alors que l'ancienne sillonne les collines plus à l'intérieur du pays. C'est aussi un axe principal, plein de circulation mais pourtant assez étroit, une combinaison plutôt dangereuse à mon goût aussi! J'opte donc pour le danger maximum car moins de voiture constitue pour moi un avantage en réalité, De plus, je n'ai que trop de fois pu vérifié au cours du périple, que la peur de l'étranger, de l'inconnue, est la plupart du temps totalement infondée et injustifiée: Nouvelle Route donc!

Voir la mer me procure beaucoup de joie. Pourquoi? Je me sais pas, rouler au fil de l'eau est agréable. Il y a un peu d'air et la chaleur est moins assommante qu'ailleurs. Je quitte donc la banlieue "chic" de Miri et ses pavillons résidentiels et m'enfonce peu à peu au creux de la jungle. C'est là que, pour la première fois, je verrais des Chats marbrés (Pardofelis marmorata), ainsi nommés car leur robe tachetée rappelle l'aspect du marbre. Malgré son aspect (taille, forme...) similaire au chat domestique, c'est un félin solitaire peu connu, car l'espèce est discrète et évolue dans un environnement d'accès ardu. Ceux que j'observerais ont été malheureusement victimes d'accidents de la route et gisant sur le bas-coté. En plus de la déforestation, le trafic semble être aussi un facteur qui a mené à classifier cette espèce comme "vulnérable" par l'Union internationale pour la conservation de la nature. 




Malaisie, Bornéo, Sarawak: Les activités humaines sont la principale menasse pour le chat marbré 




Après quelques bosselures qui offrent de beaux points de vue sur l'étendue d'eau, j'atteins les grottes de Niah sans m'y arrêter car je pense que le temps pour une visite me manque. Je dois dire aussi que me retrouver seule (les visites ne sont pas guidées et la grotte n'est pas équipée d'éclairage) dans l'une des plus grandes cavités du monde ne m'enchante pas plus que ça. Elles contiendraient les plus anciens restes humains d’Asie du Sud, datant de 40.000 ans!
Ensuite le paysage change radicalement et je pénètre dans une étendue à l'infini de plantations de palmiers à huile. Sur la route, seuls quelques camions chargés de fruits et de citernes d'huile, ainsi qu'un grand nombre de mobylettes conduites par les travailleurs des champs transportant leur machette, ainsi que des tiges de lourd métal (comme des pieds de biches) servant à piquer les grappes de fruits pour les charger dans les véhicules. ll n'est pas rare que les récoltent soient transportées jusqu'au bord de la route à dos d'homme, un travail arasant. Le soir je camperais sous l'abri de bois d'un stall de bord de route, ayant tout d'abord indiqué ma présence aux riverains de l'exploitation voisine. Je me demande s'il s'agit d'un jour particulier ou si le bal permanent des voitures et autres mobylettes s'engageant sur le sentier qui mène à la propriété est le quotidien nocturne de cette maison. Combien de personne logent-elles ici? Au matin, l'une des femmes responsable de l'exploitation arrête son 4x4 chargé de ses ouvriers près du campement et prend de mes nouvelles. C'est la seule interaction qui aura perturbé ma solitude. Pour ce qui est du danger permanent planant sur la région... on repassera!



Malaisie, Bornéo, Sarawak: lever du soleil sur la route déserte


Après quelques kilomètres, j'atteins le parc industriel de Bintulu. Il est en plein développement et les abords de la route ne sont qu'un immense chantier. Partout des pelleteuses, des bulldozers, des niveleuses, des ouvriers s'afférant de toute part. J'ai l'impression de me retrouver dans la version moderne d'Angkor, du Machu Picchu ou des Pyramide de Khéops! Un roi fou, décide d'établir des cités démesurées sur un bout de terre inhospitalier et usent de toutes ses ressources pour y parvenir, au delà du bon sens, de l'adversité et des conditions climatiques. Par ordre du capitalisme, la jungle s'industrialise. Il faut dire qu'ici gisent des réserves de pétrole qui intéressent grandement les investisseurs. Déjà quelques flammes brûlent au sommet des cheminées des raffineries. Le soir même, alors que j'admire une magnifique coucher de soleil sur les plages du parc national de Similajau, j'aurais la surprises de les voir briller dans l'obscurité qui s'intensifie, tout au bout de la langue de sable. Bintulu est entourée d'industries, la ville portuaire est en plein expansion, le soir des embouteillages de camions et véhicules en tous genres se forment sur les voies d'accès...



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu


Quelques nuits passées au parc de Similajau me permettent un bon ressourcement. Il me le fallait car j'ai un peu les nerfs à vif suite à l'accumulation des récentes expériences négatives, incompréhensions et autres frustrations relationnelles. Là toute de suite, j'en suis un peu au même point que Nicole Kidman dans la scène finale de Dogville: https://www.youtube.com/watch?v=04bf_tQz3xI. Un film fort intéressant, qu'il y a plus de 15 ans, m'avait fait découvrir mon meilleur ami: qu'est ce que la bonté, la loyauté, l'égoïsme, la dépendance, l'amour, la folie, la solidarité, la peur, l'abus, l'appartenance, la vengeance?



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu, fais chaud!


Ici, c'est calme, très bon marché et plutôt joli, ce qui est surprenant quand on sait que la réserve est entourée d'industries. Malgré tout, les tortues marines se font actuellement rares, à cause de l'important trafic maritime, de la pollution et des filets de pêche plantés au large et dans lesquels elles s'emmêlent. Je n'aurais pas plus la chance d'observer les crocodiles qui sont supposés vivre dans la rivière qui se jette ici dans la mer Sud de Chine. Le ressac des vagues me berce alors que je m'endors. Au matin des promenades à travers la foret humide guident vers les plages de sables blanc très fin, ou plus grossier et jaune (Golden Beach). Le taux d'humidité doit battre des records et après moins de 500 mètres de sentier de jungle, je dégouline déjà de façon improbable. Je m'observerais ici que peu d'animaux. J'entends toutefois les singes jouer dans les branches, rencontre des papillons plus gros que la paume d'une main. Des plate-formes de roches, prolongent les plages, c'est le terrain de jeu des Bernards l'ermite, je saute à pied joint dans leur partie de cache-cache. Batu Anchau est une trouée nue, rectiligne au milieu de la végétation folle. Une dalle de pierre brut sur laquelle coule un ruisseau, une curiosité géologique plutôt intriguante!



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu, terrier de crabe



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Parc naturel de Bintulu, salut Bernard!


L'après-midi, je me réfugie sous le ventilateur, met à profit mon temps pour réfléchir aux manières les plus appropriées de vivre ce qui me reste de temps à passer en Malaise de la façon la plus serein possible: " Si quelqu'un s'interpose brutalement sur notre chemin, nous le repoussons, tout simplement, parce que son intrusion était frivole... Marcher sur le sentier ne  signifie pas nécessairement seulement essayer d'être bon et de n'offenser personne... si l'on ne détruit pas lorsque c'est nécessaire, on brise le voeu de compassion qui nous engage à détruire réellement la frivolité" (Chogyam Trungpa : Le mythe de la liberté et la voie de la méditation / Merci Kevin). Que ces paroles me font du bien, je me sens à présent le droit de ne pas être uniquement gentille. Si certaines limites sont franchies, la violence devient une option. Au cours des semaines à venir, j'expérimenterai que combattre sa propre frivolité est la partie la plus difficile. L'ego est comme un toxicomane, toujours à la recherche du plaisir immédiat, un puits sans fond demandant à être rempli en permanence. Il faut faire preuve de beaucoup d'amour envers soi-même pour être capable de repousser et détruire les envies compulsives qu'il génère sans cesse! Faire preuve de clémence envers autrui pour correspondre à l'image idéale qu'on a de soi et qu'on aimerait donner, voilà bien une manipulation égoïste... mais quoi, c'est à travers l'ego que la majorité d'entre nous avons toujours appris à exister! C'est sur une tromperie qu'on fonde notre propre valeur! Nous sommes tous en quête d'Amour, avec un grand A, d'Amour grandiose, généreux, inconditionnel... et pourtant la plupart d'entre nous sommes bien incapables de se l'offrir à nous-mêmes! Ce n'est pas le genre de choses que l'on apprend sur les bancs de nos écoles (même dans les écoles supérieures en éducation/travail social!). Peut être un jour, l'une des branches au programme sera intitulée "savoir être et amour de soi", mais pour l'instant, c'est à tâtons que je poursuis ma route.



Replis v.s. curiosité




Plus de nouvelle route, jusqu'à Tatau, il n'y a que l'ancienne. Elle suit la cambrure des collines au travers de la foret. C'est un paysage encore une fois, indescriptible: des dizaines et des dizaines de textures, des dizaines et des dizaines de tons de vert, un fouillis anarchique de lianes, de fougères, d'arbres, de buissons, de plantes, d'herbes... Au cours des dernières semaines, mentalement, j'ai fais et défais mes bagages une bonne centaine de fois, cherché des solutions pour pouvoir les peser, inventé des stratégies pour dénicher un carton au volume de mon cycle, j'ai inventorié les caractéristiques de la Guest House où il faudra que je réside à Kuching, car un espace pour faire de la mécanique m'est nécessaire, j'ai réfléchi à comment changer de l'argent en des devises correspondant aux escales (nombreuses), je me suis demandées s'il y aura du wifi, j'ai décide, puis oublié, puis rectifié la liste de ce qu'il fallait que j'emporte dans l'avion, j'ai planifié quelle nourriture acheter pour le voyage, j'ai imaginer les retrouvailles avec mes parents à l'aéroport Internaţional Henri Coandă Bucureşti, Roumanie, j'ai choisi quels cadeaux leur apporter à cette occasion, j'ai même été jusqu'à envisager quelle tenue je devrais porter et si, oui ou non, je devrais me maquiller (vous pouvez rire, c'est risible!). Bon, en bref, j'ai badé autour du thème "vol vers l'Europe"... et ça consomme beaucoup, beaucoup d'énergie, beaucoup, beaucoup de temps. Mon corps est là, sur les routes malaisiennes, mon esprit est loin déjà dans les nuages, à 4000 pieds au dessus du sol, parcourant en quelques dizaines d'heures, un chemin de 2 ans et demi à la force des mollets. Des grandes claques d'émotions qui me perturbent passablement et dont les symptômes les plus flagrants sont une fatigue extrême et une fâcheuse lassitude. Le compte à rebours a bel et bien commencé, le temps est devenu un facteur central de l'équation. Le glas de l'Asie va sonner sous peu et je n'ai plus envie de découverte. Ce qui a du être expérimenté l'a été, et il ne reste pas assez de temps pour réellement vivre de profondes nouvelles aventures. Dans l'absolu, je n'en suis pas mécontente d'être dans cet état d'esprit. C'est plutôt une bonne chose car cela me permettra de quitter ce continent sereinement, sans regrets. Pourtant, dans le quotidien, cela peut devenir problématique car la motivation n'y est plus vraiment. En période de deuil, l'activité intérieure prend le pas sur l'extérieur. 

C'est ainsi que j'échoue à Tatau en début d'après-midi, avec zéro envie de poursuivre plus loin. Je m'achète des graines et des fruits à grignoter et m'assois à l'ombre des stands du marché attendant je ne sais quoi... que le jour passe. C'est alors que Sam et Fred croisent ma route. Deux citoyens de Macao qui traversent eux aussi la Malaisie à vélo. Leur cycle ont l'allure de jeux d'enfants, des roues de 12 pouces et un cadre pliable. C'est la première fois depuis la Thailande (5 mois) que je rencontre des "cyclos". Pour fêter ça, ce soir, on s'offrira un apèro!



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Cette veille route ne m'inspire vraiment pas. D'après mes sources, un chemin de travers permettrait de rejoindre Belingian, puis Mukah au bord de la mer, en traversant une quelconque concession de plantation. Des travailleurs des champs, m'indiquent le passage, une route caillouteuses avec des pentes bien raides sous un soleil de plomb. Je m'encourage en me disant qu'ensuite, c'est le bord de mer, le plat sidéral, et ça ne manque pas. Les routes dorénavant seront longues et droites, aplaties au niveau. Il fait chaud, rien de nouveau, bon, mais le taux d'humidité est tout à fait improbable. En milieu d'après-midi, je me rue dans la première échoppe que je croise et dévalise le frigo à boissons fraîches. Faisant fi de tout principe écologique, je reste de longue minutes la tête enfouie dedans, faisant semblant de chercher un soda, puis achète plusieurs canette en alu sans même trop de remords. On m'offre des glaçons (une offense de plus à Pacha Mama: énergie grise énorme!), ce qui est le plus beau cadeaux qu'il est possible de faire dans ces conditions et je fais durer le plaisir en restant affalée sur une chaise en plastique à l'ombre de la boutique, suçant cette eau solide à m'en saouler. L'une des fille de la maisonnée arrive. Lolita a mon âge et c'est une personne qui rayonne d'Amour et de bonté. Sans hésiter elle m'invite à passer la nuit chez elle. A son contact, je me sens régénérée, profondément calme et heureuse. Toute lassitude et ennuis m'abandonne! Le sourire de Lolita irradie tout le village qui vit en communauté serrée dans des "long house". On embarque les enfants et allons nous promener à la plage, c'est venté et frais, c'est léger et l'espace est large, ouvert, on se sent libre! Ce n'est peut être pas un hasard si une fois l'an, on fête ici les esprits en leur apportant des offrandes à l'occasion du nouvel an Melanau (une ethnie locale).  



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Promenade à la plage, alentours de Belingian



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Village sur la mer, alentours de Mukah



En arrivant à Mukah, je me dirige droit vers l'hôtel de ville. Norwahia et moi avons rendez-vous. J'ai rencontré cette femme hier, lors de la pause pic-nic. Elle m'a convié à visiter les bureaux dans lesquels elle travaille. C'est une expérience très intéressante. Comme je l'ai déjà mentionné, les malaisiens travaillent beaucoup et leur salaires reste relativement bas. Une situation générant pas mal de stress et qui délaie un peu la joie de vivre. Cependant ici, j'ai l'occasion d'observer une autre facette de ce qu'est le travail dans ce pays. Les locaux sont super-modernes (ascenseurs en inox, couloirs décorés de marbres, éclairage agréable, persiennes orientalisantes...), parfaitement entretenus, propres (des femmes de ménages arpentent sans cesse tout le bâtiment). Dans les bureau, il règne un atmosphère calme, tout est rangé et organisé méthodiquement, le mobilier est pratique, l'espace agencé de façon rationnelle, partout des ordinateurs ronronnent... Et je ne suis pas au bout de mes surprises... Personne ne semble réellement travailler. C'est à dire qu'ils travaillent tous, mais de façon et à un rythme si différents de ceux qu'on pourraient observer dans un organisme officiel en Europe que ça en est déroutant (surtout parce que ça ne colle pas avec le cadre). On fait le tous des locaux, saluant tout le monde au passage, je serre des mains. Une étrangère (je ne parle  même pas de nationalité, je veux dire: une visiteuse quelconque) pénètre le bâtiment sans donner aucune explication, sans même devoir prouver son identité, elle est introduites sans aucune méfiance dans les espaces de travail, on me laisse sans surveillance près des dossiers ne craignant pas l'indiscrétion... En Europe, essayez de vous présenter à l'office des impôts, et de demander un visite guidée à l'improviste!! Tout le monde a le temps de bavarder, chacun semble se balader ou discuter gaiement avec ses collègues, pianoter ou converser sur son téléphone portable... des enfants font la sieste ou leurs devoirs sous le bureau de leur mère... Norwahia décide que ma présence est une excuse suffisante pour s'éclipser. Elle en informe son chef et m'invite à aller visiter un petit musée qui se situe dans une maison traditionnelle Melanau dans un petit Kompong (village) accolé à la ville. Bien, c'est déroutant! 



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Guest House de Lada Datu, maison traditionnelle de l'ethnie Melanau


Malaisie, Bornéo, Sarawak: Village Melanau, Mukah



La tenancière du musée est aussi la cousine de Norwahia. A l'étage de la maison, quelques chambres. Ma nouvelle amie négociera l'une d'elles pour me loger. Je passe deux jours très intéressants à Lamin Dana. C'est un village flottant que l'association des habitants entend préserver afin de faire vivre la culture Melanau. La danse, le champs, la musique traditionnels sont enseignés aux plus jeunes. L'artisanat et la cuisine locale mises en valeur. On y pratique toujours la péche et la  cueillette des produits de la jungle, la culture de jardin plus ou moins flottants. On s' y déplace en barque, certaines ne mesurant pas plus que la largeur d'un bassin (hanches). Je me promène sur les pontons de bois entre les maisonnettes, admire les  Kelidiengs, piliers mortuaires dans lesquels on conservaient autrefois les ossement des maîtres en y sacrifiant aussi des esclaves afin qu'ils puissent servir ce dernier dans l'au-delà. Aujourd'hui, c'est plus sympathique, on ne fait goûter des produits régionaux et m'invite à participer à la confection du sagou, nourriture traditionnelle qui accompagne usuellement le poisson quotidien. Ce n'est pas une mince affaire, ils faut du muscle, de la patience et de l'endurance. D'abord, il faut récolter le bois pour le feu, puis il faut faire de la farine à partir du végétal qu'on a été cueillir je ne sais où dans la foret. On mélange ensuite cette farine avec des gousses de grain de riz broyées, de la noix de coco et un peu d'eau. Cette pâte est ensuite malaxée sur des nattes en palme tressées, puis passée au tamis afin de former des boulettes. Ce sont des opérations délicates qui demandent du savoir faire. Pour ma part, je suis incapable d'imprimer le geste de tamisage, c'est une catastrophe. Heureusement, les veilles femmes qui y ont déjà passé la nuit, ne m'en tiennent pas rigueur et ne se lassent pas de me monter comment procéder. On laisse sécher les boulettes à l'air libre quelques instants, puis on les passent au four. C'est un grand plateau en terre glaise (récoltée à la plage, j'en sais quelque chose, j'ai pataugé dedans hier!) sous lequel brûle les bois récoltés aux alentours. On retourne les boulette à l'aide d'une balayette de palme. Toute l'opération prends des heures, c'est harassant. Je plaisante et disant que chez moi, des femmes paient des abonnements au fitness pour effectuer les même gestes (tamisage) et ainsi garder la forme... les veilles rétorquent avec beaucoup d'humour que elles, en plus du fitness, elles ont aussi le sauna incorporé. C'est vrais qu'avec le feu et le taux d'humidité ambiants, c'est plutôt le bain turque là dedans! C'est agréable de passer quelques jours auprès de personnes fières de leur culture, ayant envie de la faire connaître. des gens qui ne se ruent pas sur la modernité et qui ont choisi d'utiliser leurs traditions pour en faire leur gagne pain.



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Lamin Dana, Confféction de Sagu 



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Kelidieng, pieu mortuaire de l'ethnie Melanau




Malaisie, Bornéo, Sarawak: Village Melanau, Mukah



Direction Daro, étape finale du périple asiatique, c'est un petit bourg à l'embouchure de la rivière Muara Lassa. J'ouvre les yeux le plus possible, tachant de m'imprégner des paysages de jungle, de me remplir de vert, de saluer l'Asie à chaque tours de pédale. Par chance, j'ai l'occasion de dire au revoir aux singes et aux calaos, aux martins pécheurs, hérons blancs et hirondelles dont ces contrées semblent être le royaume, aux varans, aux serpents, aux balbuzards pêcheurs (rapaces). L'eau devient omniprésente, partout des hommes affublés de typiques chapeaux de paille coniques, pêchent dans les étangs, les ruisseaux. Les villages sont sur pilotis au dessus de marre stagnantes. A la hauteur de Igan, il me faut passer un premier ferry pour traverser une très large rivière aux eaux couleur caramel. Il est trop tard quand j'atteins Daro, le dernier speed boat du jour s'en est déjà allé. C'est l'occasion de passer une soirée dans le bled et de goûter à tous les nourritures spécifiques offertes au marché du Ramadan. Ces marchés se tiennent chaque soir dans toutes les villes et villages, un peu avant l'heure de la rupture du jeune (18h43 ce jour là), et on peut y acheter quantité de beignes et autres cakes dégoulinant de graisse et de sucre. Malheureusement, malgré mon entrain initial, je ne passerai pas un moment très agréable. Tout le monde ici semble être sous drogue, ils sont tous euphoriques, survoltés... Et bien entendu, aborder une occidentale devient vite le must de la soirée, le jeu auquel chacun tient  à participer. Vite, un hôtel chinois, clim' et chaîne de télé en anglais pour oublier la lourdeur du dehors.  



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Speed Boat entre Daro et Sibu



5h00 du matin, il fait encore nuit quand je me dirige vers le ponton des speed boats. Hier chacun voulait me saluer, mais ce matin, quand il s'agit que me renseigner et de m'aider à charger tous mes bagages... y'a plus personne. GRRR! Peu importe, me voilà installée la tête en dehors du bateau pour observer une dernière fois la nature verte qui semble se déverser depuis les berges jusque dans les eaux de la rivière que nous remontons direction Sibu. Nous nous arrêtons à tous les villages côtiers qui sont reliés au monde par voie navigable uniquement. Les pécheurs chargent de grosses glacières pleines de poissons qu'ils espèrent vendre au marché de la grande ville. L'embarcation est plutôt très moderne, elle est équipée de wc (sommaires, mais wc quand même!), d'écrans de télé diffusant des clips vidéos de chansons  à la mode, et d'une climatisation réglée au maximum (il doit faire 15 degrés à l'intérieur). En milieu de matinée, nous atteignons déjà notre destination. 3 heures d'attente avant d'embarquer sur un autre speed bord plus volumineux pour Kuching. Je patiente dans un café donnant sur une rue peu passante, avec l'espoir de me faire discrète. Les tournant de la veille, l'accumulation de fatigue et l'organisation du voyage en bateau ne me rendent pas particulièrement joviale. Alors quand des passent inspectent mon vélo en le secouant dans trous les sens, je me fâche, les engueule passablement. Et quand pour la dixième fois, un client me demande "where are you from?", j'explose. Je me lève, et crie: "Please, everybody listen to me. I am from Switzerlkand. Now everybody know, ok? From Switzerland! I tell you now so you don't ask me again!". Incroyable mais vrais, ma prestation, loin de m'attirer de la réticence, me donne encore plus la cotte. Des clients s'empressent de payer mes consommations et l'une d'entre eux, va même jusqu'à me donner de l'argent! De bon coeur, "pour que tu visites Bornéo! Tu sais ici, à Sarawak, ont est des bonnes personnes (sous entendu: pas comme sur la péninsule)" !!!???!!! Je n'y comprends rien, comment faire si même manquer ostensiblement de sympathie, m'attire des amitiés??!!



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Marché de Sibu



Et c'est reparti pour 5 heure de bateau. Tant que l'on navigue sur les canaux, ça va. Mais une fois en "haute mer", c'est moins drôle. Le bien nomme "mal de mer" me prend. Moi qui étais tellement excitée à l'idée de prendre le bateau avec mon vélo, je me dis que finalement je suis contente de ne pas avoir tenté l'expérience plus souvent. Heureusement, grâce à la fatigue accumulée, je passe le plus claire de la traversée à dormir affalée sur les banquettes extrêmement confortables dans une atmosphère climatisée, un régal! 



Malaisie, Bornéo, Sarawak: Pagode et Temple de  Tua Pek Kong, Sibu


Débarquement à Kuching. Je ne suis pas au bout de mes peines! Contrairement à  ce que je croyais, le débarcadère se situe en dehors de la ville et il me fait pédaler une dizaine de kilomètres avant de charger une fois de plus, vélo et bagages, sur une barque minuscule pour traverser la rivière Sarawak. Après plus de 12heures de voyage, groggie par la chaleur et ma sieste, me retrouver sur une coquille de noix peinturlurée de rouge et blanc et poussée à la rame par un vieux monsieur à chapeau de paille, c'est assez comique... Un peu surréaliste même, quand on regarde de l'autre coté des eaux et qu'on aperçoit des hauts buildings modernes, abritant des établissements comme le Hilton par exemple. C'est comme débarquer à Manathan sur un rafiot préhistorique!



Malaisie, Bornéo, Sarawak Kuching


Kuching signifie "chat"en Malais, pourtant je n'aurait pas l'occasion d'en croiser beaucoup au cours de mon séjour ici. Ceux-ci ont une queue très courte, comme si elle avait été tranchée. C'est le cas de tous les chats que j'ai rencontré en Malaisie. Personne ne leur inflige de service pourtant, ils naissent ainsi, avec une queue racornie. La cité, a été nommée ainsi à l'époque coloniale par Charles Brook qui fut l'un des raja blanc de la région. Le centre est un mélange d'architecture coloniale (reliques de la période britannique), de Temples Toaistes (quartier chinois), de bazars qui sentent l'orient (quartier musulman). Mais je dois avouer que je me mettrais pas à profit le temps passé dans cette ville, ni pour faire du tourisme, ni pour m'imprégner de la culture locale. Ma priorité, ce sont mes bagages et surtout, surtout, beaucoup de farniente (je devrais dire glande!). Pas dans un sens relaxant ceci dit. Non c'est service minimal, ce qui me permet de garder un semblant de contenance face à toute les émotions qui s'enchaînent et s'emploient à me tracasser en permanence. Il n'y en a pas que des négatives, c'est juste qu'elles sont plutôt intenses, y faire face seule est un challenge énorme (merci à mes parents et à François pour les coups de pouces, sans oublier les grandes chaînes de fast food et les industriels de la mal-bouffe sous plastique, faisons preuve d'humour!). J'y parviens, mais à un pris plutôt élevé et pas vraiment de façon que je considérais comme adéquate... Chaque instant est un espace d'apprentissage!




Malaisie, Bornào, Sarawak: Monument Charles Brooke, Kuching



Malaisie, Bornào, Sarawak: Temple de Persatuan Hainan, Kuching 


8 juillet 2015, je me réveille plutôt contente, pleine d'énergie. Hier, en milieu d'après-midi, sans que je ne comprenne comment cela c'est produit, un déclic. Comme si d'un seul coup, une chape de plomb avait cesser d'opprimer mes épaules, de serrer mes entrailles. Mon esprit, s'éclaircit, d'une seconde à l'autre, ma vision n'est plus trouble. Je vois, je vois tout et tout me parait beau, joyeux. Je sors, je regarde le carrefour devant la Guest House  je séjourne depuis 5 jours. Et le vois pour la première fois. Je vais même jusqu'à interpeller de ma propre initiative les passants, les saluent le sourire aux lèvres. Bonjour, bonjour, je m'en vais, je pars pour l'Europe.

Midi, le tenancier de l'établissement m'aide à embarquer mes bagages empaquetés dans sa jeep et nous partons en direction de l'aéroport de Kuching. Mes yeux accrochent les palmiers, bientôt ce seront les boulots, les hêtres, les chênes et les mélèzes.

Attendre, va être mon activité principale, par les deux prochains jours. Je transite par Kuala Lumpur, Bangkok, Mascou, avant d'atteindre Bucharest. Pour l'instant, je me sens clame. Le check-in ne pose aucune difficulté, l'hôtesse me confirme que les bagages suivront automatiquement jusqu'en Thailande. Voilà qui simplifie les choses! Un mauvais bouquin en attendant l'embarquement, un fou rire quand les stewards présentent les mesures de sécurité à respecter en cas d'amerrissage. Avant de s'élancer calmement sur les toboggans, il faut tirer sur les ficelles latérales du gilet de sauvetage, puis insuffler dans une petite paille afin de compléter son gonflage. Au même instant, un asiatique s'époumone dans son oreiller-appuie tête. Personne n'écoute, avidement chacun envoie un dernier poste par l'intermédiaire de son téléphone portable: " les appareils électriques doivent être éteints des la fermeture des portes de l'appareil". Si on devait amerrir, peut-être le monde entier serait-il au courant sur la toile avant qu'on touche la flotte, et ce serait peut-être même pour cette raison qu'on devrait amerrir... on décolle. Des palmiers, la mer, moins d'une heure plus tard, la mer, des palmiers, on atterrit. Transite à Kuala Lumpur, une clope, un passeport tamponné, un café, un paquet de chips de tapiocca, en 6 heures , c'est faisable.

Bangkok, l'un des plus grand aéroport au monde. Je charge les bagages sur un chariot et chercher un bureau information afin de me diriger vers le prochain point d'enregistrement. Il est onze heure. Pour Moscou, ce n'est pas là, il faut prendre une navette pour un autre aéroport, celui qui est l'un des plus grand au monde... Une heure et demi d'autoroute suspendue au dessus de toute la cité, entre néons lumineux et obscurité. On n'en voit jamais le bout, une ville dans fin, on dirait qu'elle a pris possession de la nature autour, ne lui laissant aucune place. "Sabatikkaha", les mains jointes, une révérence.  Flash back: Les temples dores et leurs toitures folles qui dépassent des bouquets de buildings tachetés de l'éclairage aléatoire des fenêtres, les bonzes oranges partout, crane rasé. Le temps de trouver l'embarquement, de me restaurer et de repérer un banc, il est 3h30 du matin quand enfin je m'accorde un peu de sommeil. Le terminal est calme et silencieux, bien dormi. Je change mes dernières Baths en Euro, pas de Roubles disponibles, et attends l'avion affrété par Aeroflot en compagnies de familles russes assez sélects. Léger pincement au coeur tout de même quand on quitte le tarmac. Salut l'Asie, cette fois ça y est. Je quitte tes contrées sans regrets, mais on ne laisse jamais tout à fait indiffèrent un terre qui vous a accueilli si longtemps. Les Dardanelles c'était il y a 2 ans et 7 mois! Un vol 4 étoiles après l'exiguïté des avions d'Air Asia. La thaïlandaise assise à mes cotés refuse d'ingurgiter de la nourriture indienne, j'ai donc droit à deux repas ce midi. L'estomac calé, je m'endors, pour ne reprendre conscience qu'alors que nous survolons l'Afganistan. On est à plus de 8000 m d'altitude et on frôle des sommets enneigés. Les Pamirs! Je me contorsionne le coup pour agripper les paysages, mystiques, géants, rudes, enchanteurs, qui depuis longtemps nourrissent mes rêves les plus fous, peuplent mes songes, excitent ma curiosité. Émerveillée, je déguste, je sais que peut-être ne reverrais-je plus jamais ce décors surnaturel, aride, puissant. Et puis, plus optimiste, je me dis pourquoi pas. Dans les années 60, le Pakistan était une destination à la mode pour les baroudeurs... un jour prochain, j'ai envoie d'y croire, la Paix planera sur ces terres, ses habitants auront l'esprit plus libre et disponible à l'accueil de l'étranger de passage qui se présentera enfin dépouillé d'arme... un jour prochain, c'est mon souhait.

Moscou, contraste. Mon sourire surprend, il laisse quoi, il attire même quelques réticences, on le suspecte. Les Russes sont d'une beauté envoûtante. Fines, élégantes, aux manières soignées. Leurs lèvres pulpeuses, que je soupçonne retravaillées, donnent à leur visage tout blanc, une moue sensuelle. Les yeux sont clairs, maquillés en couleur. Pour dire vrais, c'est la méticulosité et la rigueur qui me surprends d'abord. Ici, il n'y a pas d'aléatoire. On remplit sa fonction, effectue sa tache en silence, avec minutie, attention, fierté et automatisme. Et puis, il y a la rudesse, stricte, dure. L'agent de change est très fâchée et me hurle "Ruskie", quand je lui demande si elle parle anglais (ou français ou allemand ou espagnole, même itatien aurait fait l'affaire). Non, russe! Je ne le parle pas, achète une bière dans un duty free (pas besoin de commander, ça limite le potentiel conflictuel), m'assois sur un banc et observe. Beaucoup de voyageurs seuls, des Occidentaux, les Asiatiques en groupe compactes ont l'air perdus, ils déambulent le nez en l'air, tournent inopinément une fois à gauche, une fois à droite dans les allées et se font bousculer par "un homme presse", smoking, tirant son attache-caisse à roulette. Je me dis qu'ils doivent être terrorisés, choqués, sur quelle planète ont-ils atterris? Ça m'amuse. Dans un coin du terminal, j'installe mon sac de couchage et passe la nuit. je suis toujours calme, je dors bien.

Vers 4h00 du matin, l'anxiété commence à grignoter mes neurones. Le vol connectant Moscou à Bucharest est prévu pour 11h00, ça approche. J'arpente le terminal juste pour faire quelque chose, me lave aux WC, me change. Mes parents me réceptionnent en Roumanie et je n'aimerais pas sentir le bouc mal fagotée. 10h30, les haut-parleurs annoncent un retard de 2h00 sur ma connexion, une gentille hôtesse distribue des tickets de boissons gratuites pour patienter. Je n'ai presque rien mangé hier soir, vais dîner, ça passe le temps. J'ai fini le mauvais livre, il n'y a que le spectacle d'un grand-père s'occupant à merveille de sa petite-fille pour me distraire: on lit une histoire, on chante une chanson, on regarde les avions décoller, on ajuste son chapeau de paille, on explique longtemps quelques chose. Ça m'émeut, je pense à GP. Ma famille est juste à l'autre bout de ce satané vol. Mais que fait le pilote? 14 heures, ça y est, on décolle, j'arrive! On descend, premiers images de l'Europe: des champs quadrillent la terre. Le mot ORDONNÉ s'impose à moi. Même les routes semblent toutes mener quelque part, je peux repérer leur but, tirant des stries d'un village à l'autre. Tout est CLAIRE, LOGIQUE, je souris, les roues touchent le sol, mon coeur bat fort, dans quelques minutes, je reverrai mes parents que j'ai quitte pour la dernière fois il y a plus de 18 mois, dans un aéroport aussi, au pied de l'Himalaya. Je suis là!

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