dimanche 10 février 2013

Izmır-Konya

C'est un mois entier que nous avons passé en Suisse. Un mois à nous faire dorloter par nos familles qui nous ont accueillies chez elles avec un naturel déconcertant. Merci de nous avoir laissé nous immicer dans vos quodidiens.

Noël (ou toutes autres occasions de se rassembler autour de repas gargantuesques qui nous ont vite bien remplumés), a été fêté à moultes reprises. Chez les uns, chez les autres. L'occasion de retrouvailles touchantes et d'échanges de nouvelles. Après que Jean-Da et moi ayions vidé notre sac, en débıiant de manière compulsive la foule d'anecdotes que nous tenions, euphoriques, absolument à partager, nous avons pris du plaisir à écouter les récits de chacun qui nous ont parfois parus fort exotique en regard de nos ''nouvelles habitudes''. A travers ces échanges nous nous sommes sentis appartenir à une famille. C'est un cadeau inestimable que nos proches nous ont offert.

Merci aussi aux amis pour le temps qu’ils nous ont consacré malgré notre arrivée ''comme un cheveu sur la soupe'', pour l’intérêt que vous portez à notre périple et la confiance que vous nous avez accordée en vous  confiant à nous. Malgré le temps et la distance, l'amitié reste intacte. Merci pour ce fil d'Ariane qui sécurise quand le vague à l'âme chavire nos intérieurs.

Un mois fort en émotions donc... qui ne nous a pas laissé indemne. Même ''chez soi (?)'', l'aventure continue. Une foule de questions sont apparues. Le sentiment d'être emmêlé dans ses (ces) repères, d'être en décalage par rapport au rythme de vie. L'envie de partager intensément chaque instant passé auprès de ceux qu'on aime, d'offrir en retour ce qui nous a été donné, parfois en contradiction avec les bonnes résolutions tirées des expériences vécues dans l’itinérance. Nos vœux pieux de prendre le temps d’apprécier le moment présent, d'être pleinement la, ont été mis à mal. Le besoin de se reposer aussi de ces sept mois de vadrouille, de vie intense, d'inconfort tout de même et de vigilance soutenue. Besoin dont on a parfois honte. Nous qui nous offrons le luxe de vacances prolongées, avons du mal à assumer et à expliquer notre fatigue face à notre entourage toujours au labeur et au prise avec leurs tâches quotidiennes énergivores et contraignantes. L'envie de solitude contemplative pour laisser divaguer l'esprit, se remémorer au petit bonheur la chance, les expériences vécues, les intégrer, les digérer, se les approprier...mais c'est pour être avec nos proches que nous avons choisi la Suisse comme point de chute.

Frustration et perte d'équilibre se mélangent avec joie intense et soulagement. Tristesse aussi, tristesse de devoir dire aurevoir une fois de plus. Déchirement intérieur et appelle du large. Ce mois en Suisse nous a chamboulé. Chamboulé tout autant que nos découvertes et rencontres quotidiennes sur les routes. Le voyage a-t-il des frontières?

Et tout à coup un flash. Dans le train qui nous amène vers Zurich Flughaffen, notre voisine de compartiment veux nous offrir un café. Un geste somme tout anodin (quoique, ça vous est déjà arrivé à vous?), et la, tout s’éclaire. C'est la qu'est notre place, dans ce périple, à la rencontre de l'autre, à la découverte du monde.



A peine débarqués, on renoue avec la serviabilité turque, on nous indique le bus à prendre pour rejoindre le centre ville tentaculaire. Frisson au moment de passer le Bosphore. Retour en Europe, encore... En deux jours on survole Istanbul, dire visiter serait indécent.

La Mosquée Bleue et Aya Sophia. Construites à plus de 1000 ans d’intervalle, les deux bâtiments rivalisent de beauté et savent impressionner leur public. Toutefois, leur visite nous a moins exaltée que celle de la veille Mosquée d Edırne. Venus en avions, nous avions ( ça fait beaucoup d'avions) moins l'impression de mériter leur découverte. L’ancienneté des ornements de la Sainte Sophie fait rêver et le mélange des décors Chrétien et Musulman nous enchantent. La Vierge au plafond du cœur veille sur le Bar indiquant la direction de la Mecque, à peine décalé sur la gauche par rapport à l'axe du monument. En quittant le nartex (corridor frontal) on passe sous la mosaïque représentant l'empereur Constantin offrant Constantinople à Marie pendant qu'un autre empereur, Justinien, lui offre Sainte Sophie, puis on atteint l'ombre de l'un des quatre Minarets qui encadrent le bâtiment.

Istanbul, Aya Sophia ou Sainte Sophie, quel volume, quelle grandeur

Les parois de faillance de la Mosquée Sultan Ahmet sont enchanteresses. Par un savant travail d'architecte, la lumière s’infiltre à grandes goulées par des fenêtres pourtant relativement petites et se reflète sur l’émaille bleue allant de l'azure au roi. La Mosquée Bleue, la bien nommée.

Istanbul, la Mosquée Bleu avec ses 6 minarets

Mosquée Bleu, vue intérieure

Le Grand Bazar aussi retient toute notre attention. De l’extérieur,  on ne voit rien du bâtiment, on plonge à l’intérieur dans un dédale de rues marchandes couvertes d'arches décorées de penture bleu et rouge. Ça grouille de monde (oui, même en janvier) et d'activité. Les étales éblouissent les sens, partout des senteurs, des couleurs, des textures. Ce n'est de loin pas qu'un lieu touristique, ça respire l’authenticité. Une ville dans la ville, une économie en soi. On y mange, on s'y rencontre, on y regarde la télé, on y joue de la cithare, on y échange des nouvelles, on y plaisante, des thés circulent incessamment depuis les ''cayeries'' jusqu'aux diverses commerces... En fait, tout un pans de la colline croule sous un dédale de rues marchandes, tout aussi animés, l’activité ne se cantonne pas aux Bazar à proprement parlé.

Istanbul, le grand Bazar...


...lanterne magique?...
...pour les yeux, pour le nez ou la bouche?...

Comme expulsés du marché aux Epices vers le Pont Galata, nous rejoignons l'autre rive de Petit Bosphore. L’énorme Mosquée Rüsten Paşa au sommet de sa colline, dore sa silhouette aux derniers rayons du jour déclinant. A droite le Palais Topkapıs s'illumine, ainsi qu'au loin, le Pont du Bosphore. En équilibre précaire entre deux eaux, les pécheurs, véritables habitants du pont, proposent leur poisson et moules fraîches. Nos amis cyclo Anne-Laure et Guillain nous attendent au pied de la tour Galata pour une soirée de retrouvailles que nous prolongerons jusqu'au petit matin. Les copains nous aident à renouer en douceur avec notre pérégrination cyclonaute.

Istanbul, Mosquée Rusten Paşa en arrière plan

Istanbul, le Bosphore avec son pont suspendu


Après une nuit de transite, le paysage qui défile par la fenêtre d'un train ballottant nous ramène à la réalité turque telle que nous l'avons laissée: Maisons désordonnées, quartiers d'immeubles sortis de terre sans transition avec la campagne environnante, chiens errants, ''cayerıes'' à chaque coin de rue, poules qui picorent librement dans les villages, déchets qui jonchent les bordures de route... Les champs sont détrampés, il pleut depuis des jours!

On nous accueil à Taşköy comme de vieux amis de la famille. On profite de cette journée pour préparer notre départ du lendemain: service des vélos et repos. Hakan, sa femme, Hassan et toute la troupe sont enthousiastes face à notre fondue qu’ils agrémentent à la turque: cornichons, choux-fleur, viande séchée, pommes de terre. Rigolades et discussions arrosées de Villeneuve et de Saint-Saphorin du cru. On ne pouvait pas rêver mieux!

Taşkoy, on mange une fondue en Turquie

Sous la pluie battante et un vent contraire, on rejoint Izmir, 2'700'000 habitants. Plus facile à traverser en train qu'à vélo. On mettra deux jours à s'en échapper, un changement de pédalier sur le vélo à Leo nous ayant retenu.
Izmir sous la pluie, pas facile de se frayer un chemin



Izmir, quartier d'habitation

Jadis au bord de la mer Égée, Effet étend sa Voie du Port, pavée de marbre et bordée de colonnes, vers un théâtre démesuré. Jusqu’à 25'000 citoyens y assistaient à des représentations de chant, puis plus tard, à des combats de gladiateurs. C'est ici aussi que Saint-Jean tenta de convertir la ville au Christianisme. Nous restons ébahis devant la façade de la Bibliothèque Romaine gardée par les statues des Venus Sophia (Sagesse), Epıstenıe (Connaissance), Artele (Bonte), Ennoie (Pensee). On se promène dans l'Agora tétragonal avant de rejoindre la Rue de Marbre jalonnée de temples, qui mène à la ville haute composée, entre autre, d'un second théâtre et d'une Agora aux dimensions insensées. 
Aussi loin que porte notre regard sur les collines environnantes, des restes de bâtiments attestent de l’étendue de la cite. Autant dire qu'une journée nous sera  à peine suffisante pour faire le tour du site grandiose.

Effes, rue de marbre avec le théâtre au fond
Effes, l'agora était le lieu de rencontre et de commerce



Effes, façade de la bibliothèque



Gros plan sur le travail des tailleur de pierre (bibliothèque)



Effes, théâtre depuis lequel Leo a chanté un chanson sur la scène pour vérifier l’acoustique des lieux

Sous un toit, les protégeant des intempéries, les maisons en terrasses, habitations de la classe dirigeante, recèlent plusieurs parterres de mosaïques, ainsi que des peintures ornementales merveilleusement bien conservée. Au milieu du fouillis des rues, on distingue même une Cathédrale au haut dôme. Un système de tuyauterie en terre cuite, délabré, permettait de ventiler les demeures et d'amener de l'eau chaude dans les Bains. Une prouesse de technologie. En repartant, on passe devant le gymnase et le stade dont les pierres ont été réutilisées à l’époque Byzantine pour construire le château qui domine à présent la ville de Selçuk. Espérons que bientôt, leurs vestiges pourrons être dégagés de la végétation qui reprend ses droits et rénoves afin qu'Effes nous livre encore d'autres de ses trésors.

Effes, quartıer d habitation ou on peut voır des mosaiques et des peintures


Nous quittons l’Égée et le marrais fermé par le manblais du port d'Effes pour rejoindre la rivière Menderes et ne plus s'en défaire jusqu'à Pamukkale. Au dessus du village, un pans entier de colline est couvert de vasques en escalier formées par des concressions de calcaire depuis lesquelles de l'eau tiède s'écoule vers un étang azure. Une merveille de la nature, un cadeau!

Bassins de Tavertin en dessus du village de Pamukkale
On marche pied nus sur le calcaire dessinant de minuscules vaguelettes comme le sable à marée basse. Jean-Da plonge dans une vasque et s'offre un peeling aux micro-particule calcaire.

A pied nu dans l'eau chaude 
 Au haut de la colline, on rejoint Hierapolis. Occupée des le 1er siècle et jusqu'au Moyen-Age, la ville thermale antique, nous compte l'histoire des diverses civilisations qui y sont séjourné. Les pierres des monuments les plus anciens ont été recyclés sans les plus modernes. De la Necropole, au Théâtre Hellenıque, de l'Agora aux Thermes Romains, du Temple d’Apollon au Calvaire de Saint Paul jusqu’à l’église Byzantine, le clou du spectacle est à n'en pas douter, le Théâtre Romain. Depuis ses gradins, on embrasse une panorama à 360 degrés sur la cité et son décor. Les ruines, les travertins calcaire d'un blanc étincelant, le sillage ocre de poussière, la plaine quadrillée de champs verdoyants, puis les montagnes saupoudrées rosâtre dans le jour qui décline déjà. Demain à nouveau en selle!

Pammukale, en dessus des bassin de travertin se tiens la ville antique de Hierapolis
Boussole plein EST! Nous évoluons dans une large vallée à fond plat fermée par deux chaines de montagne sur le sommet desquelles la neige pointe, on s'attend à avoir froid!

la neige est proche



La route est large et comprend une piste d’arrêt d'urgence, une aubaine pour cyclistes! On nous avait dit de nous méfier du trafic turque, mais ce sont de fréquents petits coups de klaxon qui nous saluent au passage. Si plus bas les champs étaient planté d'orangers et de figuiers, la plaine est maintenant devenue industrielle, plus haut encore les entreprises d'extraction de minéraux tiendront le devant du tableau avant d'être reléguées par la vigne, puis les champs en laboure. Plus bas nous saluons au passage les tenanciers des échoppes de vente d'agrumes, de figues, de jus de fruits frais pressés, d'olives, de vannerie et de céramique, plantées au bord de la route. A présent, on agite nos mains quand on rencontre un berger poussant son troupeau de moutons ou des fermiers semant à la volée. Nous pensions aller au devant de dures étapes de montagne, mais il n'en est rien. La pente reste douce (entre 1 et 4%), et il ne fait pas froid non plus (jusqu’à 22 en journée). Nous sommes ravis des paysages qui defilent au rythme cadence de nos tours de pédales. 
On atteint de lac Aeigöl, surpris des tas de sel qui jonche ses rives. Le soleil se couche sur le lac, illuminant la montagne sur le rivage oppose, les roseaux bruissent au vent et le ciel se teint en rose. Nous sommes bien heureux de retrouver notre tente et les campings en pleine nature. qu’il est bon d'être auprès des éléments quand ils sont cléments.


Lac de Aeigol, campement de fou dans un lumière du soir
Lac de Aeigol, lumière du matin

Depuis les plateau d altitude (1000 m.)
Une platitude aux allures steppiques s'ouvre devant nous, certains champs sont tellement encombres de cailloux que les petits brins vert tendre des semis peinent à percer. Dans le fond des collines pelées, desséchées, arides tranchant avec les monts enneigés qui ferment l’horizon. Vision étrangère, émerveillement, yeux écarquillés!

Dans ce  début d'étape nous avons dormi à plusieurs reprises dans les stations service. Tour à tour on nous met à disposition un avant toit, une salle de restaurant, une pièce désaffectée au deuxième étage de l’immeuble. Toujours, on nous convie pour le thé autour du poêle à bois qui crépite. A deux reprise on nous offre même le repas, une fois on nous prêtera des outils. Nous avons décidément beaucoup à apprendre de hospitalité turque, la chaleur du poêle, un thé ne coûte rien, pourquoi ne pas en faire profiter chacun?

Ambiance du soir dans l'une des station d'essence

A la hauteur de Dinar, on entame nos premières montée pour contourner un massif parfois en nous battant contre un vent contraire qui nous barre la route. On passe un col à 1303 mètre d'altitude au milieu d'une forêt de conifères, puis on s'enfonce à nouveau plein Est dans une nouvelle vallée où hibernent les pommiers, les cerisiers et les amandiers. Malgré l’altitude (900-1000 m), il ne fait toujours pas froid, on frôle pourtant la neige du massif se dressant au dessus d'Uluborlu.

Ennuis technique. Les visses  du porte bagage avant de Leo ont cédé et sont maintenant coincées dans leur pas de visse. Dans le cartier des ferrailleurs/mécano de Senırkent une réparation s'organise. Une soudure électrique plus tard, Diogene est à nouveau sur pied! Pour tout payement nous partagerons une plaque de chocolat suisse avec le nombreux public venu assister à l’opération, on refuse notre argent.
Jean-Da n'est pas en reste côté casse, puisque son pneu avant s'est déchiré et il crève maintenant à répétition.
Village de Senirkent où la réparatıon du vélo de Leo à eu beaucoup d'yeux

L'aurore pointe sur le lac de Hoyran, brumeux. Les ombres chinoise des montagnes se découlent sur un ciel radieux. Les premiers rayons embrasent leur cime tout de blanc vêtu. On emprunte une route principalement dans les hauteurs du lac fermé par deux montagnes. 

Jean Da content, euphorique d'évoluer dans ce panorama

On oblique vers le Sud pour rejoindre Yalvaç par quelques béquets. Ce ne sont pas les montées qui nous coupent le souffle mais bien le paysage. Les champs forment des taches de couleur toutes différentes, vert pistache, vert crème, ocre, jaune paille, oranger, rouille, puis brun, puis rouge sang, puis un village niche dan les plis d'une colline à l'herbe rasée par des troupeaux de moutons dévalent la pente. Puis gris des roches d'une parois qui monte à pic derrière le hameau, puis le blanc pur de la neige sur les Karakus Dağıa à plus de 2'000 mètre d’altitude. Du jamais vu!

Admirez

Quelques montée encore et on arrive au lac Beyşehır. Moammer arrête sa voiture. Il veut qu'on le prenne en photo avec sa petite fille puis qu'on lui envoie les clichés par la poste. Les gens font tellement  pour nous, face à une demande on ne peut qu'accepter. Puis il nous invite à manger chez lui. Bombance de spécialités turques autour du plateau à pied sur le sol tapissé du salon aux tapis tissés. Şifa et Aifa (la maitresse de maison et sa belle fille) offrent à Leo un foulard et une écharpe tricotée main, et comme si ça ne suffisait pas, remplissent nos sacoches de vivres pour la route. Un moment de partage qui semble si naturel pour eux. C'est le cœur charge d’émotion et l’âme pleine de chaleur humaine qu'on repart sous une avalanche d'arc en ciel. cadeau de la nature pour compléter le moment magique.

Leo dans le salon de Moammer avec Aifa et sa fille


ON roule a nouveau vers l'Est. encore et encore, une boussole qui nous appelle. On s’élève vers les cols qui nous séparent de Konya dans un paysage rocheux. On salue au passage le Caravanaseraı de Kizilören et atteignons le col de Hanönü a 1560 m. De petites plaque de neige fondent au bord de la route.

OUF! Pas de neige sur notre chemin finalement. Voici tout ce qu'on a pu récolter!
Notre montée la plus ardue sera pour la fin. Une pente à 10% nous mène au col de Belenbası à 1460m, puis on entame une grande descente vers la ville des Dervıches Tourneur.

La grande Konya, nous attend au bas de la colline.