dimanche 21 avril 2013

Iran, de Maku à Téhéran (new+photos)

C'est avec une certaine appréhension que l'on pénètre le 24 mars, le périmètre de la frontière entre la Turquie et l'Iran. Les douaniers turques nous souhaitent bonne route. On rentre dans un sas, derrière nous la grille se referme, celle de l'Iran ouvrira 20 à 30 minutes plus tard. Ce contre-temps nous permettant de faire un peu monter la pression. Comment va se passer notre entrée en Iran? Y aura t'il une fouille de nos bagages? Va t'on avoir un entretien pour sonder les buts à notre visite de ce pays? Lorsque la grille s'ouvre, nous sommes en première ligne, on se présente aux douaniers iraniens avec une dizaine de voitures derrière nous. Nos passeports et nos visas sont scrupuleusement examinés, ils jettent un rapide coup d'oeil à nos vélo et on nous conduisent au fond d'un couloir à l'intérieur. Le douanier qui nous escorte me désigne du doigt le nom du bureau où il nous conduit “tourist office”. Une femme nous accueille à l’intérieur du bureau, elle nous offre une carte routière, des oranges et du chocolat avec un “Welcome in Iran”, pendant que je (Jean Da) essaye de mimer notre profession d'éducateur. Elle nous demandera encore quelles villes on veut visiter, et c'est tout? Oui!, ce sera tout, on enfourche nos vélos et roulons nos premiers mètres en Iran.

La frontiere est depassee. Dans notre dos le grand et le petit Ararat, adieux la Turquie!


Superposition des couleurs. Le vert et les contrastes des paysages iranien nous enchantent.

Village ocre avant Marand

Nous venons de quitter la Turquie où l'hiver est présent, mais la route jusque, et après la frontière descend et arrive dans la ville de Maku, nous sommes au printemps. Les arbres fruitiers sont en fleurs, les arbres les plus précoces ont de timide bout de feuille, les semis et les pâturages sont d'un coloris vert tendre qu'on a pas revu depuis longtemps.


Troupeau de moutons dans les montagnes verdoyantes avant Tabriz


Pandant deux jours on longe une gorge ou la vegetation abonde. Vive le printemps!

L'Iran sera pour nous une vraie école où chaque jour sera ponctué d'un apprentissage. C'est donc malgré nous que nous apprenons à gérer une popularité naissante. Durant les premiers jours, une voiture sur 3 ou 4 nous klaxonne ou fait un signe de la main pour nous dire bonjour, certain conducteurs roulent à côté de nous pour nous demander d'où on vient. Des voitures s'arrêtent pour nous prendre en photo, les gens nous stoppent dans notre progression pour parler avec nous. On entend beaucoup de “welcome in Iran”. Lorsqu'on fait une pause pour boire ou manger, les gens s'approchent, nous saluent, ils nous regardent, certains viennent se faire tirer le portrait avec nous. Au bout de quelques jours de ce régime, on déchante un peu, toutes ces pratiques nous fatiguent, elles se soldent en général par un “where do you come from” et “do you speak english?”, nous répondons “swiss" et "yes we speak english” et les gens s'en vont. Ce scénario se reproduit bien 50 fois dans la journée de vélo. D'autres conducteurs ne nous arrêtent pas seulement pour bavarder, ils sortent leur attirail pour nous servir un thé chaud, de l'eau, du jus de fruit, des oranges, des pommes ou des biscuits.
 
Sur la route de l'apprentissage on se rendra compte de l'accueil hors normes des gens rencontrés. Par exemple, 20 Km avant la ville de Marand, un homme aillant eu bruit de l'arrivée de deux touristes à vélo enfourchera sa bicyclette pour venir à notre rencontre. On roulera jusqu’à la ville ensemble où là, en vrai guide, il nous aiguillera pour changer nos dollars et nous présentera à un des ses amis chez lequel nous passerons la soirée et la nuit. Cela se reproduira 3 fois avant l'entrée des villes où des cyclistes nous accompagnent et nous dirigent sur toutes sortes de services : achat de nourriture, internet café, possibilité d'hébergement...

On apprendra que ici, l'accueil d'un voyageur c'est sérieux. C'est avec une petite courbette et la main sur le coeur qu'on nous fait entrer des les logis. A peine à l'intérieur on nous assoie directement dans de luxueux canapés, qu'on arrivera plus à quitter de la soirée. Ainsi le cérémonial identique dans toutes les familles, pendant que nous sommes droits comme des I sur nos sofas, on nous amène sur un plateau d'argent un thé qui repose dans une sous-tasse décorée. On nous présente ensuite un grand plat de biscuits où il est d'usage de n'en prendre qu'un, qu'il faut déposer dans l'assiette prévue à cet effet. Ce petit biscuit se mange avec délicatesse en s'aidant d'un couteau et d'une fourchette. Une fois cette douceur disséquée et avalée, un grand plat de fruit arrive devant nous, il convient d'en choisir un qu'il faut déposer dans une autre assiette peinte ou décorée. Ce fruit sera mangé avec raffinement en utilisant couteau et fourchette. Puis c'est le moment de manger quelque fruits à coques qui sont servit dans un bol personnel orné de peinture, cela permet aux invités de patienter que le repas soit servit. Chaque opération est exécutée avec sérieux et raffinement, il est d'usage de ne pas trop faire de bruit ou de discuter.

Chez la famille de Mitra, deco kitch et ambiance solanelle... La mere de Mitra est la meilleure cusiniere que nous ayons rencontree en Iran!
Les repas sont pris au milieu du salon à même le sol sur de magnifiques tapis persan où nos hôtes attendent avec impatience nos compliments. Oui, les Iraniens sont boulimiques des compliments. On doit encore beaucoup apprendre car il faut, je crois, complimenter la maison, son agencement, son mobilier, les enfants, le biscuit, le thé, le fruit, chaque cacahuète, le repas... Si tu ne complimentes pas assez, on te le fait comprendre. A la fin d'un repas, un homme nous dit: “je m'excuse que le souper ne vous aie pas convenu”, alors que personnellement, je (Jean-Da) me suis servit trois assiettes. Mince, après 100 kilomètres de vélo, notre fatigue latente, alors que j’ai dis à trois reprises à la maitresse de maison que son repas était délicieux, voir parfait, j’ai juste envie de partir dormir, mais non, je commence une longue explication en anglais approximatif pour remercier et complimenter à souhait notre hôte. Fatiguant!
Apprendre, apprendre, apprendre. Apprendre le Tarof, règle de courtoisie Iranienne qui consiste à faire des propositions dans le vent qu'il faut refuser. Exemple : Vous êtes les bienvenus à venir prendre du repos dans ma demeure. Il faut refuser au minimum 2 fois l'offre, à la troisième offre tu peux espérer qu'elle soit sérieuse. Bref, il faut refuser tout ce qu'on te propose et même lorsque tu refuses 5-6 fois l'invitation et qu'on accepte finalement, les résultats sont surprenants.

C'est le 13 eme jour de Norous ( Nouvel An Iranien), pour cette occasion les gens sortent de chez eux du matin jusqu'au soir pour eviter le mauvais sort et vont pic-niquer a l'iranienne dans la nature. Une famille nous invite a partager leur tapis de pic-nic.
Tu peux être invité à passer la soirée et la nuit avec insistance voir acharnement, on te bassine en anglais que la personne adore les voyageurs, elle love les cyclonomades... Cette personne ne te laisse pas le choix de refuser, elle te promet une soirée haut en couleur. Ainsi tu entres dans sa famille, on te plante dans le plus grand canapé, petite courbette, petit thé avec petit biscuit et petit couteau, le protocole suit son cour de manière parfaite mais plus personne ne nous parle durant la soirée? N'avons nous pas assez remercié ou complimenté??? Sûrement on doit encore apprendre un peu à être de meilleurs invités, car chaque accueil nous a laissé un sentiment inexplicable. L'ambiance est sérieuse, il y a un protocole à suivre, des règles et coutumes entre invités et hôtes qu'on ne connait pas. On doit sûrement faire beaucoup d'erreurs, mais le résultat est sans équivoque : c'est pas très fun d'être invité. Il y a un changement d'ambiance entre le moment où les gens viennent te chercher sur la route: viens dormir chez moi, l'énergie est mise dans la communication pour l'invitation, l'ambiance est charmante. Lorsque tu franchis la porte de la maison, l'énergie est mise dans l'accueil, l'ambiance devient sérieuse. Certes nous sommes reçu comme des princes, on sort le grand jeux, petite assiette, petit bol mais on ne parle plus beaucoup, c'est un peu lourd. Au matin lorsqu'on quitte et remercie nos hôtes qui nous on pêché la veille sur la route, on est perplexe, comme si la mayonnaise n'avait pas pris. Dans leur au revoir, on ressent également quelque chose qu'on a pas su combler. Apprenons encore un peu...

Une famille nous accueil a Shariar (banlieue de Teheran). Un interieur digne de mon incroyable maison sur MTV...
Le grand respect de iraniens envers notre personne, nos vélos et notre matos nous permet de baisser complètement notre vigilance. Je ( Jean-Da) me sens complètement en confiance dans ce pays, cela nous a permis d'apprendre à camper n'importe où, en ville ou campagne sans se cacher, au bord de la route ou dans les parcs du centre. Personne ne t'importune, curieux les gens viennent à notre rencontre et nous souhaite une bonne et charmante nuit. Avant de toucher quoique se soit, il demande toujours la permission, ce qui n'est pas d'usage dans les autre pays traversés. Les regards des hommes sur Leo sont sain, jamais déplacé, beaucoup d'hommes ne lui serrent pas la main mais, comme le veut la règle, ils font simplement une courbette en mettant leur main sur leur propre coeur.
Ce grand respect nous a encore re-appris à faire des courses ensembles en laissant nos vélos sans surveillance pendant qu'on est dans le magasin. Au sujet des achats , les 3 ou 4 premier jour en Iran, on a pas trouvé l'endroit où acheter du pain frais. En fait, les boulangeries ne se trouvent pas dans les ruelles marchandes elles se logent dans les quartiers d'habitations.
On a appris à faire de la résistance avec les forces de l'ordre, qui souvent veulent jeter un oeil à notre passeport. Nous comme deux ado, on ne comprend pas se qu'ils nous demandent, car ils font aucun effort pour communiquer et certains veulent faire des contrôles en usant de la crainte ou la peur. Faire l'ado consiste à ne pas sortir ton passeport de sa cachette en disant en Farsi et en anglais “quel est le problème”. Sans explication de leur part, on ne comprend rien. A ce jeux là, on a quand même réussi à donner nos cartes d'étudiant comme pièce officielle. Ce jour là, on est carrément retombé en enfance. Ils faut dire que ce soir là, ils débarquent à 6 autours de notre tente, ils marchent dans nos casseroles alors qu'on prépare le souper. Ces messieurs m'ont mimé de sortir mon porte-monnaie où j'ai une carte d'étudiant et une carte d'assurance maladie périmée. Je lui remets la carte d'étudiant où je suis en photo et continue mon discours “what is the problem” au bout d'une heure de ce cinéma, je leur remet une photocopie de mon passeport, un article de journal (celui de Turquie) parlant de notre voyage depuis la Suisse et un “welcome in Iran”. Le chef un peu surpris ou je ne sais quoi, ordonne qu'on nous amène à manger. La nourriture arrivée à notre tente sera catégoriquement refusée de notre part ainsi que la poignée de main entre homme pour se dire au revoir. Franchement, venir à 6 faire un contrôle, user du nombre pour mettre la pression alors qu'il suffit de demander les choses, marcher sur nos affaires, non je ne mange pas de ce pain, merci.


Les montagnes plissees a la sortie de Miyaneh


Un paysan nous autorise a camper dans sa culture de fruitier peu avant Zanjan. Tout est en fleurs!

On a dû aussi apprendre à être millionnaire, car en changeant un billet de 100 dollars, on a reçu 3 millions 400 mille rials. Au début cela a été très difficile d'utiliser cette monnaie et de savoir le coût des choses. Dans un autre registre de l'acquisition de compétence, on a expérimenté pour la première fois chez notre hôte Mitra et sa famille à Tabriz qui nous ont réservé un accueil des plus délicats. Oui je disais qu'on a expérimenté les toilettes sans papier, pratique qu'on a apprise et adopté depuis en faisant des ablutions avec de l'eau. Cette apprentissage n'a pas été évident, il faut d'abord dépasser le stade psychologique de la chose et ensuite c'est la pratique, au début un peu maladroit, je fais autant la lessive de mon pantalon et de mes souliers que ma toilette corporelle.

Le dome turquoise magestueux du tombeau d'un Empereur mongole. Sultanayeh, petit village au milieu des stepps fut jadis l'une des capitales de l'empire!
Aux alentours de Buin, le gardien d'un mosolee nous met a disposition la salle d'etude pour dormir. Une nuit sur tapis persan. Une luxueuse et confortable prison doree...


Notre itinéraire a passé par Maku, Marande, Tabriz, Sanjan, Bu-in, Téhéran, soit 1000 km en 11 jours de vélo, on a fait un jour de repos à Tabriz. C'est donc un peu sur les rotules qu'on s'approche de Téhéran, ville de 17 millions d'habitants. Heureusement, en périphérie de la ville, on croise Bagher, cycliste urbain qui nous conduira dans le centre. Il démarchera ses amis de vélo par téléphone, le soir c'est une horde à deux roues qui nous ouvre la route pour nous rendre chez Mohamed (ami cyclo) pour la nuit. Le lendemain on déménage chez Leila qui fait également partie du club Vélo Téhéran.
A l'ordre du jour à Téhéran: - obtenir un extension de visa iranien; - obtenir notre visa indien; - préparer un plan de sortie de l'Iran si on obtient pas de visa; - goûter goulument à la cuisine locale; - se repérer dans cette méga ville; - trouver des moments de solitude pour emmagasiner les expérience vécues.