vendredi 22 août 2014

Mongolie: info pratique pour empreinter les pistes

Après avoir passé 2 mois en Mongolie à pédaler, c'est à regret que nous sommes sortis des frontières de ce pays tant nous avons eu un grand coup de coeur pour lui . Nous souhaitons ainsi mettre à profit notre expérience pour communiquer quelques informations concernant ses pistes, car une fois hors du bitume, on plonge dans l'authentique Mongolie, dans cet océan de nature. A savoir que environ 10% des routes sont en goudron, le reste est constitué de pistes, de traces sans panneaux.
Trois éléments essentiels sont à prendre en compte avant de quitter le bitume, s'orienter, se ravitailler en eau et l'état de la piste.

Sur les pistes de la liberté


S'orienter: Une fois sur la piste, il faut être capable de savoir où l'on se dirige par soi-même, un système de navigation est obligatoire car à chaque croisement ou dédoublement de la piste il y a une décision à prendre, continuer sur la trace de gauche ou de droite? De plus, (dans la région du Gobi) les éléments pour s'orienter comme les montagnes ou les rivières sont absents, il y a juste des collines à l'infini. Pour notre part, nous avons utilisé la boussole et une carte relativement bien détaillée qui répertorie un grand nombre de pistes. "Road Network Map of Mongolia, echelle 1:2000000, Editeur: G. Battogtokh, Land Cadastr, Ch. Tsemed, 2012". Sans vouloir ouvrir le débat GPS/boussole, cette dernière nous a permit de se diriger sur les 640 km de piste empreintés (nous nous sommes seulement perdus sur les 20 premier kilomètres en quittant la route).
Notre itinéraire c'est décidé par le ralliement des villages assez proches, le plus grand tronçon sans âmes était de 130 km. Avant de se lancer dans cette océan, nous avons fait traduire à une personne le nom des villages en Cyrillique afin de pouvoir demander notre route aux autochtones. Lorsque l'on demande sa route, il est important de donner, dans l'ordre, le nom de plusieurs des villages qu'on souhaite rallier, cela facilite la compréhension de la personne questionnée. Si vous ne donnez qu'un seul nom de village et qu'elle ne le comprend pas, elle vont vous indiquer une direction pour vous répondre quelque chose, en revanche, en donnant 2-3 noms de destinations, vous augmentez votre chance de vous faire comprendre et d'avoir une information plus juste. Cela permet aussi de vérifier si les pistes existent.
A la sortie de chaque village, demandez à plusieurs personnes quelle piste il faut empreinter, car elles sont nombreuses et partent en rayon à tout azimut. Nous avons toujours pointé la boussole pour vérifier grosomodo  la direction à suivre, mais il faut profiter de cette présence humaine pour être sure du choix de la trace de départ, car une fois sur la piste, il n'y a pas grand monde. Sur une journée entière, il nous est arrivé, au pire, de croiser 4 véhicules. D'un village à l'autre, il y a parfois une ligne électrique les reliant, si cela est le cas, la navigation est grandement simplifiée car la trace la suit de près ou de loin et elle se dirige à coup sur sur votre prochaine destination. Les habitants vous indiqueront si il y a une ligne de poteaux à suivre ou pas.
Sans ligne électrique, la navigation se fait bien sure en suivant la piste et à chaque croisement ou embranchement, il faut identifier laquelle est principale ou plus utilisée pour ne pas la quitter. En cas de doute, pointer l'azimut avec la boussole permet souvent de choisir l'embranchement qu'on va empreinter mais pas toujours. Il arrive que la trace se dédouble et que l'azimut se trouve au milieu des deux pistes qu'on peut parfois voir sur plusieurs km. Si vous n'êtes pas sure de votre choix, une fois en route, pointez votre azimut  lorsque vous atteignez chaque colline et point de vue et vérifiez que la piste choisie se dirige dans la direction du prochain village. Si cela est possible demandez votre route en stoppant un véhicule ou en allant vers une yourte si  il y en a. Vous pouvez également attendre  au croisement, mais cela peut prendre une demi journée avant que quelqu'un n'y passe.

La grandeur de l'océan de verdure

Rien  ou pas grand chose pour s'orienter

Se ravitailler en eau: En s'approchant de la région du Gobi, nous avons augmenté nos réserves d'eau, nous transportions à nous deux 26 litres d'eau. Nous pensions avoir prévu large, pourtant il nous est arrivé à deux reprises ne pas en avoir en suffisance.
Bien entendu, dans chaque village il est possible de faire le plein d'eau. Pour cela il faut repérer le puits. C'est un petit bâtiment 2x2m. avec un toit qui abrite une pompe électrique. Des murs, il y a un ou deux tuyaux qui en sortent pour que les habitants fassent le plein de leurs réservoirs. Sur la petite fenêtre qui donne sur les tuyaux, il y a l'horaire en cyrillique des heures de fonctionnement du puits. Si vous arrivez en dehors des heures de distribution d'eau, il faut attendre au puit, la personne en charge finit toujours par arriver et elle mettra en fonction la pompe. Nous avons toujours consommé cette eau (sans traitement ni filtration) sans être malade, elle est bonne, parfois elle peut avoir un goût terreux. 

Prendre de l'eau entre les villages est possible, il y a quelques puits. Pour les trouver il faut repérer les "grands"  abreuvoir rectangulaire pour les animaux. Le puits se trouvent à côté, mais il faut se rendre sur place pour savoir si il contient de l'eau ou pas. En générale c'est un tube de béton ou en pierre maçonnée, il est toujours recouvert de planches et de pierres pour éviter qu'elles ne s'envolent avec le vent. Il n'y a pas de corde et récipient, pour puiser de l'eau il faut donc avoir une cordelette de 10 a 15 m. et bricoler un contenant. Dans certain puits, l'eau est trouble, la filtration ou le traitement est recommandé. Merci de bien remettre les planches et les pierres dessus pour éviter tout accident et dépôt de sable à l'intérieur.

Demander de l'eau à une yourte est aussi possible, avant de faire le plein de nos bouteilles nous observions la quantité d'eau stockée par la famille Nous remplissions une ou deux bouteilles si le puits ne se trouvait pas à proximité de l'habitation. Vérifier l'état de l'eau dans le réservoir avant de la consommer. Il nous est arrivé d'avoir de l'eau ayant le goût de lait fermenté et dans une petite citerne nous avons découvert une ponderie d'insectes, ainsi la filtration avant consommation est fortement suggérée.

Concernant la nourriture, il y a des épiceries dans chaque village ou il y a la possibilité de s' approvisionner en denrées de base. Il y a toujours des cigarettes, de la bière, de la vodka, des pâtes, des biscuits, du chocolats, des saucisses et des boites de viandes ou de thon. Souvent on trouve également des oeufs, du pain, des pommes de terres et quelques légumes et fruits Pour trouver le magasin dans le village, vous demandez ou l'on peut acheter des cigarettes en mimant, car si vous demander de la nourriture, les locaux vous indiquerons les cantines ou les restaurant s'il y en a. Sur la devanture de la maison/épicerie il y a un panneau avec les lettres "XYH..." qui indiquent que c'est un magasin alimentaire.

L'état de la piste: Terre battue, sable et gravier sont les matériaux de base de la piste. Le passage de véhicules rapides et le vent forment avec ces trois éléments de la "tôle ondulée" qui se concrétise par des vaguelettes régulières tous les 40 cm. pour une hauteur allant de 10 a 15 cm. C'est très inconfortable à rouler, le vélo est secoué de bas en haut, la scelle tape les fesses et les poignets reçoivent également les chocs. Difficile d'avancer à plus de 8 km/heures. Une grande partie des pistes sont en "Tôle ondulée", il faut donc rouler en dehors des traces pour autant que le sol ne soit pas mou. Il y a également des portions de sable qui, des fois, portent les roues et des fois pas. Si c'est mou, le vélo godille de droite à gauche, il arrive que la roue avant se plante littéralement. L'avancée est donc stoppée net et l'énergie peut nous faire faire un demi tour sur place. Pour certains passages il faut pousser le vélo, malgré les pneus dégonflés pour augmenter leur portance. Certaines portion en terre battue ou en gravier sont très confortables à rouler, cependant la concentration à lire la piste pour éviter les pièges des zones plus môles reste constante.
Nous avons été surpris par l'énergie que ces pistes demande à mouvoir un vélo chargé, nous progression en moyenne de 45 km par étape journalière. Il faut également tenir compte du facteur météorologique. Les vents, pas souvent dans le dos peuvent être fort, la chaleur intense du Gobi ne nous a pas toujours permis de pédaler lorsque le soleil était au zénith.
Dernière recommandation, lorsque vous planter votre tente, arrimer la toujours comme si vous vous attendez à avoir une tempête, car les vents peuvent être forts (plus de 100 km/heure).  Dans les terrains sableux ou de terre cuite trop dur pour encrer la tente, nous avons simplement accouplé les sardines entre elles, c'est très efficace dans les deux cas.

Accouplement de sardines ici dans un terrain dur

Malgré ces quelques recommandations, nous pouvons que vous recommander de quitter le bitume en Mongolie, Leo dans son dernier message blog à décrit avec justesse le vécu intérieur, les émotions ressenties de cette aventure, perdus dans ces espaces énormes ou le vide nous a entouré. Nous avons pris un énorme plaisir à rouler, à vivre et à vibrer dans cette région.

Le seul panneau sur 640 km de piste

Petit résumé de la Mongolie en chiffres:

54 jours de visite en Mongolie.
1946 kilomètres parcouru  à vélo.
9482 mètres d'altitude positive gravits à la force de nos mollets.
640 kilomètres de piste à vélo.
41 cadeaux reçu sur la route ( lait, thé, bière, cigarettes, vodka...).
36 nuits passées sous tente.
26 litres d'eau transporté au maximum sur nos deux vélos.
18 nuits passées à l'hôtel dont 11 Ulaambaatar (Administration oblige).
6 cyclo-voyageurs rencontrés.
4 crevaisons (2 Leo et 2 Jean-Da).
3 véhicules à moteur empreinté dont 2 pour passe la frontière (pour entrer et sortir du pays).
2 jours bloqués sous tente pour maux de dos aigu (Jean-Da).
0 chute à vélo (mais nous avons faites quelques belles plantée dans le sable).

mercredi 13 août 2014

Mongolie: Mangdalgovi-Zamyn-Uud



Mangdalgovi, les derniers 40 kilomètres avant la villes sont difficiles. D'abord, il y a le vent contraire et puis les réserves d'eau sont amoindries et comme nous ne sommes pas certains  d'être sur la bonne trace, l'anxiété commence à se faire sentir. Et puis, la piste devient sableuse par endroit, l'effort déployé pour se mouvoir n'est pas comparable avec l'avancée réalisée. Il faut appuyer fort sur les pédales pour survoler la portion de piste où les roues s'enfoncent et rejoindre au plus vite le sol plus ferme qui porte mieux. On monte un massif de collines dont les sommets des bosselures sont garnis de rochers apparents, tout est vert, des yourtes se nichent dans les coins, un groupe d'hommes s'affaire autour d'un puits, un troupeau de bovins s'en approche. Un peu plus loin, la piste se sépare en deux, la boussole indique le milieu des deux voies, je (Léo) monte sur une colline pour examiner la trace, laquelle est la bonne? Un adolescent à moto apparaît comme par enchantement, nous indique la trace de gauche, 15 kilomètres avant la ville. Bientôt, on distingue des poteaux électriques, les voies carrossables se multiplient, se ramifient pour desservir chaque quartier de Mandaglovi, au loin sur la droite on aperçoit des camions en fil indienne suivant la route goudronnée qui traverse la ville perpendiculairement à notre itinéraire. Nous y sommes!

La piste botte cul! Allant vers rien.

Toujours ses maisons de briques ou de bois, ou des yourtes entourées de palissades sans âge, faites de tout et de rien qui semblent tantôt gaies sous le soleil chaud et la lumière plaine ou affreusement tristes quand le temps est maussade ou pluvieux. Elles s'adaptent, obéissent à l'ordre de la nature, qu'elles savent éternel, immuable et suprême. Toujours ses villes-villages sont pleines de vie et pourtant figées, pleines de calme serein. Les choses se passent simplement, sans empressement, ni sans résignation, ni sans éclat. Joyeusement, telles qu'elles le doivent. C'est agréable.

Trois jours de pause dans un petit établissent nous requinquent. On reste passablement dans la chambre car dehors il fait chaud, trop chaud, on cuit littéralement. Pour le coup, on sponsorise honteusement une grande enseigne de boissons gazéifiées, mais il va falloir qu'on emporte plus de bouteilles plastique avec nous pour poursuivre la route. De l'eau, par ces temps, nous allons en consommer, c'est certain. A Mangdalgovi, on expérimente aussi pour la première fois du voyage, les bains publiques, long bâtiment peint en violet criard surmonté d'une cheminée crachant en permanence sa fumée noire. Chauffent-ils l'eau au charbon? Pourquoi n'utilisent-ils pas l'énergie solaire, il y en a pourtant assez du soleil par ici??? A l'intérieur, c'est propre et minutieusement organisé. Une petite boutique "en aquarium" vend les produits d'hygiène et le ticket permettant d'accéder à une grande cabine (pièce) munie d'un pommeau de douche, d'un escabot (pour s'asseoir quand on se lave les pieds je suppose), d'un tabouret pour entreposer ses affaires, et d'un miroir...le grand luxe. Le radiateur dans chaque cabine, permet d'imaginer à quel point il doit faire froid ici en hiver. Certaines cabines sont plus grandes que d'autres, pour accueillir des familles entières (mère et enfants), les hommes et les femmes se succèdent dans les cabines qui ne sont pas révérées à un genre en particulier. Aucun regard déplacé, aucun yeux fixes sur mes cheveux blonds et emmêlés, juste l'admiration indescotchable d'une petite fille qui brûle de me parler. C'est bon d'être en Mongolie pour conduire ce gendre d'expérience dans une atmosphère respectueuse et une distance de sociabilité similaire à nos habitudes!

A nouveau en route...

Une multitude de pistes s'échappent en rayon dans la direction générale ou devrait se trouver Ondorshil, notre prochaine destination. On multiplie les demandes pour s'assurer d'emprunter la bonne voie. Déjà un peu avant Mangdalgovi, le paysage avait commené à changer. Maintenant, l'herbe n'est clairement plus aussi abondante et le sol devient de plus en plus sableux, il se couvre de graviers sur sa partie supérieure. Ils peuvent êtres parfois noirs, gris ou verts ou violets... Pas besoin d'extasy, les plaines steppiques semblent se teinter de couleurs fantaisistes. C'est beau et des brins d'herbe éparses y poussent encore par petite touffe séparée entre elles de 20 à 30 cm. L'ensemble est encore un peu vert, mais c'est une illusion, car quand on se rapproche, on distingue clairement que le sol est en grande partie vierge et l'herbe rase ne suffit plus à nourrir d'abondants troupeaux comme c'est le cas plus au Nord.  D' ailleurs, nous ne croisons plus que très peu d'animaux et pas beaucoup d'humain non plus. Le Désert recommence à proprement parler. On avance en moyenne 50 km par jour sur une piste très cahotique, parfois le sable est tellement présent qu'il faut pousser le vélo sur 50 mètres. Parfois, il nous stoppe net, et il faut alors poser rapidement le pied au sol, sous peine de tomber, l'articulation du genou en prend un coup lorsque l'opération se répète plusieurs fois par jour, ou alors, le sol est déformé en "tôle ondulée" qui secoue affreusement, on a l'impression de se faire botter les fesses en permanence. Impossible dans ces conditions de rouler l'un à cote de l'autre et de discuter en marche. Il faut être attentif à la piste, viser en permanence la meilleure trajectoire pour éviter de se retrouver embourbé dans le sable ou secoué en tout sens. Dommage car on loupe ainsi une partie du paysage. Oui, il n'y a rien à regarder, mais c'est justement ça qui est beau: l'espace. L'espace sans limites, sans barrière, sans fond, sans verticalité, l'espace libre, simplement libre! Et le silence, rien, il n'y a rien ici, rien... Pas de voiture, pas de maison (quelque yourtes au loin), pas de bruits de travaux, de haut parleurs, pas de musique, pas de paroles, pas même le bruit d'éternuement constant des troupeaux de chèvres ou de chevaux puisqu'il y en a presque pas. SILENCE. On pédale ainsi dans le vide sonore et spatial pendant près de 6 heures par jour. Je me sens comme détachée de moi-même, mais vraiment présente ici et maintenant à tout instant. Je me sens hors du temps et de l'espace, seule dans ce monde de néant si intense, qui est tout sauf vide. Il est plein en réalité, plein d'un vide physique et sonore palpable, dense, compacte et rassurant. Un vide qui donne de l'espace à l'être, un vide fondamental qui n'effraie pas mais qui libère au contraire! Tous les sens en éveille, la présence les anges est une évidence.


Mais que peuvent bien manger ces pauvres bestioles?
 

Pourquoi dans nos pays dits civilisés, associe-t-on le vide au manque, à quelque chose de négatif? Être plein de vide, c'est être plein de place disponible, plein d'ouverture, prêts à la surprise, à l'émerveillement, à la rencontre... Le voyage est un apprentissage constant, des découvertes profondes, des remises en cause intenses et enrichissantes.

La piste même se perd dans ces étendues sans limites,



Cette expérience mongole hors des sentiers battus est magique, l'une des plus profonde de tout le voyage. J'y ai ressenti des choses très troublantes et qui m'ont apportée des sentiments nouveaux et agréables. Les mots ne sont pas très adaptés pour retranscrire cela. Simplement, il faut être là, ces sensations de liberté sont incapturables, aussi volatiles que réelles et tangibles. Elles  ne se laissent pas prendre, elles ne se mettent pas en bouteille, il faut les sentir sur place, les vivre soi-même dans son coeur. Quel énorme cadeau nous nous offrons, quel énorme chance la providence nous a donnée de pouvoir vivre en personne cette aventure! J'aime ce que je suis entrain d'accomplir, mon sentiment de reconnaissance sans borne va à tous ceux (famille et amis) qui nous soutiennent inconditionnellement, qui participent, en nous accordant leur confiance, en approuvant nos choix et en nous laissant notre libertéà rendre réel ce rêve fou de balade à vélo... à la découverte du monde! Merci! Nous aimons cette pureté de tout notre coeur. Nous aimons la Mongolie, les gens, les paysages, sa terres, son âme et l'atmosphère de Paix qui s'en échappe sans cesse, toujours elle donne, jamais elle ne reprend, jamais elle ne se tarit...  

Campement au milieu du néant



Nous commençons à souffrir réellement de la chaleur. On règle le réveil à 5h00 du matin pour pédaler dans la relative fraîcheur du début de journée. Puis à midi, on étend un drap (merci Janine) entre les deux vélos pour nous abriter de la brûlure de l'astre solaire, puisqu'aucun arbre, aucune construction, rien ne projette une quelconque ombre sur cette terre tapissée de gravillons qui réverbèrent atrocement la chaleur. On ne parle quasiment pas, on somnole, impossible de se concentrer pour lire, écrire ou tout autre chose. On économise nos forces pour rester calme, centrés. Nos cerveaux se trouvent engourdis par les températures ambiantes. Si on y réfléchit trop longtemps, la folie vient frapper à la porte de l'esprit, aucun échappatoire, emprisonnés sans barreau dans les conditions climatiques, l'anxiété monte, autant ne pas y penser. Le soir, on s'endort portes de la tente grandes ouvertes afin d'y laisser pénétrer l'air frais des nuits du Gobi. A travers la moustiquaire apparaissent sur un ciel d'encre, des millier d'étoiles. Cet écran céleste ne semble pas avoir de fond, on a l'impression qu'à l'oeil nu, se dévoilent à nous plusieurs couches de galaxies successives.


De l'ombre!

Enfin le soleil se couche, peut-être la température baisera-t-elle un peu?

Ondorshil, on est assis à l'ombre d'un grand bâtiment, le vent extrêmement chaud balaie le sable, le fait voler en tous sens, nous écrase en faisant encore monter la température de quelques degrés. Même à l'ombre, on est comme absents à nous-même, est ce vraiment la chaleur, ou ce que nous venons de vivre dans la solitude des steppes? Hagards, hébétés. Jean-Da exprime que son niveau de résistance aux conditions météorologiques ont atteints leur seuil critique. Des passants nous  accostent au hasard et je tente d'exprimer notre désir de filer d'ici en "machine" (véhicule à moteur en mongole), vers Sainshand, Choyr, Airaig..., n'importe quelle destination  se rendrait un hypothétique véhicule et qui rallie une route goudronnée. Ce n'est pas une décision facile à prendre. Objectivement, oui, les limites sont atteintes, il fait trop chaud, impossible de rouler dans une chaleur pareille, et les pistes sont de plus en plus mauvaises. Et comment savoir si cela ne va pas encore en s'empirant plus loin? Phsychologiquement, c'est un deuil à faire en quelques minutes, comme une rupture, un abandon, un déchirement au fond du coeur... qui égratigne l'âme. Nous planions, ici dans ce vide, ce silence, cette immensité  flotte une densité rassurante, nourrissante, enveloppante, douce comme les bras d'une Maman et fortifiante comme la confiance accordée par une Mère... nous planions. Je refuse de laisser ce sentiment de bien être cotonneux dans lequel je vogue depuis plus d'une semaine maintenant, j'en veux encore, je l'aime, je veux m'y vautrer encore, m'y recueillir encore, m'y laisser vivre encore un peu, glissant sur le temps et dans l'espace comme une bulle légère et ferme, volatile et encrée au sol, à la terre. La tête me cogne, j'ai l'impression que mes entrailles se tortillent à l'intérieur de mon ventre, j'ai la nausée. Non, je ne veux pas quitter cet endroit, je ne veux pas abandonner cet état second, planant dans lequel je me sens entière et en paix. Raison et sentiments s'entrechoquent, se confrontent, se défient... Les choses se passent presque par elles-mêmes, comme "toujours". En cours de route, on a appris, appris à accepter ce qui se présente, appris à écouter, observer  les signes du "destin/Bonne Étoile"et à les "laisser agir" en adoptant une attitude d'ouverture vigilante en toute conscience. Un mini-bus part en fin d'après-midi pour Choyr. Il demande un prix dérisoire pour nous charger, nous et les bagages. On préférerait prendre une nuit de repos avant de s'élancer dans cette nouvelle épopée, qu'on pressent difficile, entasses un nombre indéterminé d'heures, en compagnies  d'un nombres indéterminé de passages, par des pistes qui seront sans aucun doute faites d'un mélange de sable et de tôle ondulées... Mais non, le départ est aujourd'hui et nous n'allons pas faire les difficiles, le chauffeur passe nous rechercher donc à l'ombre de notre bâtiment quelques heures plus tard. 

On tourne près d'une heure dans le village, s'arrêtant devant les maisons des autres passagers que le chauffeur va chercher personnellement chez eux, ce ramassage villageois s'effectue dans le calme le plus absolu. Ceux-ci ont oublié quelques choses à la maison, on y retourne, celle-la  souhaite s'arrêter au magasin pour s'acheter à boire, on y fait un saut, cette famille n'est pas prête, allons prendre d'autres personnes avant de retourner pour un dernier chargement avant le départ, le vrais, celui qui fait voler la poussière dans notre sillage à tout allure sur des pistes improbables qu'on emprunte à près de 80 km/h. Je ne savais pas m'être inscrite au Paris-Dakar (qui se déroule à présent en Amérique du Sud, n'est ce pas Charly! Alors pourquoi s'entêter à le nommer de la sorte?) en montant dans cet engin. Chaque occupant a son siège et est installé confortablement, nos bagages ont été harnachés consciencieusement sur le toit et le surplus n'encombre pas de façon anarchique l'habitacle du véhicule. Pourtant, après quelques kilomètres, je commence sérieusement à m'interroger. Qu'est ce qui est le pire, le mini-bus de brousse ou le vélo par plus de 45 degrés? Il semble qu'il n'y ait pas de moins pire.... Pour la première fois depuis longtemps, là dedans, je me suis sentie une vraie touriste, une intruse, pas à ma place... une vraie blanc bec. Un couple de grands-parents, dormait paisiblement, les tresses de la longue chevelure de la grand-mère basculées à la limite de se rompre la nuque, en arrière sur le dessus du dossier du siège qui ne présentait pas d'appuis-tête. Les enfants étaient sagement assis sur les genoux de leur mère, sans un mot, pas une demande de pause pipi, pas une réclamation de rafraîchissement, ni une protestation malgré la chaleur étouffante... Pas de clim' bien entendu, les fenêtres du véhicule sont ouvertes en grand et les rares fois ou nous croisons un camion, il faut les fermer vivement pour éviter de s'asphyxier à cause de la poussière de la piste qui s'infiltrerait partout dans la voiture. Éviter de penser que nous sommes assis tout à l'arrière de l'engin et que nous n'avons pas accès à une porte d'évacuation, nous sommes en quelques sorte prisonniers de cette boite mouvante, ne pas laisser la claustrophobie s'installer dans l'esprit, se répéter qu'il y a assez d'air qui circule. Les virages se prennent à toute allure, les trous et les bosses quant à eux, engendrent un petit freinage qui évite de justesse qu'on décolle de la piste. Une musique planante, mongole, douce et mélodieuse, légère et profonde à la fois, typique, s'échappe de hauts-parleurs. C'est beau, transportant, l'ouïe, se joint à la vue. Le paysage défile à une allure effrayante, je le regarde, le fixe essaie de m'en gorger dans l'intention d'en stocker un peu à l'intérieur de mon être, d'emmagasiner un peu des sentiments de plénitude qu'il m'inspire. M'aperçois que c'est impossible. Pourquoi? Est ce par ce que pour ressentir les vibrassions transcendantales (je n'exagère pas), il faut être là, vraiment là, ici, maintenant, tricher est impossible. Il faut le vivre dans l'instant et savoir en profiter comme le bien précieux et rare qu'il est? Sens en être avare? Plus on essaie de le posséder et plus il nous échappe. Ou est ce parce que mes nausées se renforcent de minutes en minutes et j'engage déjà passablement de mon énergie à éviter de vomir? (merci pour le cours Isa). On s'arrête à une yourte, j'ai tellement transpiré qu'on dirait que je me suis pissée dessus. Heureusement, Jean-Da semble avoir le même problème, je me sens un peu moins honteuse. Un homme embarque un sac de toile plein de ce qui semble être des entrailles d'animaux, l'odeur s'insinue partout dans la carcasse du véhicule, une puanteur carnassière, douceâtre et lourde à la fois, qui retourne l'estomac et rend la salive acide. Cette fois j'ai juste envie de vomir, de dire "stop, arrêtez ce véhicule, je veux descendre, j'ai besoin d'air, j'en peux plus des pistes bosselés et de ce sac de peaux de chèvres ensanglantées sous mes pieds, qui pue tellement que je vais tourner de l'oeil". Jean-Da galant, me laisse la place près de la fenêtre. Je respire à fond, me concentre sur le paysage, défilé de collines, de troupeaux, de steppes, peu à peu le soleil décline, il fait moins chaud, on s'habitue à l'odeur de la mort.

la Mongole nous fait signe par la fenêtre.



Choyr, il fait nuit, le mini-bus nous dépose devant la gare. Les hommes passagers, nous aident avec enthousiasme à descendre nos bagages du toit et s'assurent que rien n'est manquant avant de repartir. La femme tenant l'hôtel que nous avions fréquenté dans cette petite bourgade le mois dernier, nous accueil à nouveau à bras ouverts. Elle rabroue les jeunes qui s'obstinent à vouloir discuter avec nous alors qu'il est déjà tard, remet en branle, pour nous, sa machine à laver le linge et sa bouilloire électrique. Douches chaudes, repas rapide et lits confortables. On est exténués, abasourdis, comme projetés dans une réalité trop différente de celles qui nous entourait encore, pas plus tard que hier au soir, reconnaissants d'être couchés confortablement dans un lit propre, dans cette maison  l'on se sent réellement les bienvenus. Le lendemain, Jean-Da entreprend le service des vélos pendant que je me rends à la gare. Devrions nous prendre le train direction Benjin? Ce pourrait être une expérience intéressante... Munkhtsetseg, une aiguilleuse ferroviaire vole à notre secours en appelant son frère au téléphone, il parle anglais et fait la traduction simultanée au personnel du guichet. Grâces à eux deux, on comprend qu'embarquer dans un train international depuis Choyr ne semble pas chose aisée, bien que ce bled soit tout de même la capitale de l'Etat de Govi-Sumber. On décide de poursuivre à vélo jusqu'à la frontière afin de profiter jusqu'au bout de nos visas, des magnifique paysages et de l'atmosphère surréaliste de la Mongolie. Nous ne pouvons accéder à aucun wifi, ce qui nous conduit à rencontré Borison. Un mongole amoureux de l'Europe  il a reçu un accueil chaleureux de la part des occidentaux lors de ses 5 années d'étude en Allemagne. Ça fait du bien d'entendre que l'Europe peut être aussi une terre chaleureuse, peuplée de personnes généreuses et ouvertes au partage et à la différence. Ceci, et peut-être le fait qu'il n'en est pas à son premier verre apéritif, délie sa langue et accentue son hospitalité. Il nous conduit chez lui pour qu'on utilise internet, qu'on rencontre sa famille, sa femme nous prépare un repas délicieux. La nationalité russe de son père, nous dit-il, engendre de la méfiance vis a vis de lui en Mongolie, il ne comprend pas, et semble en souffrir. Comme à notre premier passage, Choyr nous aura à nouveau confrontés à la gentillesse de ses habitants et à son charme de bourgade paisible.

Retrouve le goudron! Ouf!

Quelques kilomètres après Choyr, la voiture de Tsog-Tsog  nous arête. L'homme en sort et nous tend un billet de 1000 Togrogs. On lui explique "nous avons de l'argent, pas la peine de s'inquiéter pour nous". Rien à faire "c'est pour boire!". Du coup le soir, on s'offre une bouteille de bière qui constituera notre apéro de célébration du 1er Août (Fête Nationale Suisse), bien que nous soyons conscient que nous avons un jour de retard. C'est que nous sommes de vrais patriotes nous, on respecte le décalage horaire! Peut avant Sainshand, une grande arche sur la route, délimite la frontière de l'Etat de Dornogovi, on y pic-nic. Un couple en 4x4 s'arrête pour nous fournir, par pure générosité, des boissons sucrées et des pièces de viande grillée. Au village, les sourires malicieux d'une mère et sa fille qui nous font entrer chez elles pour remplir nos bouteilles aux deux robinets d'eau courante que compte la demeure, nous donnent du baume au coeur. Et les bons conseils de Koko, un cyclo Coréen, nous convint de privilégier le bus au train pour rallier Benjin après avoir franchi la frontière par la route, comme à l'aller. Ces actes gratuits à notre endroit ne cesseront jamais de nous émerveiller. Par contre un homme saoul, décide que d'accrocher un drapeau mongole à l'arrière du vélo est disrespectueux pour le pays. Le secouant en tout sens, il fait tomber Diogène et, au lieu de s'excuser, menace Jean-Da en brandissant le poing. Quelques jours plus tard, ce seront deux compères fortement avinés qui décideront de nous intimider par des cris, puis de mimer un tir de fusil en notre direction, vexés de nos non-réaction. Les hommes mongoles défendent jalousement leur virilité, et quand l'alcool rentre en jeu, ils recherchent souvent la confrontation... animaux de basse-cour!


Le ciel est noir, pas sombre, noir, noir. Jean-Da a du flaire, on va se le prendre. Il a beau être 14h00, nous plantons le campement illico et à peine avons-nous termine, que de grosses gouttes s'abattent sur la tente, et se lèvent des bourrasques si violentes qu'il faut quasiment soutenir le tissus pour ne pas être écrasés à l'intérieur. Et puis, l'orage s'en va aussi vite qu'il est venu et nous préparons le repas devant le coucher du soleil, enveloppe de ce silence permanent et si paisible. 

L'orage approchant.

Passer la route à rebours réactive les souvenirs: la nous avions pris de l'eau, ici nous avions campé, là bas, nous avions fait la connaissance de Sanne et Michiel, tiens, notre lieu de pic-nic près de Ayrag, attention, il y avaient des chiens près de cette maison, voilà l'emplacement de notre première rencontre avec des chameaux, le massif de collines aux cailloux, la montée en travaux si raide... une belle descente à l'aller, et cette arche peu avant Zahmin-Uud, elle n'était pas là avant! 

Plus un brin d'herbe!

Sur toute la longueur du trajet entre Choyr et Zahmin-Uud, le vent soufflera à contre sens... Voudrait-il nous retenir ici? Nous ne sommes pas contre, nos visas expirent bientôt pourtant. La chaleur c'est un peu atténuée, bien qu'elle reste bien au dessus de la moyenne des 30 degrés. On pédale avec endurance à travers un paysage hautement plus desséché qu'à l'aller. Le vert de l'herbe a fané, et ça va en s'accentuant à mesure qu'on avance vers le Sud.  Elle est devenue brunâtre, ce qui procure un réel sentiment de Désert. Le Gobi, nous dévoile un autre de ses visages. Par endroit, des herbes sont teintées d'orange, la pairie a rouillé, parfois tout est jaune, on dirait que ce n'est que de la paille qui recouvre le sol. Les troupeaux semblent aussi plus éparses, mais les chameaux seront sur notre route chaque jour. Que d'exotisme!

Salut les bossus!

Chameaux le long de la route peu après Choyr.

Les longues heures contre le vent offre du temps de réflexion. Ce n'est que la troisième fois du voyage que nous repassons par des endroits connus (Montenegro et Zanscar), et je me dis  que c'est tout de même incroyable que mis à part ces deux précédentes expériences, chaque jour de nos vies est fait de nouveauté, de découvertes, de surprise totale en ce qui concerne les lieux. Ici, en un mois, l'environnement a beaucoup changé bien sure, il n'en demeure pas moins qu'il est possible de repérer des similitudes... Je philosophe sur l'Homme, être malléable et adaptable à souhait, et tant attaché à l'habitude, toujours en projet, dans l'expectative. Le connus semble nous offrir un sentiment de sécurité. Qu'il est facile et "agréable" de répondre simplement aux réflexes intégrés, cela évite qu'on ne se pose des questions dont les réponses pourraient nous gêner... Revers de la médaille: la lassitude, l'ennui poussent à l'apathie, l'indolence, le fatalisme. Ou au contraire à chercher des situations excitantes, se mettre en danger, transgresser les règles, la colère, la rébellion, les comportement déviants... et si le nouveau n'était pas à l'extérieur de soi, mais à l'intérieur... ?Regarder avec des yeux neufs, considérer chaque instant comme unique, un précieux grain du sable qui s'échappe en permanence du sablier décomptant le temps qui nous reste dans cette vie. Jean-Da quant à lui, après s'être révolté longuement sur le fonctionnement individualiste, consumériste et ultra-capitaliste de nos sociétés dites modernes, cherche à présent des solutions pour adopter concrètement un mode de vie alternatif. Le soleil nous tape sur la tête et l'omniprésence du vent donne l'impression d'évoluer au sein d'un four à air chaud réglé au max.

Devant un monument Bouddhiste a une centaine de kilomètres de Zahmin-Uud

Le passage de la douane cette fois s'effectuera de façon plus détendue. Nous n'attendons pas qu'un véhicule soit spécialement affrété pour nous et allons démarcher un chauffeur dont la jeep attend d'éventuels passagers pour ne pas aller à vide entasser des biens chinois dans son coffre, son moteur et le dessous de ses essieux. Comparativement à l'aller, on peut dire qu'on bénéficie d'un prix d'amis cette fois. Les douanes mongole jettent un coup d'oeil rapide aux sacoches entassées dans le véhicule et apposent le tampon de sortie sur nos visas. Côté chinois, les choses se corsent. D'abord, il faut sortit tout le bardas de la jeep et passer chaque bagage aux scanner. On se voit confisquer le poignard anti-chien que nous transportions (et qui n'a, dieu merci, jamais servis!), mais nous en sommes quitte en le laissant au douanier pourtant mis en alerte par la présence de papillons de nuit qui s'échappent de mon sac quand je l'ouvre pour lui tendre mon passeport. J'ai l'air d'un de ces magiciens faisant apparaître un lapin hors de son chapeau. Il a du nous prendre pour une sacrée bande d'hurluberlus, il fallait voir sa tête quand l'une des bestiole a jailli pour se projeter droit dans  sa figure, pas fière l'homme. Il se contient toutefois,  pas d'amende pour le grand couteau illégal sur le territoire. Ça y est, on est libres d'entrer dans l'Empire du Milieu. Notre chauffeur a la gentillesse de nous déposer directement à la station de bus de Erlianhot... bientôt nous seront à Benjin (Pekin).