dimanche 29 juin 2014

Mongolie: Erenhot - Ulaambaatar

On s'est fait rouler! En se répartissant les Togrogs Mongoles que nous avions échangées contre nos dernières Yuans Chinoises, on réalise qu'il manque un "paquet de billets". Les banques chinoises ne changent pas de Togrog (?!), il faut donc s'adresser aux femmes postées aux portes du marché couvert et effectuer la transaction "à la sauvette". On s'est donc fait plumer comme des blancs becs par une maligne qui aurait dissimulé des billets de 5'000 dans une liasse de 10'000 T. Coût de l'opération, 25 CHF, pas grand dommage donc, mais le capital confiance s'en trouve entamé. On appréhende la Mongolie avec méfiance, du moins en ce qui concerne les transactions financières. C'est dommage, d'autant plus que par la suite, nous serons plutôt surpris en bien par l'honnêteté des commerçants qui s'appliqueront à nous expliquer les prix et à respecter ceux indiqués sur les produits, des restaurateurs qui semblent encaisser le tarif courant et de la serviabilité d'une hôtelière de Choyr qui entreprendra même d'aller nous acheter de la lessive. Plus généralement, les Mongoles que nous rencontrerons seront plein de générosité, allant même jusqu'à nous inviter chez eux pour un thé, un repas et des moments de partage.

Notre hôtel à Choyr

Au premier check point avant la frontière, on nous arrête, impossible d'emprunter les quelques kilomètres de route qui séparent les deux pays au guidon de nos vélos. Il faut un véhicule motorisé, on nous demande de patienter et l'officier en charge transmet par radio l'arrivée imminente de deux citoyens Suisses. Cette attente, assis sous un soleil de plomb, nous permettra d'observer avec amusement et déconcertions, les jeeps d'un autre âge, bourrées à craquer qui circulent entre les deux pays. Les différentes pièces de ces "antiquités" russes, tiennent assemblées entre elles par miracle. Aucun espace n'est négligé, il s'amoncelle des marchandises jusque sous le capot du moteur ou attachées sous les essieux. Les passagers s'entassent sur les cartons empilés dans les coffres, leur tête touchant le plafond. On est dubitatifs, si la Chine des villes est en plein essor économique et teintée de consumérisme, la Mongolie semble, quant à elle, figée dans le passé et conter ses deniers. On comprendra ensuite étrangement le coût des biens est moins élevé en Chine, c'est pourquoi les citoyens mongoles habitant près de la frontière y font leurs emplettes. Bien que la ville de Zamyn-Uud, nous apparaisse aussi comme très dénuée en comparaison de sa voisine chinoise (commerces peu fournis, routes défoncées voire non-goudronnées, baraques de bois, yourtes et immeubles de l'air soviétique...), nous découvrirons que les apparences sont bien plus sombres que la réalité.
Lors de nos premiers achats, nous sommes soulagés de trouver tout ce dont nous avons besoin dans les échoppes de Saynahand. Surpris aussi de découvrir quantité de produits d'importation à prix abordables, même pour les locaux. Les yourtes, loin d'être des habitations sommaires, offrent tout le confort nécessaire aux familles Kahlk qui y vivent. Sur la route, l'un d'eux n'hésiter pas à nous présenter fièrement sa demeure. Une épaisse porte de bois orientées au Sud  à l'abri du vent dominant, deux solides poteaux centraux superbement peints de motifs aux couleurs vives, une moustiquaire qui protège des indésirables insectes quand les pans inférieurs de la couche de laine matelassée sont relevés à l'extérieur pour laisser passer l'air et rafraîchir l'atmosphère intérieur au moment de la sieste prise sur un lit ou un duvet à même le sol. Le poêle qui trône habituellement au centre de la pièce est absent pendant la saison d'été. Sur une commode au fond, un téléviseur écran plat et dans le coin, près de l'armoire flamboyante, un frigo branché à des panneaux solaire. Le regard de notre hôte pétille, les sourires transparaissent sur les visages de sa femme et de ses enfants. Avant de tirer du puis, l'eau dont on a besoin pour reprendre la route, nous serons invités à nous asseoir et partager le repas: un bol de riz au lait dans un bouillon agrémenté de morceaux de viande. Honorés et intimidés, on savoure notre chance d'être là, sous une yourte mongole... en si charmante compagnie.

Dans l'immensité sans fond, une tache blanche


Les Yourtes sont aussi des habitations usuelles dans les villages

Maintenant que nous somme sur la route depuis quelques jours, on réalise aussi que la plupart des véhicules n'ont rien à voir avec les "épaves" rencontrées à la frontière. Le trafic est peu dense, il faut l'avouer, mais il est principalement composés de voitures ou de jeeps modernes, de semi-remorques ou de camionnettes de chantier, surchargés certes, mais qui ressemblent à ce que l'on peut voir en Europe par exemple.

Vus de loin, les villages (même les capitales de Province) ne ressemblent quant à eux, à rien de connu. Ils paraissent issus de vieux films de "Far West" mais à la mode Mongole.  De chaque côté des allées de sable, exemptes de déchet (!), des palissades faites de bric et de broc entourent les habitations de bois ou de briques qui semblent peu confortables. Un matin, alors qu'on campe derrière un mur pour s'abriter du vent, la professeure d'anglais de Dalajargalan vient nous inviter à déjeuner. Son intérieur est stupéfiant. Deux chambres à coucher équipées de lits et tapissées d'un papier peint dernière mode. Son maris, policier, est confortablement installé dans un canapé d'angle de daim crème. Des casseroles chauffent sur des plaques électriques posées par terre près du poêle métallique. Ici, comme dans toutes des habitations dans lesquelles nous seront conviés, tout est propre et méticuleusement entretenu. On nous installe autour de la table centrale et nous offre du café soluble, tout en nous présentant sur prospectus le programme de prévention écologique mené par les écoliers du village. Chaque années des échanges ont lieu ici avec des élèves et de enseignants de Denver (USA). On croit rêver! Vu de l'extérieur, le dénuement apparent de ces villages laisse penser qu'ils sont peuplés de quelques éleveurs de bétail obtus au fond de leur steppe venteuse, rudes et rudimentaires. Rien ne laissait présager d'un tel "luxe", d'une telle ouverture et vivacité d'esprit, d'une telle finesse, bienveillance, curiosité. D'autres rencontres encore, nous prouverons que nous avons à faire à un peuple cultivé, soigneux, respectueux, fière, fort et tendre, malin et joyeux, très calme et patient, spirituel et aimant. Il nous est impossible de dénombrer les sourires, les "sambéno" (bonjours), les signes de main, les regards complices, les petits cadeaux et autres signes de gentillesse que nous avons reçu sur notre chemin dans ce pays. La Mongolie apaise l'âme, chauffe de coeur, détend l'être et fait rêver l'esprit. On l'aime!

Au village de Dalanjargalan


Le menuisier de Choyr travaille dans la rue

Après plus d'une heure à patienter, on décide de s'enquérir auprès des douaniers. Notre jeep doit-elle arriver bientôt? C'est un malentendu, aucun jeep n'est affrétée pour nous et nous attendons en réalité un hypothétique véhicule qui aurait un peu d'espace libre pour nous embarquer. Un miracle peut toujours arriver, mais comme nos visas expirent aujourd'hui, on décide de prendre les choses en main et de ne pas s'en remettre au sort. On va donc embaucher un chauffeur qui trouve bon d'empiler nos sacoches sur un improbable ponton arrière formé d'un pan du coffre ouvert de sa jeep et de hisser nos vélos sur le toit, en équilibre sans corde pour les amarrer. C'est en faisant la grimasse qu'on monte à bord du véhicule et à chaque nid de poule (et ils sont nombreux) on serre les dents. Comme je (Léo) suis assise une fesse dans le vide, accrochée à la portière avant de l'engin, j'ai tout le loisir d'observer attentivement à l'arrière pour m'assurer que l'aguillage de nos bagages tien bon. C'est en poussant nos vélos qu'on entre dans le bâtiment des douanes chinoises, ils nous accompagnent jusqu'au guichet avant d'être rechargés sur le toit de la jeep à la sortie de l'immeuble (?). Côté mongole, même cinéma, nous n'y comprenons rien, mais lorsque le tampon claque sur nos passeports, nos visages s'illuminent. Nous sommes absolument soulagés quand nous retrouvons notre chauffeur qui détient toujours le reste de nos bagages. Rien ne manque! On peut y aller! Mais une douanière embusquée un peu plus loin, nous demande de vider nos sacoches, "contrôle sommaire" dit-elle.  C'est avec plaisir qu'on se prête au jeu, il aura fallut attendre la Mongolie, 16 ème pays visité, pour connaître enfin une "fouille en règle", on commençait à désespérer! Tout est en ordre, même si elle est tombée sur le puissant poignard de Jean-Da, on passe la barrière du dernier check point. Mongolie, nous voilà! Excités comme des puces...avides de découvrir, impatients de parcourir les 700 kilomètres qui nous attendent à travers de Désert de Gobi jusqu'à Ulaanbaatar, la Capitale.

On roule dans le Désert quand même...


Pour obtenir de l'eau, on s'arrête aux quelques Yourtes qui se trouvent au bord de la route


Nous n'avons pas effectue 3 kilomètres qu'on se retrouve sur une piste de tôle ondulée. Gros moment de doute, on nous avait assuré que la route était impeccablement goudronnée, l'une des seule du pays d'ailleurs car le reste des itinéraires se lisent à travers la steppe, de colline et plaine, marqués par deux traces sableuses d'un largeur de pneu chacune, dans le vide sidéral balayé par le vent. C'est le soulagement quand, quelques kilomètres plus loin, on retrouve le bitume. Ça peut paraître bête vu de l'Europe, mais cette ligne de goudron est une réelle providence. S'orienter à travers la steppe quand elle n'existait pas, relevait d'une tout autre aventure que celle que nous nous apprêtons à vivre. Il faudrait sortir la boussole et l'altimètre, le sextant et les cartes... aucun repère visuel ne peut aider l'orientation dans ce plat, pourtant vallonné, mais nu d'arbre, exempte de village, sans montagnes à contourner, ni rivière à suivre, et vide d'être humain auprès de qui s'enquérir.

...bon bein, y'a du sable sur la chaussée on dirait...



...retour au goudron, OUF!

Depuis 2 ans, la A0102 trace sa route auprès de la ligne de chemin de fer, direction Nord-Nord Est, il suffit de pédaler, d'ouvrir les yeux, et de se laisser séduire par l'incroyable Mongolie qui ne demande qu'à s'offrir à nous!
A nous la Mongolie!

Chacun de nos campements sera magnifique. Notre tente se dresse au milieu de rien tout l'espace n'est rien qu'à elle, rien qu'à nous! Pour se délecter de ces instants délicieux, on adopte un rythme lent (environ 50 km par jour) et on installe le camp en milieu d'après-midi, bricolant, flânant, cuisinant, prenant quantité de photos et observant la nature vierge qui reigne en maîtresse des lieux. Des troupeaux de chevaux semi-sauvage viennent nous visiter, curieux de nos intrusions sur leur domaine. Ils gardent toutefois leur distances, trop heureux de gambader librement, ne tenant pas à être attrapés pour travailler. Les poulains fraîchement nés se glissent sous leur mère et l'étalon de tête garde les oreilles dressées quand son clan s'abreuve dans les flaques formées par les pluies régulières qui se déversent sur cette terre aride à cette période de l'année. C'est le printemps dans le Gobi et il n'est pas rare que des orages éclatent, des éclaires zèbrent le ciel, le tonner gronde, se répercutant de masse nuageuse en masse nuageuse. Puis l'averse s'abat et le vent se déchaîne. On admire le spectacle depuis notre toile de tissus, mi-émerveillés, mi-apeurés, ne tenant pas à jouer les paratonnerres!

Campement avant Saynshand, sec.


Soir d'orage avec Sanne et Michiel (cyclos hollandais), deux des nombreux voyageurs rencontrés en chemin. Merci pour l'apréo!

Quand la pluie se calme, les oiseaux étrangement nombreux dans cet univers sans arbre, entament aussitôt leurs chants, comme si rien en s'était passé. En fermant les yeux, on pourrait se croire dans la forêt. Les lézards s'installent sur des cailloux pour se chauffer au soleil, les souris et autres chinchillas guettent le danger aux portes de leur terrier, les mouches et les fourmis reprennent leur labeur... Et nous, on part en balade, observer les fleurs, récolter des pierres "précieuses" volcanique, ou semblables à des silex, admirer les herbes hautes et même les buissons qui colorent l'une multitude de teintes de vert, ce désert, comme une prairie. Plus nous avançons vers Ulaambaatar, et plus le vert devient intense! Quelle surprise, nous qui avions en tête des dunes de sable, nous voilà à présent dans une marée végétale!

Visite des chevaux a notre camps peu avant Saynshand



Coucher de soleil peu avant d'arriver à Ulaambaatar

Plus on s approche de la capitale, plus c'est vert!

Après le mystère des éponges à vaisselle qui se volatilisent, se sont maintenant nos crottes qui disparaissent. C'est à n'y rien comprendre, au matin plus trace de nos toilette du soir??!! Nous mettons plusieurs jours à élucider cette énigme, jusqu'à ce qu'en observant une chamaillerie entre scarabés dont l'enjeu n'est rien de moins qu'une boulette de crottin de cheval, on réalise que ce sont eux, les chapardeurs de la nuit. Et ils sont avides de boulette, toxicos sur les bords, en un instant, ils font place nette. Rien ne se perd, tout ce récupère, et à notre tour, nous utilisons du crottin sec afin de brûler nos déchets. Ce n'est pas idéal au niveau écologique, mais dans ce pays, aucun centre de tri et d'incinération n'est encore en fonction. Système D donc...alors (Chut Jean-Da)!

Chameau...incroyable!


On roule entre rêve et réalité, entre ciel et terre, les nuages sont des boules de ouate à fond plat qui se dupliquent à l'infini, donnant l'impression d'un ciel sans limite s'écoulant au dessus d'un océan vert qui semble tomber dans l'horizon...  Et si la terre était plate??!! Les trains qui circule sur la voie Transmongolia sont épiques. Des convois de près d'un kilomètre de long parfois. Leurs locomotives fument. On dirait des jouets d'enfant des temps ancien qui sillonnent un décors trop grand pour eux. Parfois, un cheminot attentif actionne le sifflet pour nous saluer en agitant son bras par la fenêtre... Que du bonheur! Nous sommes aux anges quand nous croisons notre premier troupeau de chameaux, animaux imposants, on reste à distance respectueuse. Ils sont toutefois calmes de tempérament et ne bronchent pas lorsqu'on les engage comme figure vedette de nos films amateurs. Presque chaque jour nous en verrons, aussi commun que les hordes de chevaux, de vaches, de chèvres et de mouton. De loin en loin, des yourtes apparaissent. Seules, immobiles, de petits point blanc dans l'étendue cramoisie immense. Figées dans le temps et l'espace, elles semblent flotter là depuis toujours et pour toujours, voluptueuses et simultanément terre à terre. Apparitions mystiques! Quelle folie cette Mongolie, quel dépaysement, que de beautés préservées. Ses espaces silencieux et démesurés, ses animaux libres, procurent un sentiment d'évasion, de paix intérieure et de contentement. Des vautours planent à la recherche d'une carcasse, des aigles tournoient, des fauconnettes, telles des avions de chasse, pistent leur proies, les hirondelles batifolent jusqu'à leur nid sous les toits des maisons. Le soleil se couche, le ciel se teinte de rose, de rouge, de violet. Tout est bien paisiblement à sa place, un décors figé mais/et vivant qui invite à la contemplation tranquille. Les étoiles s'allument sur un écran bleu nuit et scintillent dans l'air pur. L'humidité nocturne fait jaillir le parfum des herbes qui embaument notre sommeil, s'endormir dans un bout de Paradis!

Jean-Da joue les courageux!


Train géant, miniature dans l'immensité!

Nous sortons gentiment du Gobi, il ne nous reste plus qu'à franchir un "massif de collines", on pédale dans un catalogue touristique, c'est comme dans la pub! Les courbures harmonieuses des versants sont des prairies chatoyantes, une rivière serpente dans le fond du vallon, les chevaux hennissent et galopent en troupeau vers les yourtes éparses, un jeune garçon talonne âprement sa monture, entraînent nécessaire pour gagner la course lors du Festival de Nadam (ancestralement l'assemblée annuelle des nomades), un berger-cavalier accompagne ses chèvres à l'abreuvoir... Derrière ces collines se cache un nouveau monde, celui des montagnes, qui nous surprend, mais que nous ne faisons qu'apercevoir car on oblique maintenant droit sur Ulaambaatar (Hero Rouge, en l'honneur du triomphe communiste de 1924, date à laquelle le pays déclare son indépendant de la Chine). 1.5 million d'habitants, ce qui représente 50% de la population totale du pays. Un centre urbain, entouré sur des kilomètres de yourtes et autres habitations plus sommaires, comme celles que nous avons vu dans les villages. On ne peut pas y croire, quel contraste avec les grands espaces du Gobi!

Bienvenu aux pays du cheval!


Cairn chamanique ou Bouddhiste perdu dans la verdures des collines pres de Ulaambaatar

2 commentaires:

  1. Vos photos sont magnifiques ... elle me font penser aux paysages du Kirghizstan. D'ailleurs si vous avez l'occasion c'est un pays magnifique qui vaut le détour :-)
    Belle suite d'aventure dans ces contrées magiques.
    bises
    Véronique (ingold)

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  2. Sambéno Léo et Jean Da
    Vos photos des paysages de Mongolie sont superbes, des plaines et des ciels qui nous font rêver...
    Merci de partager tous ces moments de vie et d'histoire avec nous.
    Bonne route. Amitiés des Yverdonois F&W

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